Carl, 47 ans en 1966.
L'ACTU.
La réforme des retraites portée par le gouvernement d'Élisabeth Borne est discutée en commission à l'Assemblée nationale à partir du 30 janvier. Cette réforme, justifiée par l'exécutif par la nécessité d'assurer le financement du système de retraite, doit faire reculer l'âge de départ légal à la retraite et allonger la durée de cotisation.
Travailler plus longtemps, donc. Mais est-ce seulement possible ? En 2021, selon les chiffres du Ministère du travail, 56 % des Français de 55 à 64 ans étaient en emploi, contre 81,8 % des 25 à 49 ans. Si ces chiffres sont au plus haut depuis 1975, ils restent néanmoins inférieurs à la moyenne de l'Union européenne, qui atteint 60.5 %.
L'ARCHIVE.
« C'est partout la même histoire : trop vieux ». En 1966, dans l'archive ci-dessous, l'ORTF s'intéressait à Carl, un ingénieur de 47 ans qui avait perdu son travail. Il témoignait de sa peine à retrouver un emploi.
« Peut-on être un vieillard à 40 ans dans la société industrielle ? En France, près de 10 000 cadres se trouvent sans emploi alors que paradoxalement on manque d’ingénieurs et de techniciens. (...) les causes en sont encore mal connues et peut être même absurdes », introduisait le journaliste. Carl expliquait : « une fois qu'on a dépassé la quarantaine, on est plus bon à rien. Moi, même j'ai 47 ans, quoi qu'étant dynamique et autre, dans les techniques avancées. »
Un travailleur avec plus d'expérience et de connaissances
L'ingénieur se disait en pleine forme. À la question, « Est-ce que vous pensez qu'à 40 ans, qu'un homme, un ingénieur notamment, perd ses qualités ? », il répondait avec assurance : « Non, aucunement, il atteint à peine la plénitude de ses connaissances, c’est à ce moment qu'il pourrait donner le maximum. » Une situation qui aurait pu avoir de quoi surprendre, rapportait-il : « Beaucoup de collègues n'ont pas voulu comprendre jusque-là qu'ils n'étaient que des salariés comme les autres, qu'on licencie au même titre qu'un ouvrier ou un subalterne quelconque. »
« Non seulement les ingénieurs d'école supérieure ayant dépassé la quarantaine sont transformés en infirmes sociaux, d'une part, et, d'autre part, ça leur pose de graves problèmes sur le plan humain, matériel, moral. » Preuve s'il en était, sa femme intervenait et décrivait la perte de motivation de son mari : « Il était très gai... » Et elle cherchait la discrétion auprès du journaliste : « Je ne veux pas que vous disiez qu'il est au chômage. On sait qu'on est dans la merde, on sait qu'on est sans travail. »