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Dans le Var, la tortue d'Hermann déjà menacée d'extinction en 1983

Dans le Var, la tortue d'Hermann déjà menacée d'extinction en 1983

La faune va payer un lourd tribut des incendies qui ravagent le Massif des Maures depuis le 16 août, notamment la tortue d'Hermann, une espèce endémique du Var, déjà menacée de disparition dans les années 1980.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 19.08.2021 - Mis à jour le 19.08.2021
Les tortues d'Hermann - 1983 - 05:52 - vidéo
 

Le Massif des Maures est victime d'un incendie "hors norme" depuis le 16 août. Toujours en cours ce 19 août, il a déjà ravagé plus de 8000 hectares de végétation. Un véritable désastre pour la biodiversité dans une réserve naturelle qui abrite 241 espèces. Le Conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, l'association de protection Soptom et la Réserve Naturelle Nationale de la Plaine des Maures font déjà état d'un "paysage de désolation " et d'une "catastrophe écologique". Plusieurs carcasses de tortues d'Hermann ont été repérées. Cette espèce endémique du Var et de la Corse est souvent durement touchée lors des feux de forêt dévastant son habitat habituels des massifs provençaux.

L'archive que nous vous proposons en tête d'article est un portrait de cette tortue. Vestige de la préhistoire, elle aurait survécu 35 millions d'années… jusqu'à aujourd'hui. Depuis plusieurs décennies, ses effectifs déclinent : chasse, ramassage intempestif ou incendies, la petite tortue pourrait bientôt disparaître. Dans ce reportage diffusé dans le magazine "Terre des bêtes" le 21 septembre 1983, deux scientifiques alertaient sur les menaces qui pesaient déjà sur ces reptiles d'apparence robuste. En 1983, la tortue d'Hermann était protégée car menacée. Elle avait fait l'objet d'une étude scientifique menée par deux des meilleurs spécialistes en la matière, Marc Cheylan, maître de conférences et spécialiste des reptiles, et David Stoops, un universitaire britannique qui a consacré sa thèse à la tortue d'Hermann.

"Une tortue d'Hermann peut vivre jusqu'à un siècle"

Utilisant les dernières technologies, on voit les deux chercheurs, munis d'un "radio tracking", arpentant le massif pour repérer les tortues. Nous les suivons dans leur quête. Un travail difficile car les tortues étaient quasiment décimées à l'époque, notamment à cause des vendeurs d'animaux qui en prélevaient de 5 à 10 000 par an. Près d'un muret, on voit les deux scientifiques trouver enfin un petit couple de tortues dissimulé dans la végétation. David Stoops explique que la femelle est venue de la forêt voisine "pour nicher". Une fois la pesée effectuée, le spécialiste montre comment différencier le mâle de la femelle : "Le mâle est plus petit et le plastron de la femelle est plus plat", par rapport à celui du mâle plus incurvé.

Marc Cheylan décrit ensuite la manière d'établir leur âge, à l'aide des écailles de la carapace : "On peut compter l'âge jusqu'à à 13-14 ans, l'âge de la maturité sexuelle". Ensuite, la carapace n'évolue plus. Selon lui, ces deux tortues auraient une trentaine d'années. Il précise d'ailleurs leur exceptionnelle longévité, "une tortue d'Hermann peut vivre jusqu'à un siècle, en captivité, il y en a qui ont 120 ans" !

Un constat inquiétant

Nous apprenons ensuite que leur fécondité est de 7 à 8 œufs par an et par femelle, soit deux pontes chaque année, "ce qui est faible" souligne-t'il. C'est l'une des explications de leur disparition, à mettre en parallèle à l'importante prédation qu'elles subissent : "On ne trouve quasiment pas de juvéniles. Il semblerait que les renards et les chiens soient responsables de la disparition des juvéniles", ajoute-t'il. Ce qui représente une vraie problématique pour la pérennité de l'espèce. Le constat est déjà inquiétant et Marc Cheylan l'affirme : "Lorsque tous ces vieux auront disparus, il n'y aura aucun juvénile pour les remplacer." Il poursuit : "On peut donc prévoir que d'ici 20 ans, la population va chuter et disparaître subitement."

La prédation n'est pas la seule cause de leur disparition, il faut tenir compte des incendies de forêts, de plus en plus fréquents selon lui : "Les incendies ont toujours existé dans ces régions mais ils n'avaient jamais la fréquence qu'ils ont maintenant, et une espèce comme la tortue, qui a une reproduction très, très lente, ne peut pas recoloniser rapidement après une destruction totale."

Dans la région, certains passionnés n'allaient pas tarder à tenter de sauver la tortue d'Hermann. Quelques années plus tard, en 1988, un passionné, Bernard Devaux décidait de les protéger et d'ouvrir un village des tortues, à Gonfaron, dans le Var, pour les préserver. Il n'en restait plus que de 10 à 20 000, notamment à cause des promeneurs qui n'hésitaient pas à les prélever pour les emmener chez eux. Infirmerie, nurserie, laboratoire et enclos de reproduction, le village des tortues prenait des airs de paradis pour l'animal le plus vieux du monde. L'objectif de son fondateur était de favoriser leur reproduction avant de les remettre en liberté dans le massif.

                                                                                                                                                                                                                         Florence Dartois

Pour aller plus loin :

Côte d'Azur Actualités : visite du village des tortues à Gonfaron. (16 juin 1989) h

Village des tortues à Gonfaron : vague de naissances à la nurserie, première étape du repeuplement. Il faudra attendre 6 ans avant de les relâcher dans le massif provençal. (30 août 1996)  

13 heures le journal : Forêts incendiée,  les tortues d'Hermann, victimes des feux. (22 juillet 2003)

La tortue d'Hermann menacée. Un recensement effectué les 5 dernières années met en évidence une baisse considérable de ces reptiles propres au département du Var. Des analyses génétiques montrent que l'espèce est en partie mélangée avec d'autres. (7 août 2007)


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