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En 1972, des jeunes filles témoignaient de la difficulté de devenir ingénieures

En 1972, des jeunes filles témoignaient de la difficulté de devenir ingénieures

A l'école, dans l'enseignement supérieur ou plus tard, dans les métiers scientifiques, les femmes sont encore aujourd'hui sous-représentées. Dans les années 1970-80, les premières filles à entrer en école d’ingénieurs devaient déjà faire preuve de volonté pour s'imposer. Elles racontent.

Par Florence Dartois - Publié le 11.02.2022 - Mis à jour le 15.02.2022
Les filles élèves ingénieures - 1972 - 02:30 - vidéo
 

Le 25 janvier dernier, plusieurs sociétés savantes et associations de mathématiques avaient dénoncé dans un communiqué « l’aggravation des inégalités filles-garçons en mathématiques au lycée ». D’après une note de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, de mai 2021, « 50 % des filles choisissent d’arrêter les mathématiques en enseignement de spécialité entre la première et la terminale contre 30 % des garçons ». Plus tard, les femmes sont toujours minoritaires dans les cursus scientifiques. Selon les données des écoles françaises d’ingénieurs, les jeunes femmes ne représentent que 28% des effectifs. Un chiffre stable depuis une dizaine d’années.

La situation actuelle n’est pas sans rappeler celle décrite dans l’archive présentée en tête d’article. Il s'agit d'un reportage diffusé le 15 février 1972 dans le magazine « L’Hexagone ». Il y a 50 ans, « perdues au milieu des garçons », des jeunes filles, élèves d'une école d'ingénieurs, étaient interrogées sur leur parcours scolaire. A l'époque, les femmes ingénieures femmes représentaient 4% de la profession, selon le journaliste.

Interrogées dans leur classe, elles racontaient avoir bataillé pour rejoindre ce cursus scientifique et cette école. Elles avaient dû mener un combat permanent contre les préjugés, surtout ceux de « la famille, les professeurs ». L'une d'entre elles raconte que son frère lui avait dit : « Ah non, une femme ingénieur ça ne se fait pas ! ». Une autre élève explique avoir été « empêchée » au lycée, notamment du côté des conseillers d’orientation, « ça lui semblait aberrant ». Il l’avait fortement incitée à suivre une filière généraliste pour devenir professeur. Elle voulait travailler dans le scientifique mais son conseiller lui avait répondu qu'une « fille ce n’est pas assez résistant. Pour "la taupe" [la prépa scientifique], il faut vraiment être costaud ». Il aurait même ajouté : « ça a toujours été pour les garçons ».

Deux conseillères d’orientation interrogées dans la suite de ce reportage réfutaient ces affirmations, et reportaient la responsabilité sur les familles et les jeunes filles elles-mêmes qui refusaient les filières scientifiques.

Des préjugés tenaces

Une fois le diplôme en poche, les jeunes ingénieures devaient encore batailler contre les préjugés, ceux de la société. Dans la suite de ce reportage ci-dessous, elles évoquaient leurs difficultés à s’insérer dans le monde du travail.

« Dans la vie professionnelle, on est fortement défavorisées au niveau de l’emploi ».

L’inégalité se poursuivait pour trouver un emploi et concernait en premier lieu la question du salaire, « à présence égale, je ne vois pas pourquoi on n’aurait pas un salaire égal puisque le rendement est le même », remarquait une première jeune femme. Une autre regrettait que dans la société la femme soit perçue comme « un esprit inférieur » et doive « s’occuper des enfants. Beaucoup d’hommes le pensent ».

D’ailleurs, le journaliste, reprenait lui-même ce cliché en leur demandant si une femme sur un chantier ce n’était pas « incongru » ? Elles craignaient que ceux qu’elles seraient amenées à diriger « opposent un refus systématique » et prônaient d'autres modèles d'autorité : « Diriger ce n’est pas que mener à la baguette », ajoutait une autre intervenante.

Pour terminer, elles abordaient la question épineuse de la gestion parallèle de leur vie privée et professionnelle. L’obstacle venait selon l’une d’elles du manque d’organisation de la société, pointant par exemple l’absence de crèches. Elle était consciente de devoir affronter une multiplicité des tâches, qu'on appelle aujourd’hui la « surcharge mentale ». Une notion clairement identifiée par cette dernière jeune femme. Une chose était acquise pour elle, les femmes devraient toujours d'avantage s’imposer par rapport aux hommes pour réussir, « à tous les moments de leur vie, aussi bien pour commencer des études que pour travailler ».

Pour aller plus loin :

1983 : Yvette Roudy, ministre des Droits de la femme, en visite dans une école d'ingénieurs pour encourager l'égalité professionnelle par la formation, déplore l’absence de femmes dans les professions scientifiques : « Il n’y a que 2% de femmes ingénieurs. »

1991 : malgré des mesures prises pour encourager la féminisation des filières scientifiques, les filles sont toujours quasiment absentes dans l'enseignement supérieur technique. Reportage tourné à l'ENSAM d'Angers qui dénombre seulement 3 % de filles sur ses bancs. « C’est vrai qu’il faut peut-être se battre un petit peu plus mais ça fait partie de la règle du jeu et on a l’habitude » (Anne Lebeugle, chargée de mission aux droits des femmes).

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