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Laïcité : comment les professeurs l'enseignaient-ils après l'attentat contre «Charlie Hebdo» ?

Laïcité : comment les professeurs l'enseignaient-ils après l'attentat contre «Charlie Hebdo» ?

Il y a deux ans, Samuel Paty était assassiné pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Parler de laïcité en classe s'avère parfois compliqué dans certains collèges. En 2015, trois professeurs faisaient part de leur méthode respective.

 

Par la rédaction de l'INA - Publié le 19.10.2020 - Mis à jour le 13.10.2022
 

Expliquer la laïcité aux élèves s'avère parfois compliqué dans certains collèges. En 2015, quelques jours après l'attentat contre le journal «Charlie Hebdo», trois professeurs d'histoire-géographie faisaient part de leur méthode respective et de leurs questionnements face à la situation à l'école. L'archive en tête d'article a été diffusée le 21 janvier 2015 dans le 20 heures de F2. La caméra s'était glissée dans les classes d'Arnaud Donneger, professeur à Beauvais, Jean-Riad Kechaou et Olivier Gomez, professeurs à Chelles.

Dans la classe de 5e d'Arnaud Donneger, deux élèves condamnaient les caricatures. Au cours de leur échange, l'un d'eux avait du mal à expliquer pourquoi : « Je ne suis pas Charlie parce que je pense que ce n'est pas bien ce qu'ils ont fait. Une religion, c'est sacré, il ne faut pas attaquer une religion par des caricatures », déclarait-il. Lorsque la journaliste lui demandait pourquoi on n'aurait pas le droit de faire des caricatures, le garçon répondait ne pas vraiment savoir, arguant simplement « d'après moi, c'est pas bien ». Sa conviction, il expliquait se l'être faite par lui-même et « sur les réseaux sociaux ».

Histoire et croyance

En classe, le professeur, tentait de forger leur esprit critique en s'appuyant sur l'Histoire. Arnaud Donneger admettait comprendre la réticence de certains élèves, mais essayait de leur faire intégrer qu'il y avait l'Histoire et la croyance : «​​​​ Il y a la liberté de croyance et il y a la liberté historique basée sur la méthode du prof d'histoire géo, basée sur les sources. » Travailler sur les textes, c'était la clé de compréhension d'après lui. C'est ce qu'il tentait de faire.

À Chelles, en Seine-et-Marne, la moitié des élèves était de culture musulmane et les enseignants avaient dû faire des heures de pédagogie pour désamorcer les tensions latentes. Jean-Riad Kechaou se servait du journal qu'il réalisait depuis dix ans avec ses élèves pour parler laïcité. L'une d'entre elles venait d'écrire un article dans le numéro spécial consacré aux attentats de « Charlie Hebdo ». Elle expliquait que selon le Coran l'acte des terroristes était contre la religion, « ce n'est pas une attitude de musulman. Le prophète avec tout ce qu'on lui a fait, c'était pire que des dessins, il ne s'est jamais vengé », expliquait-elle aux journalistes. Pour le professeur, l'incompréhension ne datait pas d'hier et il avait vu, en quelques années, monter la colère de certains élèves musulmans, il l'expliquait ainsi : « ce sont des élèves qui ont grandi en ressentant une certaine attaque de leur religion, en pensant que la laïcité, c'était une sorte de remise en cause de leur religion. Avec ces affaires sur le voile, sur la viande halal, sur les prières, sur le fait que leurs mamans ne pouvaient pas faire les sorties scolaires avec eux quand ils étaient à l'école primaire. Ça a beaucoup joué », analysait-il alors.

Une école dépassée ?

Dans la salle d'à côté, Olivier Gomez avait organisé des débats avec ses élèves, mais se montrait pessimiste. Ce qui l'inquiétait, c'était l'impuissance de l'école face aux plus radicaux. Selon lui une heure d'éducation civique, ou une heure d'éducation aux faits religieux, telles que dispensées en sixième et cinquième, ne suffiraient pas. « Ce n'est pas les quelques débats que l'on peut avoir avec les élèves qui vont avoir un impact définitif, qui vont complètement changer les choses », déplorait-il, avant d'ajouter que les collégiens confrontés, « à une multitude de discours, de sources d'informations multiples », n'avaient pas toujours la réflexion et le socle de connaissances nécessaires pour pouvoir « entièrement tirer parti » de ce qui c'était passé. La journaliste précisait pour conclure que ce professeur insistait sur l'importance de l'apprentissage du français, car dans sa classe, 10 élèves sur 25 ne possédaient pas le vocabulaire minimum nécessaire à la compréhension de notions complexes comme « République » et « laïcité ».

Retrouvez sur Lumni enseignement, trois éclairages sur la question de la laïcité en classe : Comprendre et enseigner la laïcité, La laïcité en France et Parler de la liberté d'expression en classe.

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