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Les grèves d'éboueurs, des mobilisations qui se voient

Les grèves d'éboueurs, des mobilisations qui se voient

Depuis le 6 mars et la grève contre la réforme des retraites, les déchets s'entassent dans plusieurs grandes villes françaises. Les éboueurs ont en effet rejoint le mouvement, notamment à Paris. Une profession aux conditions de travail particulièrement dures et aux mouvements sociaux répétés. 

Par Romane Sauvage - Publié le 09.03.2023 - Mis à jour le 15.03.2023
Images des grèves à Paris - 1968 - 03:26 - vidéo
 

L'ACTU.

Comme les mobilisations des cheminots ou des raffineries, les grèves d'éboueurs sont de celles qui se voient. Et ce corps de métier est aujourd'hui mobilisé contre la réforme des retraites dans plusieurs grandes villes françaises. À Paris, les éboueurs sont mobilisés, à Saint-Brieuc, les agents ont reconduit le mouvement, à Nantes les tournées sont réduites depuis le 7 mars. Et même, dans la métropole d'Antibes où les trois quarts des agents sont en grève, un service minimum a été organisé.

LES ARCHIVES.

Des détritus qui jonchent le sol. Dans l'archive de fin mai 1968, alors qu'un mouvement social d'ampleur suivait son cours, les images mettaient en avant les secteurs d'activité en grève. Notamment ceux qui pouvaient facilement être montrés. Parmi ceux-ci, l'arrêt des transports en commun, la fermeture des grands magasins parisiens ou encore la gestion des déchets. Sur ces images muettes, les poubelles apparaissaient à ras-bord et les ordures s’amoncelaient sur les trottoirs.

Ainsi, les éboueurs se sont joints à chaque mouvement social d'ampleur, ou presque. Leurs conditions de travail sont parmi les plus dures et conjuguent des risques physiques, des risques psychosociaux, avec des horaires difficiles et une pression des usagers de la route, ou encore des risques sanitaires. Une réalité majeure quand, dans le cadre de réformes des retraites par exemple, l'allongement des carrières et la prise en compte de la pénibilité au travail sont au cœur des discussions.

À Marseille, l'armée réquisitionnée pendant les grèves

Et puis, les éboueurs peuvent espérer se faire en entendre par la grève en laissant les déchets s'entasser. En témoignent la quantité de sujets télévisés se portant sur les conséquences de telles grèves sur les usagers. Dans le journal télévisé de TF1 ci-dessous, le présentateur annonçait par exemple la mise à l'arrêt des activités des agent de propreté par le prisme des riverains : « Les Marseillais sont inquiets de la chaleur actuelle (...) Les éboueurs marseillais sont en effet en grève depuis mardi dernier, ce qui pose d'évidents problèmes d'hygiène et aussi beaucoup de discussions sur La Canebière. »

Grève poubelles Marseille
1976 - 02:16 - vidéo

« Hier après-midi, 14 h. FO : 83 % du personnel municipal de nettoiement décidait de reprendre le travail. Gaston Defferre leur avait donné ce que les éboueurs lyonnais avaient obtenu après 24 jours de grève : des primes de 70 à 160 francs. (...) En revanche, hier soir 20h, d'autres syndiqués FO en compagnie de la CGT et de la CFDT, décidaient de poursuivre le mouvement de grève. » Ils réclamaient une prime de 200 francs pour tous et d'autres avantages. « Dès cette nuit le travail a repris, les grévistes ne sont plus que 100 sur 1700 personnes. »

La caméra longeait les rues, pleines de déchets et le commentaire annonçait leur nettoiement progressif avec la reprise du travail. Comme lorsque les transports ne fonctionnent plus et que les cars militaires prenaient le relai, cette fois-ci, « pour aller plus vite et replacer les grévistes, le maire a fait appel à l'armée. » Gaston Defferre, le maire expliquait ainsi : « Quand je voyais l'allure que prenaient les choses, c'est-à-dire la chaleur torride, l'accumulement des ordures ménagères, je me suis rappelé qu'il y a deux ans, il y a avait eu à Marseille plusieurs cas de choléra, à Naples, une véritable épidémie avec plusieurs morts, je n'avais pas le droit d'accepter une situation pareille pour Marseille. » Et il poursuivait : « J'ai alors signé une convention avec l'armée pour avoir la certitude, que quoi qu'il arrive et malgré les menaces, le nettoiement serait bien fait à Marseille aujourd'hui. »

La réquisition de personnel

Preuve du caractère essentiel des missions des éboueurs, leurs grèves ont également fait l'objet de réquisitions de personnel afin d'assurer un service minimum. À l'instar de ce qui a pu se faire dans des hôpitaux ou des raffineries.

En 2003, dans le cadre d'un mouvement contre une précédente réforme des retraites, plusieurs villes étaient touchées par des grèves d'éboueurs. C'était le cas à Calais, à Marseille ou encore à Brest. Dans la commune bretonne, des « équipes ont été réquisitionnées sur ordre du maire de Brest », annonçait un journal télévisé local de France 3 dans l'archive ci-dessous. Sur les uniformes jaune fluo des travailleurs grévistes, un petit papier orange épinglé « Personnel réquisitionné ». Dans le dos, un autocollant « CGT ».

Réquisition des éboueurs
2003 - 01:40 - vidéo

Un des éboueurs réquisitionnés, Hervé Mével, témoignait à propos de la grève de son service : « De toute façon, un jour, il faut bien que ça s'arrête, il faut bien, mais bon, on n'a pas eu grand-chose, hein. On a repris parce qu'il fallait reprendre ». Les responsables du service propreté-déchets faisaient ensuite surtout le point sur la reprise des activités et le nettoyage des trottoirs brestois. Conclusion du reportage : « Les grévistes n'ont pas baissé les bras, mardi, journée d'action nationale, aucun service ne sera assuré. »

« Inadmissible et antidémocratique »

En 2010, rebelote : les éboueurs marseillais avaient suivi un mouvement de grève contre la réforme des retraites. Résultat, les ordures s'entassaient et la préfecture faisait appel à la sécurité civile pour que leurs activités soient effectuées. Le reportage ci-dessous suivait les 150 réquisitionnés pour 48 heures dans le nettoyage, équipé de masques. « On est là pour ça aussi », disait le sergent Mathieu Vriet. Le lieutenant Hugues de Loynes ajoutait : « Ce n'est pas pour casser la grève, justement. Notre objectif, notre mission, c'est diminuer l'insalubrité, c'est limiter le risque incendie. »

Mais leurs activités devaient, selon le reportage, se limiter aux grandes rues principales comme La Canebière, ce qui laissait des riverains agacés. Quant aux syndicats, ils trouvaient ce processus « inadmissible et antidémocratique ».

Le cas des éboueurs de Marseille

« En 40 ans, Marseille a connu une trentaine de mouvements de grève. » Dans les archives précédentes, les images de Marseille sont nombreuses. Ce n'est pas un hasard. Dès 1976, comme nous l'avons vu plus haut, une grève majeure avait touché la ville de Marseille, obligeant le maire de l'époque, Gaston Defferre, à faire appel à l'armée. Mais la situation des agents de propreté de l'agglomération ne s'était vraisemblablement pas améliorée puisque sept ans plus tard, en 1983, une nouvelle grève avait eu lieu. Dans la rétrospective disponible ci-dessous, le journaliste rappelait qu'encore une fois, « Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur, brise la grève des éboueurs avec l'intervention de l'armée. » En 1986, un projet de semi-privatisation provoqua un nouveau conflit social dans le secteur.

Les éboueurs marseillais rejoignirent les mouvements nationaux. En 1999, les 35 h devaient avoir un impact particulier sur les travailleurs des services de nettoyage marseillais, car il « bouscule un acquis tenu depuis 1953, le "fini-parti". » Puis 2003 et 2010, les éboueurs se mobilisèrent contre deux reformes des retraites. Enfin, disait le sujet, en 2020, treize jours de grève eurent lieu à Marseille pour dénoncer du harcèlement dans l'entreprise.

Desk historique grèves des poubelles
2021 - 01:13 - vidéo

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