Jamal Khashoggi était un journaliste influent et proche de la famille royale saoudienne. Entré en dissidence en 2017, il s’était exilé aux Etats-Unis. Il critiquait surtout le prince héritier et la décision de l’Arabie saoudite d’entrer en guerre contre le Yémen en 2015.
Le 2 octobre 2018, le journaliste est aperçu pour la dernière fois vivant. Son entrée au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul a été filmée par les caméras de sécurité du bâtiment. Très vite, les autorités turques accusent l’Arabie saoudite de la mort violente après torture de Jamal Khashoggi, et obtiennent d’inspecter le consulat.
Face à la pression internationale, l’Arabie saoudite finit par reconnaître le 20 octobre le meurtre du journaliste dans son consulat, mais donne une version différente, affirmant qu'il aurait été tué lors d'une rixe. Les autorités saoudiennes reconnaissent néanmoins leur implication en limogeant deux proches du prince et en annonçant détenir 18 suspects saoudiens. Le prince héritier, que de nombreux journalistes turcs et arabes accusent directement d’être le responsable de l’assassinat, est épargné par les autorités saoudiennes.
Assassinat «validé»
La confirmation de la responsabilité saoudienne dans l’assassinat de Khashoggi provoque une onde de choc mondiale. Donald Trump, alors président des Etats-Unis, principal pays allié de l’Arabie saoudite, concède que l’affaire sera étudiée avec le Congrès, mais réfute les sanctions économiques, qui représentent « 110 milliards de contrats et 600 000 emplois ».
Au cours du reportage que France 3 consacre à l'affaire le 20 octobre, François Heisbourg, ancien directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, revient sur les raisons pour lesquelles le journaliste saoudien dérangeait le pouvoir de son pays : « Quelqu’un comme Khashoggi, qui connaissait bien le système de l’intérieur, mais qui s’était mis, croyait-il, en sécurité à l’extérieur avec notamment des plates-formes médiatiques magnifiques, comme le Washington Post : ça s’était insupportable pour Mohamed ben Salmane, donc il fallait le faire taire d’une manière ou d’une autre. »
Le 26 février 2021, le New York Times rendait public un rapport déclassifié de la CIA accusant formellement le prince héritier d'avoir « validé » l'assassinat du journaliste saoudien.
Ostracisation
Dans le contexte du renchérissement global du coût de l'énergie et notamment des craintes des pays occidentaux devant l'envolée du prix du pétrole et du gaz, les capacités énergétiques de l'Arabie Saoudite ont causé la fin de l'ostracisation de Mohammed ben Salmane. Le 16 juillet, le président américain Joe Biden, lors de sa première visite au Moyen Orient, rencontrait brièvement à Djeddah MBS, et échangeait avec le prince héritier un «fist bump», un salut poing contre poing qui signifiait que l'affaire Khashoggi était désormais considérée par l'Amérique comme appartenant au passé. Et ce malgré les promesses du président américain lors de sa campagne électorale de faire du royaume saoudien un «paria» de la communauté internationale. Autre dirigeant à « passer l'éponge » du meurtre de Khashoggi, le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, rencontrait récemment, à deux reprises, MBS : en Arabie Saoudite en avril, puis à Ankara au mois de juin.
Avant de rencontrer le président français Emmanuel Macron, Mohammed ben Salmane a débuté sa tournée européenne mardi 26 juillet par une visite de deux jours à Athènes, où il a été reçu par le premier ministre Kyriakos Mitsotakis.