L'ANNIVERSAIRE.
François Hollande fête ses 70 ans ce 12 août 2024. L'occasion de revenir sur ses débuts en politique. Avant de devenir le Premier secrétaire du Parti socialiste en 1997 (jusqu'en 2008), puis président de la République en 2012, François Hollande fut maire de Tulle de 2001 à 2008 et président du Conseil général de Corrèze de 2008 à 2012. Mais il débuta sa carrière politique en tant que député de Corrèze en 1988.
L'archive disponible en tête d'article date de 1986, alors qu'il briguait pour la seconde fois un mandat dans la circonscription de Jacques Chirac, rien de moins. Pour l'occasion, le 5 février 1986, à 31 ans, il était reçu sur l'antenne de FR3 Limoges pour une interview détendue, mais enlevée, dans laquelle il était question de ses compétences et de ses ambitions politiques.
L'ARCHIVE.
« Qu'est-ce qui peut faire courir un candidat socialiste en Haute-Corrèze, où Jacques Chirac est très implanté ? »
En 1986, François Hollande n'est pas inconnu des Corréziens, il a déjà brigué un mandat en 1981, soutenu par Jacques Delors. Candidature qui s'était soldée par un échec. Pour cette nouvelle campagne législative, le conseiller municipal d'Ussel (Corrèze) se présente en deuxième position sur la liste socialiste en Corrèze. Face à lui, un géant régional, le très implanté et populaire Jacques Chirac. Ce challenge étonne Marc Wilmart et Claude Prunier, les présentateurs du magazine « Vu d'ici ». S'ils reçoivent tous les candidats en lice dans la région, ce « parachuté parisien » semble les intriguer. Ils lui demandent si cette candidature ne cacherait pas d'autres ambitions, plus nationales, celles-là.
Une candidature intrigante
Leurs questions portent essentiellement sur ce sujet. Ils le titillent gentiment : « Vous avez été directeur de cabinet de Max Gallo, au temps où il était porte-parole du gouvernement. Alors, on peut supposer qu'un énarque comme vous, jeune, ait quelques ambitions. Alors, vos camarades du PS, ils vous balancent, si j'ose dire, dans un fief chiraquien, en sachant pertinemment que vous allez perdre. Ce n'est pas très gentil, ça, non ? »
Avec le sens de la répartie qu'on lui connait, le jeune politicien ne se laisse pas intimider par cette charge journalistique et s'en sort avec une citation : « Mais vous savez, il y a une maxime qui dit : "Il n'y a pas besoin d'espérer pour entreprendre ni de persévérer pour réussir" (ndlr : phrase attribuée à Guillaume d'Orange dit le Taciturne). Alors, j'en suis là, poursuit-il, avant d'ajouter : Ce n'est pas parce qu'on fait de la politique qu'on doit forcément avoir une ambition immédiate. On fait de la politique aussi pour porter quelques idées. Mes idées sont connues, ce sont les idées du Parti socialiste. Et moi, je suis en Haute-Corrèze pour représenter ce parti, ses idées, les réflexions qu'il défend auprès de tous ceux qui habitent cette terre, qui n'est la propriété de personne. Pas plus de Jacques Chirac que d'aucun autre. »
François Hollande dément ensuite le fait d'avoir été « balancé », ironisant s'être « balancé lui-même ». L'énarque au visage encore poupin veut creuser son sillon en politique. Il l'affirme, il a des ambitions et saura patienter pour les réaliser. « J'ai tout le temps devant moi et il n'y a pas besoin d'être forcément pressé pour faire de la politique », glisse-t-il dans la conversation.
Parachutage ou réelle légitimité ?
À l'époque, il est conseiller à la Cour des comptes et donne un cours d'économie à l'Institut d'études politiques de Paris en tandem avec Pierre Moscovici. Un CV prestigieux s'il en est. L'un des journalistes l’interroge à nouveau sur l'incongruité de sa candidature, reprochant en filigrane au PS d'afficher, à travers sa candidature, une « carte de visite » plutôt qu'un homme de terrain engagé.
François Hollande rejette la caricature du journaliste et rétorque : « Faire des études, c'est d'abord une chance, donc ça ne confère aucun droit. Ce n'est pas parce qu'on a des diplômes, qu'on a quelques titres à faire valoir en matière politique. Je crois que je suis en Haute-Corrèze et je suis candidat du Parti socialiste, non pas en fonction de ma carte de visite, mais en fonction des qualités que mes amis socialistes ou les électeurs voudront bien me reconnaître ou m'ont déjà reconnues. »
Des qualités qui lui serviront à progresser au sein du Parti socialiste les années suivantes. On connait la suite. Après un nouvel échec en 1986, François Hollande a finalement été élu aux élections législatives de 1988 qui suivirent la réélection de François Mitterrand. Il est élu avec 53 % des suffrages exprimés dans la première circonscription de la Corrèze. À l'Assemblée nationale, il devient secrétaire de la Commission des finances et du plan et rapporteur du budget de la Défense. En 1993, il perdra son mandat de député (il est battu par Raymond-Max Aubert du RPR), mais entamera sa carrière nationale de cadre du PS tout en restant fidèle à sa ville de Tulle.
La suite de l'interview
L'intégralité de cette interview de 1986 est disponible ci-dessous. Il y est notamment question des problèmes économiques dans le département, des relations PS-PC régionales et nationales et de l'alliance qui les liait avant le départ des ministres communistes du gouvernement. Ils évoquent les relations que François Hollande entretient avec la majorité municipale d'Ussel. Il explique aussi comment désenclaver le Limousin et évoque son livre « La Gauche bouge ».
Dans cet ouvrage collectif de « transcourants » du PS paru en 1985, François Hollande a écrit sous le pseudonyme de Jean-François Trans. Les auteurs se présentent comme des « libéraux de gauche » et dénoncent les « rhumatismes de la vieille gauche ».