L'ACTU.
Le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, son adjoint et huit autres passagers sont décédés dans un avion privé qui s'est écrasé, mercredi 24 août, en Russie. Accident ou liquidation ? La réponse n'est pas encore tranchée, mais certains commentateurs voient dans ce crash, la froide vengeance du président russe.
Du 23 au 24 juin 2023, en pleine guerre en Ukraine, Evgueni Prigojine avait mené une rébellion contre l'état-major de Poutine et avait marché avec ses troupes vers Moscou. Un pseudo putsch qui avait échoué, mais que le maître du Kremlin avait vécu comme une trahison. Dans une allocution à la Nation, il avait déclaré qu’il s’agissait « d’un coup de poignard dans le dos de notre pays et de notre peuple », « une trahison », qualifiant le leader rebelle de « traître ».
À l’époque, certains annonçaient déjà la vengeance du président russe et sur les réseaux circulait une vidéo datant de 2018. Dans cet entretien pour la télévision russe, Vladimir Poutine avait expliqué de manière glaçante ce qu'il pensait des traîtres : « Je pardonne tout sauf la trahison. » De quoi placer Prigojine en ligne de mire.
D'abord obligé de s'exiler en Biélorussie, le chef des mercenaires de Wagner avait été vu à Saint-Pétersbourg et, il y a quelques jours encore, en Afrique. Dans l’avion qui s’est écrasé se trouvaient d’autres membres du staff de Wagner, notamment son bras droit, Dmitri Outkin, réputé pour sa cruauté. Il sera question de ces personnages dans cet article. La première archive à regarder en tête d’article relate les relations complexes unissant le Kremlin à la milice Wagner et, de manière plus précise, la relation qu’entretenait Vladimir Poutine avec Evgueni Prigojine.
L’ARCHIVE.
Le 17 octobre 2021, le 20 heures de France 2 consacrait un long reportage à la sphère d’influence de Wagner. Ce groupe paramilitaire, qui a déjà fait parler de lui en Ukraine, en Syrie, en Libye, se déployait au Mali qu'alors les Français étaient en train de quitter. L’enquête cherchait à comprendre qui se cachait derrière ce groupe de « quelques milliers d'hommes capables de changer le cours d'un conflit », et qu'officiellement le Kremlin déclarait ne pas connaître.
Dans sa première partie, le reportage revenait sur l’histoire de ces mercenaires à la botte de la Russie. Ils avaient commencé à faire parler d’eux, en Ukraine, en 2015, alors qu’ils soutenaient le camp des pro-russes. On les retrouvait ensuite en Syrie, aux côtés des hommes de Bachar el-Assad, puis en Libye, où ils allaient sauver le maréchal Haftar, ou en République centrafricaine aux côtés du président Touadéra. Cette présence apparaissait insupportable aux forces occidentales qui jugeaient la milice Wagner « infréquentable », expliquait le commentaire. Ces mercenaires étaient aussi accusés de nombreuses exactions et crimes, notamment en Syrie.
Une question se posait : quel était le lien entre le pouvoir russe et ces mercenaires ? La suite du reportage tentait de répondre à cette interrogation en dévoilant l’identité de celui qui dirigeait le groupe paramilitaire, le mystérieux Evgueni Prigojine : « Derrière Wagner, il y aurait Evgueni Prigojine, un oligarque qui entretient de nombreuses relations avec l'armée russe officielle. Il a fait fortune dans la restauration et a été surnommé "le cuisinier de Poutine" ». Mais officiellement, les sociétés de militaires privées étaient interdites en Russie et Vladimir Poutine, lui, continuait à nier officiellement être derrière les mercenaires de Wagner, notamment en Libye, affirmant que l’État russe ne les finançait pas.
En fin d'enquête, Colin Gérard, de l’Institut français de géopolitique, décrivait l’intérêt de ces faux-semblants pour Poutine, Wagner lui permettant d'assurer discrètement un retour de la puissance de l'influence de la Russie en Afrique, « mais au moindre dérapage, précisait-il, la Russie peut aussi nier tout lien avec le groupe. Donc, il y a vraiment cet intérêt de faire un petit peu le travail de l'ombre, le travail un peu sale que l'armée russe ne voudrait pas engager directement ».
Des membres de Wagner témoignent
Plusieurs membres de cette société militaire privée se sont exprimés dans les médias, souvent sous couvert d'anonymat, à l'image de ce chef cosaque en 2018 pour france24.
Certains de ces ex-mercenaires acceptent parfois de parler à visage découvert, comme Marat Gabidullin, qui a choisi de se confier dans un livre et de faire des révélations sur les activités de ce commando très particulier où il officia quatre ans. Un témoignage diffusé dans le 20 heures de France 2 le 10 mai 2022, un mois après que le monde a découvert les crimes perpétrés à Boutcha, près de Kiev, par l'armée russe et les membres de Wagner.
Dans cette entrevue, l'ex-commandant de la milice Wagner se montre particulièrement critique envers son ancien patron, Dmitri Outkine, le bras droit d'Evgueni Prigojine qui aurait péri à ses côtés dans le crash d'avion. Connu pour être particulièrement violent, il est décrit ici comme « sans foi ni loi » n'ayant « aucun principe moral ».
Groupe Wagner : Un ancien mercenaire de Vladimir Poutine témoigne
2022 - 02:49 - vidéo
L'ex-commandant de la milice Wagner témoigne : « J'ai compris qu'on était utilisé au gré des besoins de Moscou comme de la chair à canon (...). On ne nous a pas enseigné de code de conduite. Le seul objectif était militaire », « Les gens de Wagner n'existent pas officiellement, donc ils savent qu'ils n'auront jamais à répondre de leurs actes ».