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4 février 1946, une fiction radio sur l'atome fait paniquer la France

4 février 1946, une fiction radio sur l'atome fait paniquer la France

4 février 1946, la radiodiffusion française diffuse une série radiophonique intitulée "Plate-forme 70 ou l'âge atomique", un canular apocalyptique inspiré de celui d'Orson Welles en 1938, et qui va provoquer une panique nationale en France.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 05.12.2013 - Mis à jour le 03.02.2021
2ème partie : extrait 1 : début émission - 1946 - 01:19 - audio
 

Avant l’apparition de la télévision, la radio était le média privilégié de l’information. Des millions d’auditeurs se regroupaient chaque soir derrière leur poste pour s’informer ou se distraire. Quel crédit peut-on accorder à ce que l’on écoute ? Parfois, l’art radiophonique peut aller jusqu’à terroriser les oreilles sensibles ou trop naïves. Plate-forme 70 ou l'âge atomique en est le parfait exemple.

Le 30 octobre 1938Orson Welles avait déjà épouvanté les Américains avec son canular radiophonique intitulé La Guerre des Monde qui racontait l'invasion des Martiens. Cette blague va sans conteste influencer un jeune journaliste prénommé de Jean Nocher.

Jean Nocher sur les traces de Welles

Après-guerre, la peur des Martiens est remplacée par celle de la bombe atomique. Les ravages provoqués par les deux explosions de Nagasaki et d’Hiroshima sont encore présents dans tous les esprits. Jean Nocher, un jeune journaliste fraîchement embauché à la RTF, passionné d’anticipation, se lance dans la réalisation d’une série radiophonique en dix épisodes intitulée Plate-forme 70 ou l’âge atomique. Sa diffusion débute le 4 février 1946.

Le coup de maître d’Orson Welles l’a-t-il inspiré? La 1ère émission est conçue comme un canular, les neuf émissions suivantes sont des fictions d'anticipation censées se dérouler en 1970.

L’objectif du producteur est de marquer les esprits et d’alerter le public sur les risques d’une dérive de la science et sur les dangers du nucléaire. Volontairement diffusée sans générique, la fiction provoque un vent de panique. En 1954, Jean Nocher revenait sur cette aventure.

Télé-Paris : interview de Jean nocher, 1954

Le cataclysme nucléaire en direct

Tout comme Welles avant lui, Nocher présente son œuvre sous la forme d’une causerie scientifique très sérieuse d'un certain professeur Hélium, chercheur émérite, qui annonce que des savants travaillant sur la désintégration de l'atome ont perdu le contrôle de leur expérience. Une terrible et irrémédiable réaction en chaîne est amorcée : des morts, des perturbations océaniques et terrestres, le brouillage des transmissions radio… la destruction de la Terre et de ses habitants.

Dans la deuxième partie de l’émission, il était prévu de dévoiler le subterfuge, mais trop tard ! Les Français sont traumatisés par tant de réalisme.

Jean Nocher, victime de son "succès" est renvoyé. Il reviendra à l’antenne en 1958, où il animera quotidiennement une chronique intitulée En direct avec vousici sur les dangers du nucléaire en 1959.

Des canulars radiophoniques célèbres

La première panique radiophonique date d’octobre 1924 avec la diffusion de la fiction Maremoto sur Radio Paris : un navire en perdition dans l'Atlantique envoie des SOS désespérés. Les auditeurs qui captent cette émission croient assister en direct à un naufrage. L'émission fait la Une des journaux le lendemain. Elle est interdite de diffusion par... le ministère de la Marine. Le 24 juillet 1949, Paul Dermée évoquait cette pièce radiophonique de Gabriel Germinet.

Quatorze ans plus tard, c’est au tour d’Orson Welles d’effrayer ses concitoyens. Le 30 octobre 1938, le soir d’Halloween, le réalisateur diffuse une dramatique intitulée La guerre des mondes.

L’émission est d’un tel réalisme que des millions d’Américains pensent vivre l’invasion de la Terre par des Martiens agressifs. Ce succès propulse Orson Welles et son sens de la mise en scène à Hollywood.

Rediffusion de la série

Les mystifications radiophoniques d’Orson Welles ou de Jean Nocher nous montrent l’énorme pouvoir de suggestion d’une œuvre radiophonique. Une fiction habillement présentée peut, l’espace de quelques heures, se substituer à la réalité dans l’esprit de l’auditoire. En 1949, au cours d’une conférence, le journaliste Samy Simon revient sur le pouvoir évocateur de ces deux magnifiques canulars.

Conférence de Samy Simon, 1949 

La série est tout de même rediffusée en mai 1946 sur la Chaîne nationale et en 1954 sur le Poste parisien. Cette fois, l’audience est avertie de la nature du programme et aucun incident n’est à déplorer.

Retrouvez l’intégralité de cette série à sensations

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Cliquez sur l'image pour accéder la série "Plateforme 70 ou l'âge atomique"

Florence Dartois


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