Le film Passion simple réalisé par Danielle Arbid sorti en salles le 11 août 2021 est adapté du roman éponyme d'Annie Ernaux paru en 1992. Le film, comme le livre, raconte la passion charnelle d'une femme, Hélène (joué par Laetitia Dosch) pour un homme, Alexandre (le danseur ukrainien Sergueï Polounine). Dans son long métrage, Danielle Arbid restitue la simplicité émanant des lignes écrites par Annie Ernaux dans son livre. Elle y décrivait les méandres de la passion qui la consuma durant une année. La réalisatrice raconte dans une interview accordée à Allo Ciné le 11 août 2021 qu'elle a découvert le livre en 2007 mais n'a souhaité le réaliser qu'à partir de 2014. La cinéaste y décrit aussi ce qui la touche dans l'écriture d'Annie Ernaux : «Je trouve que c'est une écrivaine très stylisée. C'est d'abord le style que je vois, et pas l'engagement social, etc. Pour moi, d'abord, Annie Ernaux, c'est du style. Elle a créé une façon d'écrire à travers soi, de passer par soi pour atteindre l'autre qui est assez unique, très précise et en même temps très fantaisiste. Pour créer ce style, il faut avoir beaucoup de fantaisie. Il y a de la beauté et du courage.»
La réalisatrice évoque aussi l'accueil reçu par le livre à l'époque, avec des critiques parfois violentes. Ce n'est pas le cas de l'archive que nous vous proposons de regarder en tête d'article. Nous sommes le 10 janvier 1992 et Annie Ernaux est reçue dans «Caractères», l'émission littéraire de Bernard Rapp, sur Antenne 2. C'est la première fois qu'elle vient parler de ce livre. Passion simple a visiblement séduit l'animateur. Il débute d'ailleurs son interview par un hommage appuyé : «C'est un livre que j'ai adoré, que j'ai trouvé éblouissant et extrêmement surprenant…»
«C'est un exposé, sans honte ni culpabilité...»
Annie Ernaux accueille ce compliment avec simplicité, à l'image de son roman autobiographique. Car c'est une histoire vraie que raconte l'auteure, la sienne, celle de son histoire d'amour pour un homme «de l'Est», marié ailleurs : «C'est un inventaire, ce n'est pas un récit de la rencontre… C'est un exposé, sans honte ni culpabilité, comme je l'avais vécu…». A travers son texte, elle a essayé de décrire le panel des émotions ressenties durant cette année d'amour et d'attente et d'en transmettre l'essence dans un ton parfois cru : «J'ai essayé de dire ce qu'est aimer un homme, mais de façon précise, très concrète de la manière la plus nue aussi.»
Son écriture, elle la revendique volontairement «dépouillée, sans lyrisme» avec une envie de transmettre cette passion dans tous ses détails jusqu'à la répugnance qui se transforme en désir. Elle évoque notamment l'écoute des bruits, l'attente douloureuse mais magnifique. «Où est la passion ? Elle est dans ces choses-là et bien entendu dans l'attente» confie-t'elle de sa voix douce et posée. Annie Ernaux évoquera aussi le sens premier de son titre antinomique : Passion simple. Elle expliquera enfin pourquoi, selon elle, le désir est la seule émotion mesurable au cœur du tourbillon de la passion.
Annie Ernaux a écrit 23 romans en partie autobiographiques. Elle a reçu le prix Renaudot en 1984 pour La place. Elle a reçu en 2008 le Prix de la langue française pour l’ensemble de son œuvre. Le 6 octobre 2022, elle a reçu le prix Nobel de littérature.
Pour aller plus loin
Premier service : Annie Ernaux à propos de son livre le "procès verbal d'une passion", la passion ne peut pas être un état permanent. Le respect de l'anonymat de l'homme aimé. (F3, 7 février 1992)
"Bouillon de culture" de Bernard Pivot. Elle dit pourquoi elle a écrit cette histoire et accepté d'en parler notamment la première fois chez Bernard Rapp, de la description des scènes de sexe, de la réactions des hommes. (8 mars 1992)