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Réquisitions : en 2010, les grévistes de Grandpuits dénonçaient «une atteinte au droit de grève»

Réquisitions : en 2010, les grévistes de Grandpuits dénonçaient «une atteinte au droit de grève»

Plusieurs raffineries françaises sont toujours bloquées par une grève qui provoque une pénurie d'essence dans de nombreuses stations-service. En réponse, le gouvernement a lancé le 12 octobre la réquisition des employés indispensables au fonctionnement des dépôts. Cette procédure avait déjà été déployée en 2010 à la raffinerie de Grandpuits, dans le cadre des mouvements sociaux contre la réforme des retraites.

Par Romane Sauvage - Publié le 11.10.2022 - Mis à jour le 14.10.2022
 

L'ACTU.

Dans le cadre de la grève des employés des raffineries Esso-ExxonMobil et TotalEnergies pour de meilleurs salaires, la Première ministre avait demandé en début de semaine la réquisition « des personnels indispensables au fonctionnement des dépôts ». Elles ont pour but de pallier les pénuries de carburant qui émergent dans de nombreuses stations-service. La première réquisition a ainsi été lancée mercredi 12 octobre à la raffinerie ExxonMobil de Port-Jérôme-Gravenchon en Seine-Maritime, où la grève est désormais levée. Des réquisitions de personnel ont également été effectuées au dépôt TotalEnergies de Dunkerque.

LES ARCHIVES.

Cette procédure du gouvernement n’est pas sans précédent. En 2010, déjà, « c’est par la répression que monsieur Nicolas Sarkozy entend faire cesser ce mouvement social », dénonçait un gréviste de la raffinerie de Grandpuits en Seine-et-Marne. Dans la cadre de la réforme des retraites menée par l’ancien président de la République, les raffineries du pays avaient été bloquées, ce qui avait provoqué une pénurie d’essence dans certaines stations-service. Le site de Grandpuits était alors stratégique puisqu’il fournissait 70% du carburant d’Île-de-France.

Solution employée par le gouvernement de l’époque : réquisitionner les salariés. Ce qui avait « donné lieu à des échauffourées entre les grévistes et les forces de l’ordre », comme on le voit dans l’archive en tête de cet article. Une procédure jugée abusive. « Trois manifestants ont été blessés. Ils dénoncent surtout la réquisition du site, qui est, pour eux, une atteinte au droit de grève. », dit le commentaire du reportage.

L’idée des employés en grève fut de bloquer l’entrée du site afin d’empêcher leurs camarades également grévistes, mais réquisitionnés, d’accéder à leur poste de travail. Car, ceux qui furent appelés pour ouvrir les vannes, au nom de l'arrêté préfectoral de réquisition, ne pouvaient s’y opposer sous peine de sanction allant jusqu’à 6 mois de prison et 10 000 euros d’amende. Les manifestants furent délogés par les forces de l’ordre. « C’est honteux, c’est une honte. Jusqu’à 70 piges dans cette raffinerie à tourner des grosses vannes, à faire du travail ingrat. On perd tous nos acquis sociaux, on nous envoie quoi ? Les gendarmes », se scandalisait alors un employé.

Si comme l’explique l’archive ci-dessous, l'État peut intervenir et réquisitionner des employés, cela doit se faire dans un cadre extrêmement précis, sinon il peut y avoir atteinte au droit de grève. L'un des arrêtés préfectoraux de réquisition avait d'ailleurs été suspendu en octobre 2010, car il ordonnait la réquisition d'une grande partie du personnel au lieu du strict minimum. « Ces réquisitions en raffineries ont depuis été jugées abusives par l'Organisation internationale du travail. Plus question de l'ordonner sans concertation avec les syndicats », expliquait la journaliste à propos de 2010.

Pour l'heure, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le 14 octobre un recours en référé de la CGT qui contestait les arrêtés préfectoraux de réquisition des employés de la raffinerie de Port-Jérôme-Gravenchon. Il établit que la procédure n'a pas porté « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève » en ne réquisitionnant qu'un petit nombre de personnes, visant à « assurer un service minimum de pompage et d’expédition du carburant ».

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