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2010 : le témoignage de Florence Aubenas sur la précarité du travail en France

2010 : le témoignage de Florence Aubenas sur la précarité du travail en France

« Ouistreham », avec Juliette Binoche, est sorti ce mercredi 12 janvier en salles. Le film d’Emmanuel Carrère est une adaptation de l’enquête de Florence Aubenas, « Le quai de Ouistreham », publié en 2010, sur la réalité de la précarité du travail en France. Une expérience que la journaliste évoquait sur le plateau des « 5 dernières minutes ».

Par Cyrille Beyer - Publié le 12.01.2022
Les 5 dernières minutes : Florence Aubenas - 2010 - 05:46 - vidéo
 

Ce mercredi 12 janvier est sorti en salles Ouistreham d’Emmanuel Carrère. Le film met en lumière le difficile quotidien des femmes de ménage qui œuvrent sur les car-ferries qui font la liaison entre la France et la Grande-Bretagne. Si Juliette Binoche y tient le premier rôle, le casting est composé d’actrices amatrices, principalement des agentes d’entretien qui jouent leur propre rôle.

Ouistreham reprend la trame principale de l’enquête réalisée par Florence Aubenas sur la précarité de l’emploi, et publiée en 2010 sous le titre Le quai de Ouistreham. Le livre raconte son expérience de 6 mois pendant lesquels la journaliste a mis de côté sa vie matérielle pour entrer le plus possible dans la peau d'une personne en précarité professionnelle. Pour ce faire, Florence Aubenas à déménagé dans une ville qu’elle ne connaissait pas, Caen, s’y est inscrit à Pôle Emploi, et a prétendu ne pas avoir de diplômes afin d’expérimenter la réalité d’une telle situation.

Le 18 février 2010, la journaliste évoquait son expérience sur le plateau des « 5 dernières minutes ». Elle racontait avoir ainsi perdu beaucoup d’idées reçues au contact de la réalité, la première étant le temps nécessaire pour trouver du travail : « Quand on cherche du travail, on a quand même l’impression qu’on va en trouver tout de suite, alors on pousse la porte d’une agence d’intérim, en disant : "je veux trouver un emploi, je suis prête à tout faire", et là très gentiment les personnes vous disent : "mais madame, beaucoup de monde est prêt à tout faire aujourd’hui en France", et vous êtes entourés de gens qui proposent tous de travailler pour moins que le SMIC, qui disent qu’ils travaillent même le weekend, tout le monde est prêt à tout ! »

Immersion

Le seconde idée reçue qu’a eue Florence Aubenas avant d’entamer son reportage, c’est celle d’un monde précaire « homogène ». Or, il n’en est rien : « Tout le monde est touché, c’est très frappant. Il y a des retraités qui font des heures en plus parce que leur retraite n’est pas suffisante, il y a des jeunes qui sortent de l’école et qui ne trouvent rien non plus, il y a des mères de famille, il y a vraiment tout le monde ».

Florence Aubenas racontait avoir également été frappée par le temps de distance souvent très important que les travailleurs précaires sont obligés d’accepter s’ils veulent décrocher un job. C’est ce qui lui arrive lorsqu’elle accepte un travail d’agente d’entretien sur un ferry à Ouistreham : « C’était assez loin de Caen ou j’habitais et on mettait autant de temps pour y aller que pour travailler ».

Pendant les 6 mois que durait son immersion dans un monde dont elle ignorait presque tout, Florence Aubenas découvre une grande « fraternité » : « Dans la sauvagerie de ce monde invisible de la précarité, la solidarité, c’est ce qui fait tenir les gens. Et j’ai trouvé énormément de dignité en 6 mois, je n’ai entendu personne se plaindre. Ça c’est quelque chose d’incroyable, cet héroïsme des gens au quotidien, ces gens qui se lèvent, qui font le boulot, sans se plaindre, et qui bossent ».

S’étant fixée comme objectif d’arrêter l’expérience à son premier CDI, Florence Aubenas se voit finalement proposer, après 6 mois, ce premier sésame… qui se révèle finalement tout aussi précaire, puisque le contrat ne consiste qu'en deux heures et demie de travail par jour, très tôt le matin.

La conclusion que tire la journaliste de cette observation sur le terrain, c’est que « plus personne n’espère de CDI, pas même un job [en CDD] ». La réalité, c’est que les gens espèrent « plusieurs petits morceaux de job, pour gagner 700 euros par mois ». 700 euros, c’est bien la somme que Florence Aubenas a réussi à gagner lors de son mois le plus faste, lorsque la journaliste a collectionné pas moins de 5 jobs différents.

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