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Jean-Claude Montagnon, le patron autodidacte de Chamatex

Jean-Claude Montagnon, le patron autodidacte de Chamatex

Lors de sa visite en Ardèche pour parler réindustrialisation, Emmanuel Macron a visité l'entreprise Chamatex à Ardoix. Ce groupe créateur et fabricant de produits textiles techniques ne cesse d’évoluer depuis sa création en 1973 par un jeune homme de 25 ans, Jean-Claude Montagnon.

Par Florence Dartois - Publié le 13.06.2023
 

L'ACTU.

Emmanuel Macron a visité le 13 juin 2023 l'entreprise Chamatex, située à Ardoix dans l'Ardèche. Cette PME de textile-technique est soutenue par le plan de relance du gouvernement destiné à réindustrialiser le pays.

Après la crise du Covid, le groupe employant 300 personnes a construit une nouvelle usine à la pointe de la technologie, baptisée ASF 4.0 (Advanced Shoe Factory). Robotisée et numérisée, elle est destinée à relocaliser en France la production de chaussures de sport haut de gamme.

Chamatex travaille pour de nombreuses marques reconnues, parmi lesquelles Babolat, Puma, Hoka One One, The North Face ou Salomon. Avec cette dernière, la PME a créé la première chaussure de trail running (la Metacross) fabriquée en France.

Le groupe est composé de huit sociétés et réalise 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et vise les 100 millions dans cinq ans. Ce succès est sans doute loin de celui dont rêvait Jean-Claude Montagnon, à 25 ans, lorsqu'il décida de reprendre l'entreprise familiale de tissage de soieries. C'était en 1973. Sorti de l'école très tôt pour aider son père, il avait mis toute son énergie à moderniser les Tissages Montagnon installés dans un hangar aménagé de la ferme familiale. C'est ce que raconte l'archive en tête d'article.

L'ARCHIVE.

Ce reportage réalisé par FR3 Lyon en novembre 1997 dressait le portrait du jeune PDG de Chamatex qui venait d'être récompensé par les Victoires des autodidactes, un prix décerné à des chefs d'entreprises partis de rien mais qui avaient su s'imposer, innover et créer des emplois. Pour l'occasion, Jean-Claude Montagnon, la cinquantaine, revenait sur les lieux de ses débuts, dans la ferme de ses grands-parents, une bâtisse blanche où il était né.

À droite se trouvait un hangar ouvert aux quatre vents, « là, vous avez le début de ma carrière professionnelle avec les vieux bâtiments qui sont maintenant totalement désaffectés », expliquait-il. C'est donc pour aider son père qu'il avait débuté à l'âge de 17 ans comme ouvrier de production, cela n'avait pas empêché l'entreprise familiale de faire faillite. Alors Jean-Claude Montagnon avait tout recommencé, avec ses parents et deux ouvriers !

En 1980, il créait Chamatex, société de commercialisation des produits des Tissages Montagnon et de petits façonniers régionaux. Flairant le potentiel des tissus artificiels et synthétiques, le jeune entrepreneur s'était aussi lancé dans la confection de tissus pour la mode féminine. Dans le reportage, un ouvrier des débuts décrivait les heures de rudes labeurs et la solidarité entre collègues, confiant que le patron travaillait à leurs côtés, « il était en bleu comme nous ». Plus de 20 ans plus tard, le chef d'entreprise était devenu l'un des premiers tisseurs européens.

Une ascension exemplaire

L'ascension avait ensuite été rapide, un article des Échos consacré à la PME le 11 juin 1993 précisait qu'elle faisait déjà « 20 millions de francs de chiffre d'affaires en 1985 ». Jean-Claude Montagnon avec un bon sens de l'innovation avait investi dans une succursale utilisant la nouvelle technique du jet d'air (les Tissages Montagnon poursuivant quant à eux le jet d'eau). Dans les années 1990, le PDG avait transformé Chamatex en holding et société de commercialisation. Dès lors précisait l'article des Échos, « l'écrutier ardéchois allait connaître une croissance fulgurante à coups de créations et acquisitions », permettant au groupe ardéchois « d'assurer sa présence sur l'ensemble de la filière avec neuf filiales dans l'Ardèche et l'Isère ».

La suite du reportage dévoilait les coulisses de la direction, et c'est dans son bureau, avec son équipe, que le PDG ultra investi supervisait les derniers textiles fabriqués et visait les futurs tissus qui sortiraient des chaînes de production. En choisissant la grande distribution, Jean-Claude Montagnon ne s'était pas trompé, sa société était en constante progression, avec 600 millions de francs de chiffre d'affaires en 1996, comme le précisait le commentaire. Pour lui, ce choix avait été une évidence, car les modèles de la haute couture arrivaient toujours, un ou deux ans plus tard, dans les rayons des magasins. Fort de son succès, il exportait dans l'Europe entière.

Cet autodidacte s'était formé sur le tas et avait obtenu son CAP, en cours du soir. Il dirigeait à présent 300 personnes, s'efforçant d'embaucher des jeunes qui n'avaient pas faits de hautes études. Son parcours atypique ne lui posait aucun problème : « on peut être complexé par moment quand on a des gens qui ont des bagages très, très importants, mais il faut savoir mettre ce complexe dans la poche et puis jouer avec ce que l'on a entre les mains, c'est-à-dire l'envie de travailler, l'envie d'avancer, l'envie de gagner ». Son seul regret, avouait-il avec humour, c'était de si mal parler anglais, « comme un collégien », plaisantait-il.

Une relève et une menace

À ses côtés se trouvait Lydie, sa fille de 25 ans, qu'il testait avec indulgence. Qui sait, peut-être prendrait-elle un jour sa succession à la tête de son empire ? Alors qu'elle déclarait timidement qu'il serait difficile d'imposer une « autorité féminine », son père, avec ce même esprit de conquête dont il avait fait preuve, l'encourageait à rêver plus grand, « il y a des femmes chef d'entreprise qui ont du caractère et qui ont réussies », affirmait-il.

Mais une menace pointait déjà, celle de la crise de l'industrie du textile. Une menace dont le PDG de Chamatex avait pris conscience très tôt, comme vous le découvrirez dans l'archive ci-dessous. Le 10 janvier 2004, Jean-Claude Montagnon participait à un voyage en Chine où l'économie explosait, notamment celle du textile. Ce bouillonnement économique attirait les investisseurs français, mais avec son flair habituel, le leader de Chamatex pointait du doigt le danger des délocalisations vers ce pays, « si nous n'accompagnons pas, si nous n'allons pas vers cette Chine mystique, nous condamnons quelque part nos emplois français ou européens ». Au journaliste qui lui demandait pourquoi, il prophétisait : « la Chine sera l'usine du monde ».

En 2011, le fondateur de Chamatex a cédé le groupe à sa fille Lydie et à son gendre Gilles Réguillon. Depuis 2020, le groupe s'est lancé une politique de relocalisation. Dans l'esprit d'innovation cher à son prédécesseur, le nouveau PDG a réalisé un virage stratégique. Le marché de l’habillement a été totalement abandonné pour se recentrer sur les tissus techniques (la technologie brevetée Matryx®) pour de grandes marques d’articles de bagagerie, de sport ou de protection individuelle.

Avec l’usine de basket ASF 4.0 entièrement robotisée visitée par Emmanuel Macron le 13 juin 2023, l’idée est de continuer à moderniser les process de fabrication et de poursuive un parcours sans faute.

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