Le racisme est l'un des principaux fléaux du pays depuis ses origines. Alors que la ségrégation raciale est officiellement déclarée inconstitutionnelle en 1954 par la Cour Suprême et que les barrières institutionnelles qui séparent encore les noirs des blancs commencent à tomber au cours des années 1960 grâce au combat des militants pour les droits civiques, le racisme dans les mentalités, et notamment dans les états du Sud, ne disparaît pas pour autant.
En 1971, un reportage de l'émission XXe siècle enquêtait à Little Rock, dans l'Arkansas, pour connaître l'évolution des mentalités depuis les tensions raciales de 1955, date à laquelle l'école avait été sur ordre fédéral ouverte aux écoliers noirs.
Billy Rector, l'homme le plus influent de Little Rock, regrettait ainsi l'intégration des noirs à la communauté éducative de sa ville : « Si ma fille se trouve obligée d'aller dans une école où il y a plus de 40 % de noirs, elle en souffrira sur le plan de son enseignement. Les élèves de sa classe ne seront pas en mesure de suivre les blancs qui ont été transférés dans leur école dans le cadre de cette intégration scolaire. Et je ne veux pas imposer cela à ma fille. En outre, un autre fait, avec un tel pourcentage, la discipline de l'école constituera un problème grave. Je l'avais prévu d'ailleurs. Et cela non plus, je ne veux pas l'imposer à ma fille ».
En réponse à cette nouvelle situation qu'il trouve insupportable, Billy Rector, qui se considère comme un « conservateur », planche sur la création d'une école privée pour les blancs qui le désirent, afin de contourner la loi.
Une autre interview saisissante révèle la force de ce sentiment raciste si fortement implanté dans ce pays vis-à-vis des Afro-Américains. M. et Mme Folkerson, de riches planteurs blancs, paraissent à première vue moins « conservateurs » que Billy Rector. Ainsi Mme Folkerson commence par rappeler les liens affectifs qui l'attachaient aux noirs pendant son enfance (la Ségrégation était alors encore en vigueur) : « Je ne les crains pas car j'ai été élevée avec eux, chez eux, on jouait au ballon ensemble. J'ai passé des soirées dans leurs maisons, j'ai mangé leurs petits gâteaux et je n'en ai absolument pas peur tels que je les connaissais autrefois à la plantation. »
C'est la nouvelle génération qu'elle et son mari craignent, même si tous deux disent comprendre le sentiment de révolte qui anime les Afro-Américains : « Je comprends que les noirs se révoltent, parce qu'ils ont été opprimés, et c'est leur droit de le faire », juge Mme Folkerson.
Mais cette dernière, malgré cette compréhension de l'histoire tragique de la communauté afro-américaine, ne peut se résoudre à une véritable mixité sociale, surtout lorsque cela touche à la sphère intime : « Je ne pense pas que je prendrais très bien le fait que ma fille fréquente un noir. J'aimerais qu'elle ne fasse pas un tel choix. Dans la prochaine génération, cela arrivera, mais je ne suis pas encore prête à l'accepter moi-même. Je n'ai aucune objection à ce qu'ils aillent à l'école ensemble, à ce qu'ils participent aux mêmes réunions sportives, mais j'en accepterais difficilement davantage. [Pour ce qui est] de recevoir un noir chez moi, je crois pouvoir m'y faire plus facilement que de voir ma fille danser [avec un noir]. »
Des propos considérés alors comme classiques chez les « conservateurs » Américains.