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Le quotidien de Roger, un étudiant en 1964

Le quotidien de Roger, un étudiant en 1964

La précarité des étudiants n'est pas nouvelle. En 1964, Roger racontait ses difficultés pour vivre.

 

Par Romane Sauvage - Publié le 18.11.2019 - Mis à jour le 22.11.2022
Pauvreté des étudiants - 1964 - 04:08 - vidéo
 

L'ACTU.

19 % des étudiants ne mangent pas à leur faim selon une étude publiée par la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) en janvier 2024. Avec l'inflation, le niveau de vie des étudiants et étudiantes s'est encore dégradé.

Disposant de moins de revenus que le reste de la population, les étudiants et étudiantes sont en effet une tranche de la population particulièrement touchée par l'inflation. Et les files d'attente à l'aide alimentaire s'allongent.

Cette paupérisation préexistait de telle sorte qu'avant la pandémie des manifestations étudiantes alertaient sur une situation préoccupante. Un étudiant en en grande précarité s'était immolé par le feu à Lyon en novembre 2019, dans un geste voulu politique et participant au déclenchement de ces mouvements sociaux.

LES ARCHIVES.

La précarité des étudiants et étudiantes est un enjeu récurrent. Déjà, en 1964, dans l'archive en tête d'article, Roger, étudiant, témoignait de ses difficultés. Bientôt diplômé de l'École supérieure des travaux publics, il travaillait tous les jours dans une entreprise de transport, conduisait des camions, pour payer ses études. Au volant de son véhicule stationné, il expliquait qu'il avait « roulé trois heures » dans la journée. Il se disait fatigué le soir, « et le lendemain matin aux cours, des fois, c'est pénible. »

Et poursuivait : « Quand on a travaillé le soir, quatre heures le soir, et qu'il a fallu encore travailler les cours pendant une heure, et bien le lendemain matin on est crevé. » Une inégalité par rapport à ses camarades qui n'avaient pas besoin d'emplois étudiants pour se payer leurs études : « Les cours, mon travail me prend du temps, pendant ce temps-là je ne peux pas faire de projet. Or les travaux publics sont surtout une école où on fait pas mal de dessins. Du dessin qui prend du temps. Et le temps, je ne le trouve pas là où normalement un étudiant qui n'a pas besoin de travailler le trouve. »

Des loisirs qui passent sous le nez

Pour lui, chaque dépense comptait : « À midi, je mange au restaurant universitaire et le soir, je suis embêté, normalement j'ai droit au restaurant universitaire, seulement comme je travaille le soir, je suis obligé de manger dans un restaurant ordinaire, privé. Ce qui me revient à 400 [un peu moins de 6 euros] ou 500 francs tous les soirs. » Il limitait donc les dépenses, quitte à faire une croix sur ses loisirs : « Pas beaucoup de cinéma. (...) pour un étudiant, c'est très cher. (...) Théâtre, j'ai eu la chance qu'un camarade travaille au TNP le soir (...) j'avais toutes les premières, il me donnait des billets. » Son camarade n'y travaillant plus, il avait dû prendre un abonnement, qu'il estimait à 3500 francs, soit près de 50 euros.

À la demande du journaliste de savoir s'il était heureux, il répondait : « Eh bien oui, en tant qu'étudiant oui ça marche. Seulement, sans argent, on a des loisirs qui vous passent sous le nez. Entre autres les vacances, il faut travailler pendant les vacances, pour penser à l'année qui suit, mettre un peu d'argent de côté pour les coups durs. Sans ça, je suis ma petite vie d'étudiant, péniblement. » Et de conclure : « Je m'en souviendrais. Et j'ai pas mal de camarades qui sont dans le même cas que moi. »

« Comment on peut vivre avec moins de 1000 francs par mois ? »

« À la fois plus pauvres, mais plus assistés, ainsi se présentent en 1982 les étudiants français. Un million dont 125 000 boursiers », entamait un journal télévisé de 1982 diffusé sur Antenne 2 et visible ci-dessous. Le reportage suivait trois étudiants et étudiantes dans leur quotidien à l'université. « Ces jeunes font partie de ces 60 % d'étudiants dont le revenu ne dépassent guère les 1000 francs [350 euros selon une conversion prenant en compte l'inflation] par mois et à condition de trouver un travail d'appoint. »

L'une d'elle, Fazia, étudiante en sciences économiques, s'interrogeait. « Comment on peut vivre avec moins de 1000 francs par mois ? Ce n'est pas évident. Après avoir payé le loyer par exemple, après avoir payé la bouffe, après avoir payé les transports, (...) après tous ces frais-là il ne nous reste plus grand-chose. » Experte, elle détaillait : « Ce que font la plupart des étudiants, c'est qu'ils cherchent un petit boulot parallèlement et essaient de vivoter avec ça. (...) Encore s'ils le trouvent. »

Des bourses à peine suffisantes

« Elles permettent à peine de faire face aux frais indispensables : 110 francs par mois de carte orange, 430 francs de loyer mensuel en résidence », disait le commentaire des bourses que touchaient alors un étudiant sur huit. « Quant au restaurant universitaire, il était loin de faire l'unanimité. » Avec des repas à 5,60 francs, le journaliste qualifiait de « pas tellement cher » ces repas, ce à quoi un étudiant répondait avec humour : « C'est en rapport avec la qualité du repas. C'est-à-dire que c'est franchement dégueulasse. »

À l'époque du reportage déjà, avec l'augmentation du coût de la vie, une révision de l'ensemble des aides universitaires était demandée par les étudiants. En 2022, l'inflation atteint un niveau qui « n'avait pas été observé depuis les années 1980 » selon la Banque de France. Le gouvernement a annoncé la revalorisation des bourses de 4 % et une aide supplémentaire pour les plus précaires.

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