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Jacques Villeglé : «Il y a toute une œuvre à faire à partir des affiches»

Jacques Villeglé : «Il y a toute une œuvre à faire à partir des affiches»

L'artiste, qui avait inventé avec son ami Raymond Hains le mouvement de l'affichisme dans les années 1950, s'est éteint le 6 juin à l’âge de 96 ans. En 1983, l'émission «Peintres de notre temps» le filmait à l'oeuvre dans les rues de Paris et l'interrogeait sur son travail d'affichiste.
 

Par Cyrille Beyer - Publié le 08.06.2022
 

Le 13 janvier 1983, l'émission «Peintres de notre temps» s'intéresse à l'artiste Jacques Villeglé, qui fut dans les années 1950 le précurseur du courant du nouveau réalisme, un mouvement français né officiellement en 1960 autour du critique d'art Pierre Restany, et composé notamment d'Arman, Yves Klein, Jean Tinguely, César, Daniel Spoerri. Dans le contexte de la consommation triomphante de la société des Trente Glorieuses, ces artistes portaient un regard critique sur leur contemporanéité à travers les matériaux du quotidien, afin de leur donner une seconde vie.

Donner une seconde vie à des matériaux bruts, c'est donc ce à quoi s'attellent dès le tout début des années 1950 Jacques Villeglé et Raymond Hains, comme le raconte le premier à la caméra de «Peintres de notre temps» : «J’étais à Nantes, Raymond Hains était à Paris, il m’a écrit qu’il avait ramassé un petit bout d’affiche rue du Montparnasse». Pour Jacques Villeglé, cette expérimentation résonne presque comme une vocation : « A ce moment-là, moi qui cherchais des objets [pour mon art], je me suis dit : "les affiches, ça c’est génial, il y a toute une œuvre à faire avec ça". Ça s’est tout de suite vu qu’on pouvait amplifier ce petit morceau d’affiche, devenir des collectionneurs, et [...] aussitôt et je me suis mis à travailler là-dessus. »

Dès lors, et pendant tout le reste de sa carrière artistique, Jacques Villeglé, de son vrai nom Jacques Mahé de La Villeglé, va faire de l'affiche son principal outil. Au contraire des collages cubistes du début du XXe siècle, sa méthode se veut révolutionnaire : il s'agit de « décollage, pour montrer que c’était le contraire du collage, explique t-il au cours de la même interview. On ne prend pas des morceaux à droite et à gauche pour composer un tableau, on décolle du mur, de la palissade, une chose en entier ». Une opération conduite à travers le plus souvent la technique de la lacération, afin de révéler la superposition des affiches.

L'art de la paresse

Cet affichisme, Jacques Villeglé va l'ériger comme choix artistique, et comme attitude face au processus de création, réputé traditionnellement comme douloureux. Il revendique au contraire une forme de « paresse » par rapport à ses amis peintres qui se « torturent » dans leur travail : « Pour nous au contraire, c’était un jeu rigolo, on ramassait ces affiches, on revenait [...] il y [avait] ce côté subversif : refuser le travail ».

Revendiquant avec humour une certaine légèreté dans la façon d'aborder son travail, Jacques Villeglé a néanmoins marqué l'art contemporain par l'originalité formelle de ses compositions, témoin de leur époque (guerre d'Algérie, mai 68, consumérisme, campagnes politiques etc...) Une oeuvre qu'il a voulu, de concert avec ses amis du nouveau réalisme, en rupture totale avec la peinture d'alors : « On sentait qu’on allait nier la peinture qui se faisait, que la peinture à l’huile était arrivée au bout du rouleau. »

De nombreuses rétrospectives et participations à des expositions majeures, comme « Les années pop » au centre Pompidou en 2001, lui ont rendu hommage. Jacques Villeglé s'est éteint à Paris le 6 juin, à l'âge de 96 ans.

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