Aller au contenu principal
5 avril 1983 : la France expulse 47 diplomates russes soupçonnés d'espionnage

5 avril 1983 : la France expulse 47 diplomates russes soupçonnés d'espionnage

Dans le cadre des sanctions à l’encontre de l’invasion des troupes de Vladimir Poutine en Ukraine, la France et plusieurs pays européens ont décidé d’exclure une centaine de diplomates russes. 35 agents vont devoir quitter Paris. C'est la plus importante expulsion depuis l'affaire Farewell.

Par Florence Dartois - Publié le 05.04.2022
Le départ des soviétiques - 1983 - 05:54 - vidéo
 

Dans le cadre des sanctions à l’encontre de l’invasion des troupes de Vladimir Poutine en Ukraine, et en concertation avec Washington et les capitales européennes, la France a confirmé mardi 5 avril l’expulsion de diplomates russes considérés comme des espions. Un total de 35 agents vont devoir quitter Paris.

Dans un communiqué très succin, la diplomatie française a déclaré : « Les activités [de ces personnels] sont contraires à nos intérêts de sécurité ».

L’ambassadeur russe à Paris, Alexeï Mechkov, a été convoqué au Quai d’Orsay, afin de lui notifier la décision et la liste des personnes concernées, qui demeure confidentielle. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a déclaré à la presse « regretter » cette décision. « La réduction des possibilités de communiquer au niveau diplomatique dans ces conditions difficiles » dénote un « manque de clairvoyance qui va compliquer davantage » les relations entre la Russie et l’UE, a-t-il ajouté.

Un nid d'espions à l'ambassade

Cette expulsion est la plus importante depuis avril 1983 et l'affaire Farewell, le pseudonyme d'un agent-double soviétique prénommé Vladimir Vetrov, qui avait donné à la France les identités de 40 espions postés à l'ambassade soviétique à Paris. En une journée, le 5 avril 1983, la France avait expulsé 47 diplomates et résidents soviétiques, plus leurs familles, accusés d'espionnage. C'était sans précédent dans les relations franco-soviétiques. Une opération suivie tout au long de la journée par la télévision, alors que les chaines d'information en continu n'existaient pas encore.

L'archive en tête d'article est un résumé de cet incroyable épisode diplomatique, diffusé dans le 20h00, le 5 avril 1983. En images, le reportage relate les temps forts de cette journée, depuis l'annonce de l'expulsion dans la matinée, jusqu'au départ des concernés dans un avion affrété par la compagnie « Aeroflot » en milieu d'après-midi.

Les images montraient les nombreux « Soviétiques silencieux » venus soutenir leurs compatriotes et assister au départ de l'avion. Le décollage du vol avait eu lieu à 15h20 précises. De retour en plateau, Christine Ockrent rappelait que le premier communiqué était intervenu sous forme d'une « protestation vigoureuse de l'ambassade d'URSS diffusée par l'agence Tass ».

La suite du reportage montrait la préparation des minibus dans la matinée. A 11 heures, un fleuriste était venu livrer 46 « bouquets de fleurs d'adieu pour les épouses ». A 12 heures, Alexandre Avdeev lisait à la presse le compte-rendu officiel de protestation « contre une décision totalement arbitraire des autorités françaises ». Il soulignait qu'« aucun fait illégal » des collaborateurs soviétiques expulsés ne leur avait été présenté. Il ajoutait qu'aucune preuve ne pouvait être apportée car les diplomates « ne pouvaient exercer leurs fonctions que dans le cadre normal des relations soviéto-françaises ». Il dénonçait enfin une décision politique « sans rapport avec les activités soviétiques en France », reportant ainsi les éventuelles conséquences de cet acte exclusivement aux autorités françaises.

Une heure plus tard, après une brève cérémonie d'adieu « loin des caméras », les diplomates expulsés et leurs familles montaient dans les bus, en direction de l'aéroport Roissy, « le tout dans une atmosphère bon enfant » précisait le journaliste chargé du commentaire des images.

La France s'explique

Les explications des autorités françaises allaient intervenir après le décollage de l'avion par un communiqué du ministère de l'Intérieur lu par Christine Ockrent à l'antenne. Il établissait clairement l'existence d'un réseau d'espions au coeur de l'ambassade, principalement organisés autour de l'espionnage industriel : « Il révélé que des opérations de contre-espionnage mené par la DST (...) avait mis en évidence plusieurs agents des services secrets de l'URSS de renseignements scientifiques, techniques et technologiques particulièrement dans le domaine militaire (...) la multiplicité et la gravité des interventions conduites au profit de cette puissance étrangère par le moyen d'agents bénéficiant le plus souvent du statut de fonctionnaire diplomatique justifient le départ des personnes concernées. Tel est l'objet de la mesure signifiée aux autorités soviétiques concernant une quarantaine de leurs ressortissants qui est devenue effective ce jour. »

Ces expulsions avaient créé une sérieuse tension entre Paris et Moscou. Au nombre des expulsés figuraient Nicolaï Tchetverikov, premier conseiller, placé au troisième rang sur la liste protocolaire de l'ambassade de l'URSS, après l'ambassadeur et le ministre conseiller, Oleg Chirokov, chef du bureau de Paris de l'agence Tass.

Le lendemain, Max Gallo, porte-parole de l'Elysée, clarifiait les raisons de l'expulsion des 47 ressortissants soviétiques : « La France manifeste qu'elle ne tient pas a être un ventre mou (...) ». S'il reconnait que l'espionnage est une pratique courante, il ajoute : « Il est de règle que qui se fait prendre est puni. Il s'agit de ramener cet événement, certes significatif des affaires internationales d'aujourd'hui (...) à sa juste proportion. C'est une affaire dans ce monde incertain et imprécis de l'espionnage qui ne devrait pas modifier(...) la recherche de la paix par le désarmement et la sécurité collective. »

Déclaration de Max Gallo
1983 - 01:45 - vidéo

Pour aller plus loin :

Parmi les nombreux sujetsJT diffusés ce 5 avril 1983, celui de l'édition du Midi 2 Actualités décrivait parfaitement l'ambiance électrique à l'ambassade d'URSS à Paris. On y découvre notamment l'attente des journalistes que l'on fait finalement entrer dans l'ambassade et auxquels on offre de la vodka pour patienter. Plus tard, au téléphone, un journaliste de l'agence Tass, lui-même expulsé, réagit par téléphone au micro de Michel Perrot. C'est pour lui une mesure qui « ne se base sur aucun fait précis ».

La nature de l'espionnage industriel mené par le KGB, notamment en matière d'aéronautique, mais pas seulement. Même les jeux électroniques et leurs précieux microprocesseurs sont aussi les cibles des espions. (6 avril 1983)

Sortie d'un livre de Sergueï Kostine sur l'affaire Farewell. (1997)

Un documentaire à découvrir à propos de la "taupe" de l'affaire Farewell, la plus grande affaire d’espionnage depuis la Seconde Guerre mondiale ! Vladimir Vetrov, colonel du KGB, plus connu sous son nom de code « Farewell », livre environ 3000 documents secrets concernant les domaines industriels et technologiques aux services de la DST française entre 1981 et le 23 février 1982, date à laquelle il disparaît brutalement.

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.