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La notion de filiation : un débat au cœur de l'actualité en octobre 1971

La notion de filiation : un débat au cœur de l'actualité en octobre 1971

Il y a 50 ans, l'Assemblée nationale adoptait la loi sur la filiation établissant l'égalité de droits entre les enfants légitimes et les enfants dits "naturels". Jusqu'à cette date, ils n'avaient légalement ni famille, ni possibilité d'héritage.

Par Florence Dartois - Publié le 07.10.2021
La filiation - 1971 - 05:10 - vidéo
 

Il y a 50 ans, les 5 et 6 octobre 1971, l'Assemblée nationale adoptait la loi sur la filiation mettant un terme à l'inégalité qui existait alors entre les enfants légitimes et les enfants dits "naturels". Ce texte entendait simplifier les régimes de filiation et restituer aux enfants illégitimes leur place dans le cadre légal de la famille. Jusqu'à cette date, ils n'avaient légalement ni famille ni possibilité d'héritage. Dans un article daté du 7 janvier 1971, le journal Le Monde précisait : "Il s'agit de mettre fin à une hypocrisie fortifiée par des textes dans leur majorité hérités du 19e siècle, et que la jurisprudence ne peut réellement combattre". Cette différence de traitement datait en réalité du 14e siècle et avait été reprise dans le Code civil de 1804.

Il existait à l'époque trois régimes relatifs au statut de l'enfant. La filiation légitime, dans laquelle l'enfant avait été conçu et était né dans le mariage. L'enfant né de parents hors mariage était considéré comme "naturel", que son père l'ait reconnu ou pas. Il n'héritait que de la moitié de ce qu'il aurait pu obtenir si ses parents avaient été mariés et surtout, il était considéré juridiquement comme "étranger au reste de la famille de ses parents" et ne pouvait, par exemple, pas hériter sans payer les droits de succession qu'aurait versé un étranger. Quant au sort des enfants adultérins, selon la loi, ils n'avaient droit "qu'à des aliments", c'est-à-dire à leur entretien, et étaient exclus de tout héritage, et son géniteur ne serait jamais reconnu juridiquement, comme le père de l'enfant.

Un débat qui divise la société

Le 5 octobre 1971, le journal de 20 heures revenait donc sur cette révolution légale établissant une égalité de droits entre les enfants issus du mariage, les enfants naturels et dans une moindre mesure les enfants nés d'adultère. Dans ce long reportage, plusieurs mères, un aumônier et la psychanalyste Françoise Dolto donnaient leur avis sur ce projet de loi. Les mères interrogées émettaient des avis mitigés, l'une découvrant cette injustice et qualifiant cette différence de traitement de "monstrueuse", l'autre s'avouant contre la reconnaissance des enfants adultérins, "c'est peut-être très bourgeois ce que je vais dire, mais moi je suis pour garder la famille". Quant à l'aumônier de la fédération des juristes catholiques de Paris, il considérait que la succession n'était pas qu'une question d'argent ou de biens et que ces nouvelles dispositions pourraient entraîner des "brouilles dans les familles". Il se déclarait "contre le droit absolu à la succession" pour ces enfants nés hors mariage.

Françoise Dolto, très engagée dans la cause des enfants, se montrait tout à fait favorable à cette loi qui rétablissait "la vérité dans les liens qui existent, qui ne sont pas conformes à la morale, mais qui le sont avec la dynamique des cœurs et des corps (...) Une loi faite selon elle pour les enfants mais aussi pour les parents et surtout pour l'Etat, "puisque c'est une responsabilité monétaire et d'éducation". Elle concluait en demandant en quoi la morale naturelle serait en contradiction avec celle de l'Etat.

Un débat qui allait perdurer

Définitivement votée le 3 janvier 1972, la loi allait conserver la distinction entre enfants légitimes et naturels, mais mettait un terme à l'inégalité en matière d'héritage, déclarant que "l'enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l'enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère". En revanche, le texte supprimait la notion d'enfant adultérin et l'interdiction faite jusqu'alors au parent "coupable d'adultère" de reconnaître son enfant.

Il faudra encore attendre la loi du 16 janvier 2009 pour que disparaisse définitivement la différence entre la notion d'enfant légitime et d'enfant naturel qui n'existe plus aujourd'hui. Néanmoins, face à un héritage, un enfant adultérin n'était toujours pas traité à égalité avec un enfant légitime. D'ailleurs, en 2019, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits dans une affaire de discrimination à l’encontre des enfants adultérins .

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