Sur les quais de Paris, le 19 mars 1971, le comédien à la quarantaine tranquille, revient sur les débuts de sa carrière, des débuts compliqués... "je me sentais un peu à l'étroit en province, c'est peut-être pour cela que j'étais malheureux" (...) "Je suis venu à Paris pour être metteur en scène, je voulais m'inscrire à l'IDHEC." Pour mieux connaître le travail des comédiens et les diriger, le jeune homme décide de suivre des cours d'art dramatique. "Et ça a été la catastrophe ! On a essayé de me décourager. Et ça, ça m'a donné envie de continuer".
"Quand on vient à Paris et qu'on a l'accent méridional, on est ridicule..."
Jean-Louis Trintignant découvre sa passion du théâtre et du jeu, reste à convaincre les autres de son talent. Il suivra même deux cours en parallèle, celui de Charles Dullin et de Tania Balachova. Mais pour ce Méridional, pas facile de déclamer des vers avec l'accent du Sud. "Quand on vient à Paris et qu'on a l'accent méridional, on est ridicule quand on veut jouer la comédie. Moi, je jouais des scènes de tragédie avec un accent méridional au début ! C'était une catastrophe. Ça faisait rire tout le monde".
Amusé, et pour prouver le comique de la situation, il déclame d'ailleurs un passage du Cid avec des intonations plutôt "chantantes". Et assure finalement, "non, c'est ridicule !", conclut-il hilare.
Heureusement, pas de quoi le démotiver. Il reconnait pourtant que "c'était vraiment compliqué. J'ai mis quatre ans à vivre décemment de ce métier. Avant, j'ai dû faire des tas de métiers…"
"Je me suis vraiment épanoui à ce moment-là"
Camionneur, livreur, manutentionnaire ou serveur… Jean-Louis Trintignant se souvient : "ça ne me faisait pas de peine de faire ça. Non, j'étais très heureux. Je me suis fait une culture. J'ai lu, travaillé, rencontré des gens. Je me suis vraiment épanoui à ce moment-là".
"A l'intérieur de moi, je sentais qu'il y avait beaucoup de choses"
Pourtant, le jeune Jean-Louis était d'une extrême timidité à cette époque "j'étais très timide et extrêmement pudique. Je n'arrivais pas à me débloquer. Je travaillais toutes mes scènes tête baissée (…) à l'intérieur de moi, je sentais qu'il y avait beaucoup de choses mais à l'extérieur, rien ne sortait ! J'avais un goût artistique, peut-être un peu écorché. Du fait d'ailleurs que j'étais timide, ça voulait dire en même temps, imbécile car c'est un vilain défaut que d'être timide. C'est de l'orgueil. J'ai guéri ma timidité. Je me suis guéri par l'homéopathie, c'est le mal qui m'a guéri".
Loin de renier cette timidité révélatrice d'une "sensibilité extrême", il l'a utilisée pour son métier.
Florence Dartois