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Pesticides dans l’eau potable : des alertes répétées et un flou ambiant

Pesticides dans l’eau potable : des alertes répétées et un flou ambiant

Des enquêtes du «Monde» et de France Télévisions ont révélé une quantité inquiétante de pesticides dans l’eau potable des Français et des Françaises. Ces révélations ne sont pas les premières : depuis les années 70 et l'essor de l'utilisation des pesticides, des alertes sont régulièrement émises, comme en 1997, où l’UFC-Que Choisir détectait des taux de pesticides supérieurs à la norme européenne dans l’eau du robinet.

Par la rédaction de l'INA - Publié le 23.09.2022
Pesticides dans l'eau du robinet - 1997 - 02:13 - vidéo
 

Deux enquêtes journalistiques ont mis au jour d’importants taux de pesticides dans l’eau potable de nombreux Français et Françaises. Ainsi, selon des calculs effectués par «Complément d’enquête» sur des données de 2021, des pesticides au-delà des limites de qualité ont été détectés dans près d’un quart des communes françaises. Le Monde, quant à lui, titre : « Pesticides : de l’eau potable non conforme pour 20 % des Français. »

Du déjà-vu ? En 1997 par exemple, le magazine UFC-Que Choisir faisait des révélations similaires comme le rapporte l’archive en tête d’article. Selon le magazine, près de la moitié du pays avait alors été approvisionné en eau potable contenant des pesticides dans des proportions supérieures aux normes européennes. « Sur 151 analyses réalisées par Que choisir, 80% des échantillons contiennent des traces de pesticides, 34 dépassent la norme européenne fixée à 0,1 μg/L », détaillait le journaliste. Les régions les plus touchées étaient la Bretagne, les Pays de la Loire, l’Île-de-France et l’ancienne région Poitou-Charente.

Interrogé, le rédacteur en chef du magazine, Jean-Paul Geai, présentait les risques encourus à l’ingestion de telles molécules : « les produits phytosanitaires (...), sont des substances cancérigènes. Et à haute dose, dans l’organisme, ils s’accumulent et les personnes qui en consommeraient ne sont pas à l'abri de développer par la suite un cancer. »

La détection des pesticides dépend aussi de leur recherche

Les pesticides sont des substances utilisées pour lutter contre des organismes considérés comme nuisibles, c’est-à-dire, dans le cadre agricole, provoquant des dommages sur les cultures. Après épandage, ces molécules peuvent infiltrer le sol et rejoindre des nappes phréatiques ou des cours d’eau utilisés pour alimenter les réseaux d’eau potable. Cette dernière est très surveillée par les autorités car les pesticides (mais aussi d’autres agents pouvant se trouver dans l’eau comme les bactéries et les nitrates) peuvent être dangereux pour la santé humaine. Selon les normes européennes, pour que l’eau potable soit de qualité, il faut toujours que les pesticides se trouvent à moins de 0,1 µg/L.

Concernant leur impact sur la santé lorsque les pesticides dépassent ces seuils d’après l'archive de 1997, il n’y avait pas d’urgence selon la professeure Efthymiou du Centre anti-poison de Paris. Pour elle, « la norme européenne correspond à une décision politique de n’avoir pratiquement pas de produits phytosanitaires dans l’eau, c’est une norme très très faible qu’il est impossible de tenir. (...) Elle comporte donc un coefficient de sécurité considérable et le taux pourrait être énormément augmenté par rapport à la norme sans que cela influe sur la santé humaine en France. »

Ce que cette scientifique souligne est toujours d’actualité : les seuils fixés pour les pesticides ne correspondent pas nécessairement à des seuils au-delà desquels la molécule aurait un impact direct sur la santé humaine, ils ne sont pas des limites toxicologiques . En réalité, l’enjeu est pris à la mesure des connaissances scientifiques disponibles. Et, comme le rappellent les enquêtes du Monde et de France Info, la détection des pesticides dépend aussi de leur recherche : depuis 2021, certains produits issus des pesticides, leurs métabolites, sont recherchés et donc... détectés.

En 2005, dans le reportage ci-dessous consacré à l’impact des pesticides sur les milieux naturels, la chercheuse à l’Ifremer Geneviève Arsul racontait les difficultés rencontrées lors de la recherche de pesticides. Ses travaux et ceux de ses collègues avaient participé à l’interdiction de l’atrazine, un pesticide particulièrement dangereux pour la santé, en 2003 dans l’Union Européenne.

Mais, disait-elle, la molécule a été « remplacée par d’autres molécules qui ont une action beaucoup plus spécifique, qui sont beaucoup plus puissantes et donc que nous allons utiliser en plus petite quantité. » Conséquence, selon elle : « il sera beaucoup plus difficile de les détecter dans les milieux et nous ne connaissons pas encore toutes leurs molécules de dégradation [les fameux métabolites] donc le danger demeure. On doit rester vraiment très vigilant sur l’utilisation des produits phytosanitaires. »

Aujourd’hui comme hier donc, un certain flou demeure. D’autant que malgré l’interdiction de certaines molécules, France Info montre la permanence de celles-ci en 2021. L’atrazine a ainsi été détectée en trop grande quantité dans 900 communes, 20 ans après son interdiction.

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