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1957 : "Les animaux malades de la peste" de Jean de La Fontaine

1957 : "Les animaux malades de la peste" de Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine est né il y a 400 ans. L'occasion de redécouvrir la fable « Les animaux malades de la peste », écrite en 1678 et récitée à la télévision en 1957 par les comédiens Julien Bertheau et Robert Manuel.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 13.03.2020 - Mis à jour le 08.07.2021
 
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Vous souvenez-vous de cette poésie apprise sur les bancs de l'école ? A l'occasion des 400 ans de la naissance de Jean de La Fontaine, redécouvrez la fable Les animaux malades de la peste, écrite en 1678 et récitée à la télévision en 1957 par les comédiens Julien Bertheau et Robert Manuel.

Cette fable, qui imagine la société des animaux frappée par une épidémie de peste, est une métaphore de la société humaine, dans laquelle les forts finissent toujours pas triompher des plus faibles. L'âne (l'homme du peuple), au verbe maladroit, seulement coupable d'être trop honnête en avouant avoir mangé de l'herbe sans en avoir le droit, se voit reprocher son soi-disant forfait par le renard (le courtisan) qui préfère taire les crimes, bien réels ceux-là, du lion (le roi), mangeur de moutons et d'un berger.

Jean de la Fontaine, Les animaux malades de la peste.

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.


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