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Jean Graton en 1971 : «Je prends Michel Vaillant très au sérieux»

Jean Graton en 1971 : «Je prends Michel Vaillant très au sérieux»

Il y a 100 ans, le 10 août 1923, naissait Jean Graton, décédé le 1er janvier 2021 à Bruxelles à l'âge de 97 ans. C'était le créateur et dessinateur de la bande dessinée «Michel Vaillant», immense succès d'édition. Le dessinateur belge nourrissait une véritable passion pour le monde automobile. Visite de son atelier, qui s'étendait souvent à des circuits de course. 

 

Par Florence Dartois - Publié le 21.01.2021 - Mis à jour le 09.08.2023
Rencontre avec Jean Graton dans son atelier - 1971 - 08:30 - vidéo
 

L'ANNIVERSAIRE.

Jean Graton, né le 10 août 1923, aurait eu 100 ans cette année. Décédé en janvier 2021, à Bruxelles, à l'âge de 97 ans, il est resté célèbre pour avoir été le créateur et dessinateur de la bande dessinée Michel Vaillant mettant en scène un pilote automobile. La série, qui fut un immense succès d'édition en 70 albums, a débuté dans Le Journal de Tintin en 1957.

Le dessinateur nourrissait une véritable passion pour le monde automobile, depuis que son père l'avait emmené assister à ses premières 24 heures du Mans à 14 ans. Contrairement à ce que l'on pense souvent, Jean Graton était né à Nantes. Il débuta comme ajusteur dans un chantier naval, mais sa passion, c'était le dessin. À l'époque, le pays de la BD, c'était la Belgique. En 1947, à 24 ans, il débarquait à Bruxelles pour tenter sa chance. En 1951, un vendredi 13, il entre à l’agence World’s Press. Elle fournit des histoires au journal Spirou et emploie plusieurs auteurs prestigieux. Ainsi, il va se former et travailler avec acharnement. Pendant un an, il illustre les Histoires de l’Oncle Paul et apprend le métier d’auteur de bandes dessinées. Rêvant de créer sa propre bande dessinée, il propose ses services au Journal de Tintin. À partir de 1957, Graton sort quelques histoires en quatre pages consacrées à Michel Vaillant, son héros courageux. Les jeunes lecteurs de Tintin adoptent le pilote de Jean Graton. C'est parti pour l'aventure. Le premier numéro de la série, Le Grand Défi, paraît en 1959. Au cours des décennies suivantes, le succès ne va jamais se démentir et dans les 70 tomes de sa saga, Jean Graton va parvenir à créer un univers riche et réaliste. L'archive que nous vous proposons de regarder date de 1971, elle dévoile les coulisses de son atelier et la manière dont il préparait ses récits.

L'ARCHIVE.

Ce reportage diffusé dans le magazine « Volume » de la première chaîne de l'ORTF, le 28 janvier 1971, présente le dessinateur dans son atelier où, contre toute attente, il travaillait en équipe, chacun ayant sa propre spécialité. Ainsi Daniel Boucher, styliste, créait uniquement les modèles des voitures mises en scène dans la BD. Des voitures imaginaires, mais ultra-réalistes dont il travaillait les effets et reliefs à partir de vrais modèles. Car malgré l'imaginaire, l'univers de Michel Vaillant était très précis, pour satisfaire un « public de jeunes », « le public le plus difficile », précisait Michel Graton. Il ajoutait : « Les jeunes veulent des choses précises, s'il y avait une erreur, ils ne nous le pardonnerait pas », assurait-il, pinceau à la main.

Un réalisme extrême

Le papa du pilote déclarait que pour obtenir cette précision du trait, ils aimaient aller sur place, sur les circuits, allant « jusqu'à répéter ce qui allait se passer dans la BD ». Les images le montraient d'ailleurs en pleine séance de photographie, sur un circuit, mitraillant des bolides lancés à pleine vitesse. Autant de détails qui se retrouveraient dans les planches : bruitages, visages, postures, dérapages...

Sa méticulosité allait jusqu’aux traits des visages de ses personnages, souvent empruntés à de vrais pilotes, Dans ce reportage, il s'entretenait avec un couple de pilotes qu'il mettrait en scène dans sa prochaine BD évoquant un rallye en Amérique, c'était la première fois qu'il dessinerait une femme « aux traits plus tendres », là aussi, même attention aux détails.

C'est sans doute grâce à ce goût de la précision que sa BD avait remporté un tel succès et que son héros Michel Vaillant enthousiasmait les fans. De retour dans son atelier, le dessinateur confirmait qu'il était devenu « un véritable personnage à part entière » et était considéré par les pilotes eux-mêmes comme l'un des leurs. Une consécration indéniable !

D'ailleurs, les caméras filmaient une séance de travail avec Claude Bourgoignie, un pilote belge, qui serait l'un des personnages d'une prochaine aventure. Il piloterait « une formule 3, une Vaillante ». Pour l'heure, sur un circuit, il devenait le conseiller technique de Jean Graton, lui décrivant des différents choix de pneus qui devraient équiper sa voiture en cas de pluie. Près du bolide, les dessinateurs de l'équipe effectuaient des croquis pour ne rien oublier des détails techniques.

Un double envahissant ?

De retour dans son atelier, Jean Graton reconnaissait prendre son travail au sérieux, mais ne pas se prendre lui-même au sérieux. Michel Vaillant prenait beaucoup de place dans sa vie, trop peut-être, au point que son épouse, également interrogée, déclarait : « Nous vivons à trois ! il fait partie de la famille pour moi et ce n'est pas toujours drôle, car je déteste l'automobile », concluait-elle dans un éclat de rire.

Michel Vaillant, c'était un peu de lui, reconnaissait-il, lui qui était l'auteur du scénario et des dialogues, « pour qu'un personnage parle de façon naturelle, il faut qu'on le fasse parler comme nous, ajoutait-il, autrement, ce serait un rôle de composition trop difficile ». Vaillant, c'était, selon lui, « un héros, mais pas un superman de bande dessinée », ce n’était pas « un dur », mais « un homme de caractère », et surtout pas « une mauviette ». Il savait ce qu'il voulait.

Et qu'en pensait madame ? Ressemblait-il à son époux ? Pour elle, Vaillant était « trop parfait », ne perdant « jamais le contrôle », un peu comme son mari, ce qui avait le don de l'exaspérer, confiait-elle avec bonne humeur. Avec Michel Vaillant, Jean Graton concluait qu'il avait souhaité créer un héros « proche de son public », surtout les jeunes. Son objectif : c'était de leur donner un modèle, une envie de devenir, qui sait, un jour peut-être, à leur tour des héros.

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