L'ACTU.
Les auteurs-compositeurs et interprètes Grand Corps malade et Ben Mazué se sont rencontrés en 2013. Devenus inséparables depuis cette date, ils se sont lancé un défi : s'écrire assidûment tous les lundis entre février 2021 et juin 2022. « Au départ, c'était une façon de garder le lien. Mais petit à petit, au fil des lettres, on s'est rendu compte que quelque chose d'autre se dessinait », a expliqué Ben Mazué, 41 ans.
L'ARCHIVE.
La démarche des deux artistes est d'autant plus rare et intéressante qu'ils appartiennent à une génération où la correspondance sur papier est certainement de moins en moins utilisée. Avec l’émergence des nouvelles technologies, l’art épistolaire s’est peu à peu éteint. Mais cette érosion de la correspondance sur papier est bien plus ancienne, elle s'est amorcée dès les années 70, avec l’apparition du téléphone, un vecteur d'échanges faciles et instantanés. À l'époque ce nouvel outil de communication était déjà présenté comme une menace à la correspondance. Nous avons retrouvé une émission qui se demandait déjà si l’échange de lettres allait perdurer. En juin 1974, le magazine « Aujourd’hui madame » se posait cette question par le prisme de la disparition des lettres d’amour dans la jeune génération. L’archive en tête d’article est un reportage réalisé dans un café du 14e arrondissement de Paris par Christiane Cardinal et Henri Polage. Les deux journalistes avaient interrogé des jeunes gens sur leur pratique de l’écriture de lettres d'amour. Et les avis étaient plus nuancés que prévu.
Garçons et filles montraient un intérêt plutôt marqué pour ces missives particulières et répondaient avec sincérité aux questions posées : « Ecrit-on encore des lettres d'amour ? », « Avez-vous écrit des lettres d'amour ? », « Notre époque est-elle aussi romantique que le XIXe siècle ou d'autres siècles ? », « À quel âge avez-vous écrit votre première lettre d'amour ? » et « Avez-vous reçu des lettres d'amour ? ».
Voici un florilège de quelques réponses : « Les gens s’en cachent, mais c’est d’actualité », « Il est plus facile de se livrer à un morceau de papier qu’à la personne en face de soi », « Intérieurement, les gens sont toujours aussi romantiques, mais ne le montrent pas », « Il y a beaucoup de choses que l’on ne peut pas dire, mais que l’on peut écrire aisément, et c’est beaucoup plus joli sur papier », « On écrit moins avec le téléphone », « Au téléphone, je me sens moins à l’aise que quand j’écris », « Le mot amour, je l’utilise encore ».
Ce qui était important avec les lettres, l'un des jeunes gens interrogés le soulignait très bien, c'est qu'elles se conservent et se relisent. Les lettres d'amour et les mots déposés sur le papier sont intemporels et gardent un goût d'éternité. Des années plus tard, au gré d'une succession, elles resurgiront peut-être et livreront aux nouvelles générations un témoignage toujours vivant des amours d'antan. C'est ce qu'illustre l'archive ci-dessous, diffusée le 11 novembre 1990, dans le journal d'Antenne 2.
Des lettres d'amour en pleine guerre
Entre 1914 et 1919, un couple avait échangé 2500 lettres. Retrouvées par leur fils dans son grenier, soixante ans plus tard, les lettres d'amour de Gaston et de Louise devenaient une véritable page d'histoire. Le reportage proposait quelques extraits de cette correspondance. Au fil des lignes, leur fils avait découvert le quotidien, les craintes, les émotions de celle qui tenait à Reims le secrétariat du maréchal Joffre et de son amoureux, sergent au 366e régiment d'infanterie, qui se battait en première ligne. Gaston, blessé et gazé, ne survivrait à la guerre que quelques années, pour mourir en 1923.
Lettres du front
1990 - 03:14 - vidéo