L'ACTU.
L'Assemblée nationale a examiné mardi 7 mars la proposition de loi visant à mettre en place une peine d'inéligibilité automatique pour toute condamnation pour violences conjugales. Proposition qui a été rejetée par 140 voix, contre 113, après un débat houleux, marqué par l'émotion et les larmes contenues d'Aurore Bergé, la patronne des députés Renaissance, accusée d'« opportunisme » par l'opposition. Visiblement émue, la députée a fait comprendre que ce texte lui tenait à cœur pour des raisons personnelles. Après s'être défendue de toute « instrumentalisation » du sujet, elle a déclaré à la députée Insoumise Danièle Obono qui la prenait à partie : « Je sais de quoi je parle, Madame Obono ! Personne ne sait ici l'intimité de ce que nous pouvons vivre ou de ce que nous avons vécu. Mais oui, je sais exactement de quoi je parle quand je parle de violences conjugales ! »
Cet épisode étonnant rappelle que le sujet des violences conjugales reste épineux, malgré les différentes lois votées ces dernières années en matière de répression, de reconnaissance et de protection des femmes victimes de violences au sein du couple. Nous ne sommes pas loin des commentaires qu'égrenaient les sujets des JT à la fin des années 1970, lorsque la parole a commencé à se libérer, notamment à la télévision. Lorsqu'il fallait encore expliquer ce qu'était une femme battue, comme était obligé de le faire Jean-Claude Bourret, le 28 février 1976, dans son lancement à découvrir ci-dessous.
L'ARCHIVE.
L'archive que nous vous proposons en tête d'article date d'avril 1978, deux ans après ce lancement du journaliste star du JT de 20 heures de TF1. C'est à nouveau lui que nous retrouvons à l'occasion de l'ouverture du premier centre d'accueil des femmes battues, le centre Flora Tristan, à Clichy (92).
Le 22 avril 1978, le JT de 20 heures de TF1 consacrait un long sujet à cette question des violences conjugales, en évoquant l'ouverture de la structure. Dans son lancement, Jean-Claude Bourret précisait que c’était « une première en France ». Ce succès avait été obtenu après plusieurs années de lutte féministe, notamment celle des militantes du MLF (Mouvement de libération de la femme) et de l'association SOS Femmes battues.
« N’en riez pas ! Les femmes battues, oui ça existe ! », ainsi débutait le sujet de Christiane Delacroix sur ce premier refuge pour victimes de violences conjugales ouvert en France. Cette introduction éclaire à son tour sur le peu de cas que l'on faisait à l'époque de cette question. Le centre d'accueil Flora Tristan était ouvert aux femmes battues et à leurs enfants. Il avait reçu l’aide du ministère du Travail et de la Santé.
Cet accueil 24h/24 devait permettre aux femmes d’échapper à la violence conjugale, un « cas d’espèce, direz-vous », ajoutait la journaliste en s'adressant aux téléspectateurs, un nouvel indice du peu d’intérêt que la société portait à ce sujet à la fin des années 1970. Elle expliquait que les femmes étaient « des milliers chaque année à subir des sévices », avant d'ajouter qu'ils étaient souvent « dus à l’alcoolisme, aux troubles nerveux, à la jalousie », un inventaire d'excuses qui minimisait, de fait, la responsabilité des conjoints dans la violence infligée aux femmes.
Le reportage montrait quelques plans de ce centre d'accueil unique et donnait la parole à Francine Perret, la médecin du centre. Elle décrivait dans quelle détresse physique et psychologique arrivaient les femmes, expliquant que le but de l'accueil était de leur redonner confiance, « ce qui est important, c’est qu’ici nous les voyons revenir à un état beaucoup plus normal. Nous nous apercevons que ce sont des femmes comme toutes les autres », précisait-elle.
Se reconstruire et s'autonomiser
Christiane Delacroix interrogeait ensuite l’une des femmes battues accueillies et lui demandait les « motivations » qui l’avaient poussée à quitter son foyer. Une étrange question. La femme émue décrivait la violence de son mari, d’abord verbale, puis physique et psychologique, lorsqu’il l’avait forcé à ramasser du verre brisé, « il m’a frappé, j’ai crié, ma fille s’est mise à hurler », racontait-elle. Elle décrivait la pression psychologique, la peur : « je n’ai pas pu dormir de la nuit, j’avais peur que mon mari intervienne, qu'il revienne dans la chambre et recommence à me frapper, ou faire je ne sais quoi. » La jeune femme avait ensuite quitté le domicile conjugal, s’était rendue dans un commissariat et avait été orientée vers ce foyer. Avec un sourire timide, elle confiait se sentir soulagée.
Ce foyer n’était encore qu’expérimental et accueillait également les enfants, victimes collatérales des violences conjugales. « Ils ont vécu trop des rapports de violence et pourraient être tentés de les reproduire », ajoutait la journaliste. Le refuge comptait alors une trentaine de lits où l’on restait six semaines.
Le reportage terminait sur l’interview de l’avocate de l'association, Martine Le Péron, qui précisait qu’il n’y avait pas un profil type de femmes. La violence conjugale concernait toutes les classes sociales, expliquait-elle : « nous avons des femmes de PDG, de médecins au même titre que des femmes d’OS ».
Le sujet expliquait que l'autre objectif de cet accueil temporaire était de les aider à trouver un emploi, seul moyen de leur donner leur autonomie. L'avocate insistait d'ailleurs sur l’importance d’acquérir une indépendance financière par le travail ou la formation professionnelle. Il s’agissait du seul levier capable de les aider à échapper à leur sort : « elles peuvent, par l’intermédiaire de la formation professionnelle pour adulte, acquérir une formation professionnelle qui leur permette d’avoir un salaire beaucoup plus important, plus élevé. Il faut leur donner à ce niveau-là toutes leurs chances. », martelait-elle avec conviction.
Visite du centre Flora Tristan
L’archive ci-dessous, diffusée dans le magazine « Aujourd’hui la vie », en 1982, revient sur le fonctionnement du refuge Flora Tristan. Toujours animé par des militantes, le centre était pérennisé et accueillait encore ces femmes battues et leurs enfants. Nous découvrons la vie quotidienne dans le centre. L’une de ses fondatrices, Annie Sugier, revient sur l'histoire de sa création. Le centre existe toujours aujourd'hui.
Le refuge Flora Tristan pour femmes battues
1982 - 04:12 - vidéo
Battez-vous votre femme ? Le micro-trottoir sans complexe de 1975