Pas de Tour de France sans caravane publicitaire. Si les spectateurs l'attendent toujours avec impatience, cet étalage commercial n'est pas toujours du goût de tous. Vous allez le constater, ce reportage au ton étonnant va vous dévoiler l'animosité non dissimulée de certains commentateurs à son égard. Ce 7 juillet 1983, le journaliste Eric Cachart réalise un reportage sur les à-côtés du Tour et notamment sur l'ambiance qui règne au bord des routes lors du passage de la caravane. La distribution de gadgets offerts par les marques attire en effet nombre de Casteloléronais et d'estivants. Une débauche de marketing qui exaspère ce journaliste.
D'emblée, le présentateur du journal de France 3 Poitiers donne le ton en lançant ce reportage. "A côté de cet aspect sportif gravite, vous le savez, tout un folklore du Tour. Derrière le peloton des cyclistes se profile l'imposante, la très imposante caravane publicitaire. D'ailleurs, les véritables amoureux de la "petite reine" déplorent que la compétition proprement dite soit en quelque sorte étouffée par tout ce tintamarre publicito-commercial".
"La chasse aux cacahuètes publicitaires"
Puis c'est au tour du reportage d'enfoncer le clou. "Saint-Pierre-d'Oléron a prêté l'espace de quelques heures ses artères à la grande foire du Tour de France". Sur des images de vacanciers en maillots de bain attendant le cortège publicitaire, le journaliste poursuit sa description désabusée, "les odeurs d'ambre solaire à bon marché, quelques peaux grasses rougies par le soleil, c'est l'ambiance habituelle du Tour de France avec son incroyable envahissement de publicités, de chapeaux-lessive, anisette ou assurances, sans oublier bien-sûr, le traditionnel képi".
Le reportage insiste ensuite sur le déferlement de marques de cette caravane : "alors que les coureurs exhibent leurs mollets sur des routes surchauffées, le public se masse lui derrière des grillages sur la ligne d'arrivée". Une foule coincée derrière des grilles qui rappelle le sort des animaux des zoos. Le journaliste poursuit sa description critique : "C'est la chasse aux cacahuètes publicitaires jetées avec plus ou moins de nonchalance par les zoophiles de la caravane".
"Le crique ou presque"
Il s'attaque ensuite, avec une ironie non dissimulée, à la convoitise des badauds agglutinés : "Approchez, approchez, messieurs-dames, un échantillon gratuit de chocolat pour le monsieur au chapeau, un sachet de lessive en poudre pour la dame en décolleté... Le sport cycliste a décidément quelques vertus cachées".
Le reporter, apparemment de plus en plus agacé par ce spectacle mercantile, continue son implacable description, "n'allez pas croire pour autant que les enfants sont les seuls à quémander des porte-clés. Les adultes aussi jouent des coudes, poussent, piétinent pour arracher le trésor fabuleux en plastique, mais aux couleurs du Tour qui trônera bientôt dans la salle à manger du F3 de banlieue. C'est le cirque ou presque sur la route du Tour et les équilibristes roulent pour vous. C'est encore et toujours du matraquage publicitaire. Cette publicité indispensable à la survie du Tour de France qui inonde et abreuve les spectateurs derrière leurs grilles. Toutes ces mains tendues n'ont quand même qu'un lointain rapport avec le sport cycliste".
En 2019, 15 millions de cadeaux ont été distribués par la caravane publicitaire du Tour. Un cortège qui se composait alors de 160 véhicules et de 600 personnes.
Florence Dartois
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