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Colonel Rol-Tanguy : «Nous nous sommes engagés en Espagne en 1936 pour éviter la guerre à notre pays»

Colonel Rol-Tanguy : «Nous nous sommes engagés en Espagne en 1936 pour éviter la guerre à notre pays»

A l'appel du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a annoncé le 28 février la création d'une légion internationale de volontaires pour combattre les Russes, des Européens disent se préparer à se battre aux côtés de l'Ukraine. Un engagement au nom de la paix, de la démocratie, de la justice, qui rappelle l'engagement de milliers d'anti-fascistes du monde entier en 1936 sur le théâtre de la guerre civile espagnole.

Par Cyrille Beyer - Publié le 05.03.2022
Brigades internationales - 1996 - 02:21 - vidéo
 

Après que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé le 28 février la création d'une « légion internationale » réunissant les volontaires militaires étrangers pour venir en aide à la résistance ukrainienne, des Français se sont déclarés volontaires pour rejoindre le théâtre de guerre. Le plus souvent, anciens soldats, médecins, infirmiers, ils sont motivés par l’idéal de porter secours à un peuple injustement agressé et par celui de défendre, en Ukraine, la paix de l’Europe toute entière.

Cet engagement pour la liberté, pour la défense des principes communs à l’Europe démocratique, rappelle celui des milliers de jeunes hommes et femmes du monde entier, qui ont rejoint l’Espagne à partir de 1936 pour s’y battre aux côtés des Républicains espagnols agressés par les nationalistes espagnols du général Franco : les Brigades internationales. « 40 000 volontaires », « plus de 35 nationalités » nous explique le reportage de France 2 du 7 novembre 1996 placé en tête d’article, « dont 8000 Français », ont ainsi rejoint l’Espagne au nom de la liberté et de la lutte contre le fascisme.

Le fascisme, la guerre

Car le pays est alors le laboratoire des dictatures européennes : Hitler et Mussolini y expérimentent leurs avions, leurs armes, leurs tactiques de combat contre les Républicains. Nombreux sont ces jeunes Européens, le plus souvent des « militants communistes, ouvriers, syndicalistes », qui comprennent que la paix future de tout leur continent se joue de l’autre-côté des Pyrénées. L’avenir leur donnera tragiquement raison. La guerre civile espagnole, qui se termine par la victoire des nationalistes de Franco en avril 1939, sera le prélude à la Seconde Guerre mondiale.

Ce sujet de France 2, réalisé à l’occasion des 60 ans de l’engagement de ces Brigades internationales dans le conflit à partir de l’automne 1936, et de la réception donnée à l’honneur de 400 d’entre à Madrid, a retrouvé la trace d’un illustre ancien combattant français en Espagne, Henri Rol-Tanguy, dit « le colonel Rol-Tanguy », le même qui, quelques années plus tard, après son retour d’Espagne, deviendra l’un des principaux chefs de la Résistance française et conduira la Libération de Paris, en août 1944.

Rol-Tanguy « n’avait pas 30 ans quand à l’automne 1936 il a quitté son pays, son travail, ses amours. Il a traversé les Pyrénées, et s’est engagé pour la liberté dans une Espagne en guerre », relate le commentaire de France 2. Visitant le cimetière madrilène de Fuencarral, Rol-Tanguy se souvient : « Nous, nous comprenions que le fascisme, c’était la guerre. D’ailleurs, Hitler l’avait dit. Par conséquent, nous nous engagions pour éviter la guerre à notre pays, et en aidant l’Espagne républicaine, nous pensions justement faire en sorte que les dirigeants prennent enfin conscience du danger nazi, et prennent les dispositions pour l’empêcher de développer son effort de guerre. »

Autre brigadiste international, le tchécoslovaque Artur London. Lui aussi communiste, comme Rol-Tanguy, il acquiert une notoriété internationale après sa condamnation inique lors des procès de Prague de 1952 qui lui donnent la matière à son livre L’Aveu (1968), porté au cinéma par Costa-Gavras en 1970, avec Yves Montand dans le rôle-titre.

En 1969, Artur London, en exil depuis 6 ans en France, est l’invité de l’émission « L’invité du dimanche ». Il y évoque brièvement mais avec ferveur, l’expérience des brigades internationales dans les deux extraits ci-dessous, que nous avons retranscrits :

Transcription des propos d'Artur London de l'extrait ci-dessus, issu de l'émission « L'invité du dimanche » du 16 mars 1969.

« J’avais 22 ans. Le sursaut du peuple espagnol qui a pris les armes pour défendre la jeune république et la démocratie, était extraordinaire pour ma génération. Et pour nous, l’engagement dans les Brigades internationales était un engagement passionné et conscient, parce que nous savions ce que comportait la lutte du peuple espagnol, qui faisait face à une supériorité écrasante. Les généraux [nationalistes NDLR] n’étaient pas seuls, ils étaient appuyés par Hitler, par Mussolini, qui avaient choisi l’Espagne comme banc d’essai pour leurs armes. C’est là qu’ils ont expérimenté les Messerschmitt, les nouveaux tanks, les canons. C’est là qu’ils ont aussi mis à l’œuvre et expérimenté la stratégie moderne qu’ils appliqueraient très rapidement après l’Espagne, à la France, à la Belgique, à l'Angleterre : la stratégie de la guerre totale. »

Transcription des propos d'Artur London de l'extrait ci-dessus, issu de la même émission « L'invité du dimanche » du 16 mars 1969.

« Les Brigades internationales étaient sur tous les fronts. Dès le début de la guerre. Avant la formation des Brigades internationales, il y avait eu déjà des volontaires étrangers qui combattaient dans les « Centurias » à Irun, en Aragon, et puis en octobre [1936, NDLR] ce furent [le tour] des Brigades internationales. Malgré leur faiblesse numérique, ils représentaient une grande valeur morale, politique, et militaire par leur esprit de courage, de discipline, leur abnégation. Pourtant, c’était pas facile. [...] Former des unités de combat avec des gens qui viennent de différents pays, [c'est difficile] : ils n'ont pas de moyens de communications, [la maîtrise de] l'espagnol était toute théorique, surtout au début. C’était très difficile. Il y a d’ailleurs eu plusieurs milliers de morts chez les Brigadistes. »

Selon le reportage de France 2 en tête d'article, plus de 10 000 Brigadistes sont morts pendant la guerre civile espagnole.

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