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La combustion des pneus à la cimenterie Lafarge : une solution présentée comme écologique en 1992

La combustion des pneus à la cimenterie Lafarge : une solution présentée comme écologique en 1992

Le 10 décembre 2022, des militants écologistes se sont attaqués à une usine du cimentier Lafarge. Leur objectif était de dénoncer la pollution générée par la combustion des pneus utilisée comme énergie de production de ciment. C'est au début des années 1990 que cette technologie s'est implantée dans l'usine. Découverte de cette innovation « écologique et économique ».

Par Florence Dartois - Publié le 12.12.2022
 

L'ACTU.

Une cimenterie du groupe Lafarge a été attaquée, samedi 10 décembre, au nord de Marseille (Bouches-du-Rhône) par 200 militants écologistes. Dissimulés par des combinaisons blanches, ces activistes ont pénétré dans l’enceinte profitant de l’allègement de la surveillance et ont endommagé les installations. Ils entendaient ainsi dénoncer la pollution nocive générée par le cimentier.

Dans un communiqué, les activistes ont expliqué leur geste ainsi : « les fours qui ont été ciblés, longtemps alimentés par des déchets industriels et des pneus, sont aujourd'hui le symbole du" greenwashing". La pollution atmosphérique est considérable et a été maintes fois dénoncée [...] Pour autant, les cheminées crachent toujours leur venin ».

Le recyclage des pneus usagés comme carburant chez Lafarge date du début des années 1990. À l'époque, il était présenté par l’entreprise comme un geste écologique permettant de se débarrasser des tonnes de déchets dont on ne savait pas quoi faire, en les réutilisant comme combustible. C’est que nous explique l’archive diffusée en juillet 1992 dans le 20 heures d’Antenne 2.

LES ARCHIVES.

Depuis les années 1980, les pneus usagés servaient déjà de combustible au Japon, aux États-Unis, en Allemagne ou en Suisse. « Avec un temps de retard », la France suivait le même chemin, précisait le commentaire au début du sujet. Une innovation présentée comme très économique, « car pour produire du ciment, il faut chauffer et chauffer coûte cher, très cher », ajoutait le journaliste. On le voit, la thématique de l’énergie était déjà au cœur des préoccupations. L’impact écologique beaucoup moins.

L’usine Lafarge de La Malle (Bouches-du-Rhône) venait de se lancer dans ce process, « elle a en quelque sorte essuyé les plâtres, après 10 ans d’études », ajoutait le journaliste.

L’innovation venait de se concrétiser à la cimenterie pour raison économique. Jean-Claude Colette, le directeur de l’époque, précisait que l’énergie était « un élément important dans notre prix de revient, il fallait donc que nous trouvions des combustibles moins chers que ceux que nous utilisons habituellement ».

Un combustible économique et surtout inépuisable. Une aubaine pour le groupe Lafarge. La suite du reportage décrivait à l'appui d'images l'ensemble du processus. Les pneus étaient introduits entièrement dans les deux fours de la cimenterie. La technique permettait de recycler « 30 tonnes de pneus usés par jour. Une économie de 10 % de l’énergie consommée dans cette usine ».

Interrogé, le responsable du projet assurait que cette technique de recyclage permettait de brûler « 50% des pneus de la région PACA », soit l’équivalent de 4 à 6 000 pneus par jour. La conclusion du sujet n’identifiait pas de risque de pollution, mais soulignait au contraire l'aspect positif de la « valorisation industrielle des déchets », pointant surtout la difficulté à augmenter la collecte de pneus à brûler pour continuer à alimenter l’usine.

Un projet respectueux de l'environnement

Cet autre sujet à découvrir ci-dessous a été diffusé dans le journal régional France Régions 3 Marseille en octobre 1992, quelques mois après le démarrage de la transformation des pneus en énergie. Il revenait sur le détail de l’opération de pulvérisation des pneus « à 2000 degrés » et précisait que les 6000 pneus journaliers étaient tapissés de chaux vive pour « neutraliser les gaz ». Selon le journaliste, la combustion ne générait aucun déchet, les fumées s’échappant des cheminées contenaient de « la vapeur d’eau » et « une quantité de poussières inférieures aux normes européennes ».

Le reportage mettait aussi en avant les avantages pour les collectivités locales noyées sous les pneumatiques usés. La cimenterie proposait de brûler 10 000 tonnes de pneus par an. Une aubaine qui permettrait à la région de se débarrasser d’une partie des 20 000 pneus usés de la région. Il était précisé que les fonds publics avaient d'ailleurs participé au financement du projet à hauteur de 4 millions de francs sur les 18 millions investis dans l’installation.

Dans le sujet, Jean-Claude Colette rappelait que jusqu’au milieu des années 1980, le site de Lestac avait utilisé cette technique, à une époque où le coût du pétrole était au plus haut. Ce qui n’avait pas empêché l’usine de fermer avec la crise. Le site s’était ensuite transformé en centre de stockage des pneus et avait fermé à la suite d’un gigantesque incendie. Désormais les récupérateurs payaient volontiers la somme de « 200 francs pour décharger leurs pneus à la cimenterie ». Cette expérience unique en France de combustion semblait alors gagnant-gagnant, la cimenterie réduisant sa dépendance énergétique au pétrole et les collectivités locales se débarrassant à moindre coût de leurs déchets encombrants.

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