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Précarité étudiante en 2000 : «Je n’ai jamais rien lâché»

Précarité étudiante en 2000 : «Je n’ai jamais rien lâché»

Vendredi 8 novembre, un étudiant a tenté de mettre fin à ces jours en s’immolant à Lyon. En 2000, Michaël Bruel, étudiant de 25 ans, était obligé de travailler pour vivre et étudier. Aujourd’hui, il est directeur d’un groupe leader dans l’insertion. Pour l’ina, il revient sur ces années compliquées.

 

Par Jérémie Gapin - Publié le 15.11.2019 - Mis à jour le 18.11.2019
Portrait étudiant - 2000 - 02:00 - vidéo
 

Vendredi 8 novembre, un étudiant a tenté de mettre fin à ces jours en s’immolant à Lyon. Depuis, des rassemblements ont eu lieu partout en France pour dénoncer la précarité étudiante. Ce fléau n’est pas nouveau. En 2000, Michaël Bruel, étudiant de 25 ans, était obligé de travailler pour vivre et étudier. Aujourd’hui, il est Directeur Opérationnel d'une filiale d'un groupe leader dans l'insertion. Pour l’ina, il revient sur ces années compliquées.

Vendredi 8 novembre, un étudiant a tenté de mettre fin à ses jours en s’immolant à Lyon. Quelle a été votre première réaction ?

Michaël Bruel : C’est terrible. On pense que le monde étudiant est un monde privilégié alors qu’il n’y a pas que ça. C’est extrêmement représentatif de la dégradation du système d’accompagnement de bourses depuis 50 ans. Quand on entendait nos parents parler des bourses, ils pouvaient s’en sortir pour étudier à peu près correctement. Depuis, on voit les choses se désagréger. Parallèlement, les coûts du logement et de vie ont augmenté tandis que les bourses n’augmentent pas tant que ça. Entre l’époque où j’étais étudiant et maintenant, je ne crois pas que les choses se soient améliorées. Bien au contraire. Personnellement, j’ai une fille qui va avoir 17 ans et en tant que père, on commence à se poser certaines questions. Avec la dureté de ce que j’ai vécu à l’époque, j’anticipe les choses différemment. Comment vont-ils vivre ? J’ai des interrogations.

France 3 vous consacrait un reportage en 2000 qui parlait notamment de la précarité étudiante. A 25 ans, vous viviez avec 3000 francs par mois et votre loyer était de 1500 francs. Comment avez-vous vécu cette période compliquée ?

Ça marque. Toutes ces années ont été difficiles. Mais le principal rempart au premier emploi, ce sont les études. En plus, j’étais issu d’une famille monoparentale avec toutes les difficultés que cela pouvait avoir donc j’ai appris jeune à être combatif. C’est dur quand les profs vous disent que vous êtes là pour étudier alors que vous êtes là pour vivre. Quand on se prend des mauvaises notes parce qu’on n'a pas révisé, c’est sûr que ce n’était pas facile. Ces années compliquées, elles ont commencé à Montpellier quand j’étais en DEUG de socio-ethno. Je me suis même retrouvé à la rue avant d’être très vite relogé en cité universitaire grâce à des copains étudiants.

Comment est-ce que vous vous en êtes sorti ? Avez-vous eu le soutien de votre famille ou des amis ?

Je n’ai jamais rien lâché. La famille, ça a été plutôt été un écueil, mais globalement, j’ai toujours eu une main de tendue. J’ai donc gardé le courage et avancé. Grâce à ce reportage, j’ai aussi eu une opportunité. J’ai fait mon service militaire au service presse de Matignon. Ça a été un véritable coup de pouce. Tout au long de mon parcours, ces mains tendues m’ont donné énormément de courage. C’est comme ça que je suis devenu collaborateur d’élu ou encore directeur de cabinet. J’ai toujours été très investi et compris ce qu’était l’engagement collectif.

Est-ce une période qui vous semble derrière vous ou vous y pensez régulièrement ?

Cette période a façonné ma vie. J’y pense encore régulièrement. S'il n’y avait pas eu tous ces obstacles, je ne sais pas ce que je ferais aujourd’hui, même professionnellement. Cela m’a permis d’avoir une approche différente des difficultés des uns et des autres et c’est ce que j’enseigne à mes enfants tous les jours. Il faut qu’ils en prennent conscience, car la précarité des étudiants ça existe encore.

Vous qui êtes passé par là, qu’est-ce que vous avez envie de dire aujourd’hui aux étudiants qui sont en difficulté financière ?

J’aurais tendance à dire qu’il n’y a pas de fatalité. Il y a des mains à saisir. Seul, on ne s’en sort pas forcément donc il faut toujours regarder autour de soi. C’est la première chose à faire. Il faut aussi garder une grande foi en l’avenir et être déterminé. Des fois, on a des ressources à proximité qu’on ne s’imagine pas. J’ai appris à faire la différence entre ego et orgueil le jour où j’ai eu besoin d’aide pour pouvoir manger. L’orgueil, c’est bien, car ça fait réagir, mais l’ego ça ne mène qu’à sa perte. Il faut savoir ravaler sa fierté et avoir de l’humilité.

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