L'ACTU.
Le 4 mai 1988, trois otages français enlevés au Liban, Marcel Carton, Marcel Fontaine et Jean-Paul Kauffmann, étaient libérés. Ils avaient été enlevés trois ans plus tôt. Le lendemain de leur libération, ils rentraient en France, atterrissant sur la base aérienne de Villacoublay près de Paris. Là, ils ont répondu aux questions des journalistes présents. Le discours du journaliste Jean-Paul Kauffmann demeurre un moment intense.
L'ARCHIVE.
Le journaliste de L'évènement du jeudi - un hebdomadaire qui a cessé de paraître en 2001 - avait été enlevé le 22 mai 1985 alors qu'il arrivait à Beyrouth pour un reportage. Il ne sera donc libéré que trois ans plus tard, le 4 mai 1988, soit après 1078 jours de captivité. Il reviendra en France en compagnie de Marcel Carton et Marcel Fontaine, deux diplomates français enlevés quelques semaines avant lui. Mais sans Michel Seurat avec qui il avait été kidnappé. Ce dernier, sociologue et chercheur au CNRS, avait succombé pendant sa détention, vraisemblablement d'un cancer.
Dans sa première prise de parole publique après trois ans de captivité, Jean-Paul Kauffmann n'aura de cesse de rendre hommage à Michel Seurat. « D'une certaine manière, j'ai un peu honte d'être là aujourd'hui », disait-il pour commencer son propos, visible en tête de cet article (les quelques secondes qui se répètent ont été diffusées ainsi à l'antenne, ndlr). « Moi, j'ai été enlevé en mai 1985 avec un homme qui s'appelait Michel Seurat. J'ai été avec lui de longs mois, et nous l'avons vu s'éteindre peu a peu. (...) On a vu Michel Seurat lutter avec désespoir et puis aussi avec noblesse. Il ne s'exprimait pas beaucoup. Il se voyait mourir », poursuivait-il. Avant de raconter encore : « Michel, au début prenait la situation avec une certaine philosophie : il prenait des notes, il écrivait. Et puis, il disait : "moi, je suis prêt à attendre trois ans pour revoir mes deux filles". Et moi, je lui disais : "mais trois ans, tu es fou, tu te rends compte. Trois ans !" (...) Aujourd'hui, d'abord et avant tout, ma pensée va à Marie Seurat sa femme et à ses deux filles ».
Toujours sur le tarmac de Villacoublay, il poursuivait, les yeux mi-clos, concédant « et puis, c'est lui qui a disparu ». « On l'a vu pour la dernière fois le 28 décembre 1985. Il n'arrivait plus à tenir debout. Il a été transféré dans un endroit à côté de notre cellule. Et puis on l'a entendu pendant encore quelques jours, il toussait effroyablement. C'est quelque chose de terrible (...) Il aurait pu mourir auprès des siens et puis il est mort tout seul. C'est quelque chose d'affreux. Je ne peux pas l'oublier. »
Dieu et la bible pour tenir
Le 5 mars 1986, le Jihad islamique annoncera, photos à l'appui, la mort de Michel Seurat. Sa dépouille ne sera remise à sa famille qu'en 2006, quelques semaines après sa découverte dans un chantier de construction dans les faubourgs de Beyrouth.
En fin de discours, interrogé sur son sort, Jean-Paul Kauffmann évoquera également ses conditions de détention. « On ne revient pas des camps de la mort quand même, mais on n'a pas vécu, on a survécu », dit-il.
Quelques jours après cette arrivée très médiatisée - cette libération était intervenue dans l'entre deux-tours de la présidentielle de 1988 opposant le président sortant François Mitterrand et son premier ministre Jacques Chirac - Jean-Paul Kauffmann tiendra une conférence de presse au cours de laquelle il reviendra sur sa détention et sa résistance - « Dieu et la bible m'ont beaucoup aidé » - et rendra à nouveau hommage à Michel Seurat. Une prise de parole à voir ci-dessous.
Conférence de presse Jean Paul Kauffmann
1988 - 04:24 - vidéo