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1979, "Un Dupond à l'Opéra, ce n'est pas possible !"

1979, "Un Dupond à l'Opéra, ce n'est pas possible !"

Le rêve de tout danseur est d'être recruté à l'Opéra de Paris. Ce rêve, Patrick Dupond l'a réalisé à la fin des années 1970. A 20 ans, il était même déjà une graine de star à la personnalité originale. Portrait d'un "Dupond" hors du commun.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 05.03.2021 - Mis à jour le 05.03.2021
Un Dupond à l'Opéra - 1979 - 00:00 - vidéo
 

2 novembre 1979, le magazine Expressions de TF1 consacre un long portrait de Patrick Dupond, le danseur qui monte à l'Opéra de Paris. Le jeune homme est plein de vie et les caméras tentent de capter cette énergie débordante. Elles le suivent en boîte de nuit, où il danse comme n'importe quel jeune de son âge, sauf que lui est pressenti pour devenir la prochaine étoile masculine de l'opéra. Une étoile qui fera briller le nom des Dupond. Un patronyme qu'il assume fièrement.

"Un Dupond qui réussit ça n'existe pas !"

"Quand je suis rentré à Opéra, tout le monde m'a dit, c'est pas possible ! Un Dupond ! Un Dupond qui réussit ça n'existe pas. Ça n'a jamais réussi ! A part les Dupond de Tintin. Et j'ai dit non, au contraire, si je m'appelle Dupond et que je suis une star, c'est fantastique. C'est un paradoxe incroyable, en fait... Enfin, je ne m'appelle pas Dupond comme tout le monde, j'ai un "D" à la fin, attention !"

Lové sur son canapé, revêtu d'un peignoir de soie, le jeune homme réfute le terme de star et s'esclaffe : "Je le voudrais bien mais je ne le suis pas."

Mais le croit-il vraiment? La journaliste, en tout cas, n'en est pas convaincu si l'on en juge par sa description du gamin cabotin : "Futur danseur étoile à l'Opéra de Paris, Patrick Dupond, graine de star, est déjà comparé aux plus grands. Lourde responsabilité lorsque l'on a tout juste 20 ans".

"On ne peut pas brider un cheval de course"

Le reportage se poursuit en répétition. Sa grâce et sa souplesse impressionnent. Après sept heures de répétitions, l'artiste est fatigué mais continue à sourire, "ce qui me fait danser ce sont les gens qui me demandent de danser…", confie-t-il. 

Sur l'escalier central de l'opéra, nous retrouvons Max Bozzoni, son prof de toujours, il dresse le portrait de sa recrue," il a besoin d'être le premier, il est un peu exhibitionniste parfois, c'est vrai. On lui reproche quelquefois parce qu'il en fait trop, il ne sait pas se modérer. Mais je crois que c'est un instinct. On ne peut pas brider un cheval de course. Il a envie de courir. Il a envie de galoper. Il est très bien quand il le fait. Et si on le modère trop, il n'est pas à son aise. Alors Patrick, ben c'est la même chose. Il veut être partout dans le monde entier. Son ambition ne se limite pas à Paris. Il est demain à Chicago. Il est au Japon. Il a envie d'être connu mondialement. C'est un besoin nécessaire chez lui".

"L'opéra est à la fois un atelier et un supermarché"

Dans son bureau, Violette Verdy, la directrice de la danse à l'Opéra décrit les dangers qui planent sur son protégé, "le problème de Patrick, comme beaucoup de jeunes danseurs d'un très grand talent, et surtout à Paris, où les choses vont un peu trop vite, c'est un endroit de consommation. Ce n'est pas un endroit de construction. Il est déjà sur un supermarché, au lieu d'être encore dans une arrière-boutique d'un très, très grand atelier. Et l'opéra est à la fois un atelier et un supermarché, c'est-à-dire que les nouvelles vont vite. Dès qu'il y a un talent exceptionnel, tout le monde s'en empare. Il veut l'utiliser et l'user avant de le construire, de l'investir et de le solidifier.

"Un artiste ne doit pas se laisser enfermer"

"Lundi, danser La Bagadère, mardi, partir danser à Stuttgart, mercredi, il était à Paris…", ajoute Max Bozzoni.

Mais pour le jeune danseur, cette hyperactivité, c'est avant-tout une question d'ouverture, "j'accepte justement des contrats, parce que ça me permet de danser un petit peu en dehors de l'Opéra, et ça, il le faut, parce que l'on ne peut pas rester tout le temps enfermé, tout le temps, tout le temps, tout le temps dans l'opéra. Après, ça devient une espèce de routine. Un artiste ne doit pas se laisser enfermer dans le train-train quotidien. Il doit faire des choses nouvelles. Il doit voir des gens nouveaux. Il doit vivre des expériences nouvelles tout le temps. Et justement, ça me permet un petit peu de me renouveler. Moi".

"Mais, vous ne brûlez pas la chandelle par les deux bouts de cette façon ?", s'inquiète la journaliste.

Il se défend de cette vision négative : "Non, je ne pense pas. Parce que si je voulais la brûler par les deux bouts, j'en ai l'opportunité. Je dis que je pourrais accepter tous les contrats qu'on me propose. Je pourrais faire n'importe quoi. Je pourrais faire des bonnes et de mauvaises choses. Et là, justement, il y a quand même une espèce de sélection. Au départ, j'essaie de sélectionner les choses qui sont les plus intéressantes et les plus importantes pour moi."

"Il croyait que les hommes faisaient les pointes"

Un sérieux que confirme madame Charles, sa mère : "Il n'y paraît pas grand-chose. Beaucoup de gens s'y trompent, parce qu'il aime bien rire. Il n'a que 20 ans. Beaucoup de gens l'oublient. Il a des performances que bien des danseurs beaucoup plus vieux lui envient". Avec une pointe d'émotion dans la voix, elle ajoute : "Et on oublie qu'il n'a que 20 ans. Et c'est un enfant, mais c'est un enfant qui est très gai, il s'extériorise facilement".

Max Bozzoni se souvient à présent de ses débuts dans la danse et raconte une anecdote qu'il aime partager : "Il savait un tout petit peu danser. Il voulait faire des pointes. Il n'avait qu'une idée, il avait vu des pointes un jour à la télévision et il croyait que les hommes faisaient les pointes. Alors là, je l'ai un peu arrêté. Il a été un peu déçu sur le moment."

Sa maman revient sur cet entretien décisif et la prise de conscience de son fils : "On allait lui faire des restrictions. Il n'allait pas faire n'importe quoi, et que maintenant c'était quelque chose de sérieux. Et il a fallu qu'il y réfléchisse. On est repartis du cours de Max Bozzoni et on est revenus trois jours après. Et c'est Patrick qui avait pris la décision. Il a dit : "oui, je vais le faire" et ça a démarré comme ça". Elle insiste sur l'engagement et l'ambition de son fils "pour sa carrière, oui. D'ailleurs, en ce moment, il n'y a que son travail qui compte."

"Je me sens bien glorieux"

Patrick Dupond, lui, prend la vie avec légèreté et savoure sa gloire naissante, tout en assumant son attirance pour la renommée, la gloire : "Ah oui, j'adore ça. Parce que je me sens bien. Je me sens bien glorieux".

"Vous aimez qu'on parle de vous ?", et sa réponse fuse, joyeuse : "J'adore ça, oui !". Son plaisir coupable, il l'avoue : signer des autographes, "Avant, c'était la consécration. Maintenant la consécration, il faut qu'elle soit sur scène. Mais disons que je me rends compte que finalement, donner un autographe, c'est donner un peu de soi-même aux gens et ça leur fait plaisir. Si ça, ça peut leur faire plaisir..."

"C'est un très beau feu de joie qu'on voudrait bien faire durer"

Sa carrière, il l'imagine internationale. Sa directrice lui prédit d'ailleurs un bel avenir : "Il est célébré déjà. Il est demandé de tous les côtés. On place des exigences sur son temps, sur sa personne. Et de nouveau, cette gentillesse. Il ne dit pas non. Alors il brûle et on le brûle. C'est quelque chose. C'est un très beau feu de joie qu'on voudrait bien faire durer un peu longtemps quand même que plus de gens en profitent."

Pour aller plus loin

Patrick Dupond à propos du répertoire de danse de l'Opéra de Paris. "On a une école française qui est divine". Sylvie Guillem et Patrick Dupond dansent (extrait, 8 octobre 1984)

Patrick Dupond chez Thierry Ardisson. (deux extraits, 2000)

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Florence Dartois


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