1967 : Mikis Theodorakis à propos de la musique populaire grecque

Mikis Theodorakis s'est éteint à l'âge de 96 ans le 2 septembre 2021, laissant derrière lui une oeuvre colossale. Né le 29 juillet 1925 à Chios, en Égée, dans une famille d'origine crétoise, Mikis Theodorakis devient rapidement l'un des plus grands compositeurs de son pays, notamment pour le cinéma. En 1964, il compose la célèbre musique du film "Zorba le Grec", ou celle du film de Costa-Gavras "Z". Le compositeur grec est devenu le symbole de la résistance en Grèce à travers les époques et sa musique était profondément ancrée dans la culture traditionnelle et inspirée du peuple des villes.

Une conception qu'il dévoile ici, dans l'archive que nous vous proposons en tête d'article. C'est un extrait de l'émission "Musique du monde" diffusée en mars 1967. A Athènes, dans l'enceinte du théâtre du mont Lycabette, le musicien est interrogé sur le bouzouki, cet instrument populaire grec très ancien. L'artiste évoque à cette occasion les différentes influences composant la musique grecque contemporaine, marquée par l'influence byzantine et le folklore grec, il précise que : "Ce n'est pas l'instrument qui fait l'Orient, c'est la musique. La Grèce entre dans l'Orient de l'Ouest". Ces différentes influences ont créé ce qu'il appelle la "chanson des villes", issue des quartiers populaires.

"La musique, c'est l'un des arts où il faut toujours rester en contact les masses"

La chanson, un art essentiel à ses yeux comme il le précise ici : "A mon avis nos chefs-d'œuvre de la musique populaire sont ces chansons-là", à l'image du rebetiko, cette musique grecque apparue dans les années 20. Une musique populaire et symphonique, ancrée dans la réalité du quotidien : "Nous voulons faire une musique purement symphonique, purement grecque, purement hellénique et pas du tout cérébrale, qui est spontanée et en contact avec les racines, les origines…". Il précise d'ailleurs sa vision de la chanson forcément populaire : "La musique, c'est l'un des arts où il faut toujours rester en contact les masses et pas seulement avec une élite de la société. Avec les masses comme c'était avec la musique de Beethoven… les classiques."

Engagé auprès des communistes au cours de la guerre civile qui éclate en Grèce à la suite du conflit mondial, il est déporté dans l'île-bagne de Macronissos, où il est torturé. Cette interview de mars 1967, était l'une de ses dernières avant le putsch militaire, qui allait débuter le 21 avril 1967, puisque Theodorakis allait être arrêté dès le début de la dictature des Colonels. Plus récemment, pendant la crise financière qui frappa la Grèce au milieu des années 2010, il a manifesté contre les mesures d'austérité imposées par l'Europe.