En utilisant le mot "relou", la ministre déléguée à la citoyenneté Marlène Schiappa a annoncé la création d'un baromètre visant à mesurer le harcèlement de rue et à élaborer une cartographie des "zones rouges". L'objectif pour elle est donc de "créer des "quartiers sans relous" et ainsi mieux lutter contre le harcèlement de rue". Mais fallait-il employer ce mot de verlan pour qualifier les harceleurs ?
Très utilisé par les jeunes des années 80, le verlan consistait à inverser les syllabes d’un mot. Couramment parlé dans les banlieues françaises, il a été marqué par l'émergence du mouvement hip-hop et s'est fortement démocratisé. Intégré dans la culture française, le verlan taquinait les mots, s'invitant dans le dictionnaire jusqu'à s'intégrer dans le langage courant. Dans le Larousse "relou" est un adjectif familier familier, sans connotation péjorative ou sexiste : "qui est sans finesse ou pénible, ennuyeux : Il répète toujours la même chose, c'est relou son truc !"
Dans les années 1980, les ados utilisent le verlan comme une marque d'indépendance, de reconnaissance et de séduction aussi. C'est ce que montre ce reportage réalisé le 16 mars 1986, dans l'émission "Culture clap" consacré aux langues parlées dans les rues de Paris à l'époque : le français, le franglais, le verlan, l'argot.
"La matfa qui me chebran"
Parmi les passants interrogés, quelques jeunes à la terrasse d'un café, trois amis, s'expriment en verlan avec un plaisir évident et acceptent de donner un petit cours aux téléspectateurs : "Beur, Mazar, Zarm, ça veut dire frimeur […] Mafat, Fatma : femme".
D'autres considèrent ce langage comme, "la langue multi raciale, la langue choc des cultures. C'est une langue internationale, quelque-part".
Le verlan : un instrument de la mixité manipulé alors avec jubilation. "Ça passe par la bouche. C'est bon !". Français, franglais, verlan ou argot, pour une femme interrogée, l'important c'était de communiquer, "C'est important. C'est la transmission de ce que l'on est. Sans langue, on n'est plus rien".
Le 17 avril 2021, l'emploi du terme "relous" par Marlène Schiappa a généré de vives réactions, notamment chez certaines associations de défense des droits des femmes, pointant du doigt que désormais le terme "relous" concernait des comportements caractérisés dans la loi (injures sexistes ou de harcèlement sexuel). Caroline De Haas, fondatrice du collectif contre les violences sexistes et sexuelles NousToutes, expliquait sur Twitter que : "Parler de "relous", c'est banaliser la réalité des violences." Des propos qui font résonner la différence de l'usage et de la perception de ce mot de verlan, dans les années 80 et aujourd'hui.
Voir le reportage en intégralité.