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L'évolution du regard médiatique sur les canons à neige

L'évolution du regard médiatique sur les canons à neige

Décrits dans les années 1970 comme écologiques et capables d'assurer une meilleure rentabilité aux stations de ski, les canons à neige commencent à être décriés pour leur impact environnemental au début des années 1990. Retour sur une évolution des mentalités, alors que les Jeux olympiques d'hiver, utilisant une neige artificielle, se sont ouverts à Pékin vendredi 4 février.

Par Cyrille Beyer - Publié le 04.02.2022
 

Vendredi 4 février, la cérémonie d’ouverture au mythique stade du « Nid d’oiseau », à Pékin, a donné le coup d’envoi des XXIVe Jeux olympiques d’hiver. Ils se tiennent dans la capitale chinoise et sa région, jusqu’au 20 février. Particularité de ces Jeux, ils sont les premiers de l’histoire à être alimentés à 100% de neige artificielle. L’enneigement des pistes sera réalisé pendant ces semaines par une armada de 365 canons à neige, nécessitant deux millions de mètres cubes d’eau, dans une zone pourtant pauvre en ressources hydriques. De quoi alimenter une polémique sur le coût écologique de cet événement.

Les archives de l’INA permettent de saisir le changement de perception de l’utilisation des canons à neige dans les stations de ski, entre l’enthousiasme du début des années 1970 pour cette technologie en provenance des Etats-Unis – les premiers essais d’enneigement artificiel ont lieu dans l’Etat de New York au début des années 1950 – et les premières critiques quant à son impact environnemental au début des années 1990.

« Ski en été »

L’archive placée en tête d’article témoigne d’un moment historique, en France et en Europe. 1973, c’est la première fois qu’une station de ski s’équipe durablement de matériel américain pour enneiger son domaine. Il s’agit de Flaine, dans le massif du Giffre, en Haute-Savoie. Le reportage donne à entendre « l’optimisme » et la « confiance » qui sont alors à de mise dans les Alpes françaises, où la saison s’annonce comme « la meilleure qu’on ait jamais connue ». S’équiper en canon à neige c’est, pour les responsables de la station, étendre les périodes d’accueil, ce qui implique d’ouvrir plus longtemps les commerces, les restaurants, l’activité : c’est bon pour le business. « L’avenir est à l’extension de la saison de ski, c’est-à-dire qu’actuellement les gens font du ski, disons en janvier, février, mars, et pratiquement ensuite c’est terminé. Avec ce système d’enneigement, on peut garantir au moins deux mois de plus, c’est-à-dire décembre et avril ». Et pourquoi pas, rêver encore plus, au jour où l’on pourra skier toute l’année ? « On veut continuer l’an prochain à monter plus haut [les canons à neige] sur la montagne, et prolonger, peut-être, [afin] de faire du ski d’été ».

Le reportage explique le fonctionnement, « très simple », du canon à neige, sans jamais faire mention de son coût écologique. Le fait que le système n’utilise que de l’eau est jugé au contraire comme écologique, car il n’y pas d’ajout de matière chimique ou autre. « Le procédé […] réside dans une très puissante installation de pompe et de compresseur qui propulse dans deux canalisations de l’air et de l’eau. Les deux éléments parviennent dans une série de canons qui les transforment tout simplement en neige. Il suffit de quelques nuits pour enneiger parfaitement une piste de 2,5km. »

Dans cet autre reportage de 1977, la neige artificielle est vantée pour sa qualité, sa tenue – elle fond moins au soleil que la neige « classique ». Le reportage fait état de ce que pour les responsables de la station de Méribel, dans le domaine des 3 Vallées, « le seul problème, c’est le coût de la machine ».

En 1980, les Jeux olympiques d’hiver à Lake Placid, aux Etats-Unis, sont les premiers à utiliser des canons à neige.

En 1983, le propos est toujours aussi rassurant. L’enneigement par canon à neige est une « opération chère » mais qui permet d’avancer une saison qui s’annonce mal en raison d’un enneigement très faible. Le reportage donne la parole à un responsable de la station de Méribel pour qui « la neige artificielle, c’est de la neige tout à fait naturelle, obtenue comme la neige, qui nous vient du ciel par cristallisation dans l’air froid ambiant de gouttelettes très finement pulvérisées dans un canon à neige, et projetée à très grande vitesse et à très grande distance dans l’air froid ambiant. Aucun phénomène chimique ne vient s’ajouter à cette fonction naturelle et il n’y aucune crainte au niveau écologique de perturber le [fonctionnement] de la nature. »

« Force de frappe digne de l'OTAN »

En 1990, changement de ton. Le discours se fait critique : « Les scientifiques sont formels, l’utilisation des canons à neige pour ouvrir une piste de ski à tout prix ne restera pas sans conséquence directe sur l’environnement, à commencer par l’épuisement progressif des réserves d’eau potables en montagne », introduit le journaliste en début de reportage. Avant de donner la parole à un spécialiste : « Il n’est pas certain que toutes les installations de canon à neige respectent ce que l’on voudrait en matière de captage d’eau ». Et c’est à nouveau le domaine skiable des 3 Vallées qui est sous le feu des projecteurs, mais le vocabulaire utilisé pour décrire ces équipements a changé, il est même devenu martial : « [Le domaine] dispose d’une force de frappe digne de l’OTAN, avec quelque 800 pièces d’artillerie pointées vers les pistes. A titre d’exemple, Courchevel dispose à elle-seule de 220 canons. Pour enneiger 50 hectares de son domaine skiable, la station savoyarde vient d’engloutir en quelques semaines 100 000 mètres cubes d’eau, l’équivalent de deux jours de consommation d’une ville comme Grenoble ».

Les responsables de la station assurent respecter les règlements en matière de captage d’eau, et expliquent n’utiliser que les « trop-pleins des réservoirs communaux », en « aval donc et non en amont » de ces réservoirs, assurant ainsi qu’ils ne captent pas l’eau destinée à la consommation humaine. Mais le problème écologique est tout de même posé. Signe d’une évolution des mentalités, d’après le reportage, « certains pays envisagent sérieusement de réglementer l’usage de ces canons à eau ».

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