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Les autonomistes en 1974 : «Nous aimerions que l’on nous prenne pour des Corses»

Les autonomistes en 1974 : «Nous aimerions que l’on nous prenne pour des Corses»

Le gouvernement et des élus corses sont tombés d'accord le 12 mars 2024 sur un projet d'«écriture constitutionnelle» prévoyant «la reconnaissance d'un statut d'autonomie» de l'île «au sein de la République». L'autonomie est une revendication ancienne.

Par la rédaction de l'INA - Publié le 15.03.2022 - Mis à jour le 12.03.2024
Sentiment anti-français en Corse - 1974 - 00:56 - vidéo
 

L'ACTU.

Après la mort en mars 2022 du militant indépendantiste Yvan Colonna, agressé à la prison d'Arles où il purgeait une peine de perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac, et les manifestations violentes qui avaient suivi dans l'île, le gouvernement avait ouvert des discussions pouvant «aller jusqu'à l'autonomie». Le 12 mars 2024, le gouvernement et les élus corses ont trouvé un accord qui «prévoit la reconnaissance d'un statut d'autonomie pour la Corse au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne, à sa communauté historique, linguistique, culturelle ayant développé un lien singulier à sa terre». Gouvernement et élus sont aussi tombés d'accord sur le fait que «les lois et règlements peuvent faire l'objet d'adaptation» sur l'île.

L'ARCHIVE.

Le désir d’autonomie corse, le besoin de reconnaissance culturelle étaient au centre de l’actualité en 1974 au terme d'une année de plasticages et d'inscriptions anti-françaises. En octobre, le journaliste Maurice Olivari (décédé en février 2024) était allé enquêter auprès de divers mouvements autonomistes et indépendantistes sur les raisons de cette amplification de la violence sur l'île.

En octobre 1974, le magazine d’actualité « 52 » diffusait son reportage intitulé « Une île pour des corses », sur les tensions sur l’île de beauté et le mal-être des « Corses de Corse ». Il était notamment parvenu à rencontrer des membres de l’un des mouvements autonomistes corses impliqué dans les violences, l’ARC (L'Action pour la renaissance de la Corse- Azzione per a rinascita di a Corsica).

L’archive en tête d’article est un extrait de cette rencontre avec ces jeunes militants. L'ARC comptait alors 50.000 militants. Leur slogan était clair : « I Francesi Fora » (les Français dehors). Interrogé sur cette « animosité à l’égard de la France », l’un d’eux réfutait ce terme : « On ne prononce jamais le mot France ou Français avec animosité. Il n’y a aucune xénophobie dans ce que fait l’ARC ».

Manque de reconnaissance et violence

Ce que les Corses revendiquaient, selon lui, c’était de la considération, « nous aimerions que l’on nous prenne pour des Corses », déclarait-il avant d’ajouter : « Le problème, ce n’est pas de mettre les Français dehors, le problème, c’est que les Corses puissent rester chez eux. » Leur mouvement autonomiste rejetait de fait tout ce qu’ils considéraient comme une tentative d’intégration forcée. Il réclamait que l’on garantisse aux Corses l’accès au travail, sur leur île, et la reconnaissance de leur culture.

L’année écoulée avait vu se succéder 40 plasticages. Un autre passage de ce reportage abordait la question de l’usage de la violence et de la responsabilité. « En Corse, on préfère désigner les responsables plutôt que de dénoncer les coupables », soulignait le commentaire de Maurice Olivari. Il régnait une sorte d’omerta qu’il tentait de cerner, dans le sujet ci-dessous.

Dans cette vidéo, Dominique Alfonsi, leader du PCP (Parti Corse pour le Progrès), l’un des seuls à avoir accepté le jeu électoral, évoquait cette question épineuse. Il parlait de « responsabilité diffuse » appartenant « un peu à tout le monde », mais surtout au gouvernement, qui ne faisait rien « pour cette île ». Cette inaction exacerbait, selon lui, « le sentiment de colère » aboutissant à « une explosion de colère ». Le « sentiment de spoliation» qui se généralisait dans la population exacerbait la rancœur. La violence apparaissait désormais comme « la seule voie qui puisse amener une solution en Corse ».

Violences chez les autonomistes corses
1974 - 01:36 - vidéo

Alfonsi pointait le désintérêt de « la caste des politiciens », souvent envoyés du continent, qui ne prenaient pas en « considération les problèmes de cette île ». Plus tard, d'autres autonomistes interrogés l’affirmaient, ils iraient « jusqu’au bout ». Quant à envisager l’indépendance, ils répondaient que tout dépendrait « du dialogue avec Paris ». Il poursuivait : « Ce qu’il y a, c’est que nous sommes Corses, il faut appeler les choses par leur nom, et nous aimerions que l’on nous prenne pour des Corses. » Leur conclusion était simple : « Le problème ce n’est pas de mettre les Français dehors, le problème c’est que les Corses puissent rester chez eux », concluaient-ils.

Une revendication politique

L'archive ci-dessous, toujours extraite du même reportage, décrit les revendications essentiellement politiques du peuple corse. Celle majoritairement choisie était l'autonomie, et pas l'indépendance. Les Corses souhaitaient un cadre institutionnel qui leur permettrait de rester eux-mêmes et maîtres de leur destin « tout en restant dans la légalité française », précisait le commentaire sur des images de slogans tels « la Corse aux Corses ».

Edmond Simeoni, le leader le l'ARC, résumait ainsi la position corse : «Il ne s'agit nullement de séparatisme mais d'une volonté de sauver à tout prix et quel qu'en soit le prix le peuple corse en péril ».

Face aux différents clans séparatistes et autonomistes, Dominique Alfonsi, le leader du PCP, ne se faisait aucune illusion sur ses chances aux élections. Ce « jeu électoral » représentait avant tout une tribune et non un but.

Partis autonomistes corses
1974 - 02:11 - vidéo

Pour aller plus loin

En août 1975, Edmond Simeoni, le porte-parole du mouvement ARC indiquait leurs revendications. Son mouvement luttait pour un statut « d'autonomie interne au sein de la République française » sans toutefois réclamer le séparatisme. Il terminait son intervention en évoquant les probables « actes regrettables » que le mouvement était prêt à mener devant le « refus systématique du dialogue » de la part des autorités.

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