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Entre 1984 et 1988, la "guerre des pétroliers" dans le golfe persique

Entre 1984 et 1988, la "guerre des pétroliers" dans le golfe persique

La tension monte encore d'un cran entre l’Iran et les Etats-Unis. Après les attaques de deux pétroliers le 13 juin, un drone américain a été abattu jeudi 20 juin par l'Iran. La crise actuelle, bien que limitée pour le moment, n’est pas sans rappeler la « crise des pétroliers », survenue dans les années 1980...


Par la rédaction de l'INA - Publié le 17.06.2019 - Mis à jour le 05.06.2020
Pétroliers Iran-Irak - 1984 - 02:36 - vidéo
 
La tension monte encore d'un cran entre l’Iran et les Etats-Unis. Après les attaques de deux pétroliers le 13 juin, un drone américain a été abattu jeudi 20 juin par l'Iran. La crise actuelle, bien que limitée pour le moment, n'est pas sans rappeler la « crise des pétroliers », dans le contexte de la guerre irako-iranienne des années 1980.

Dans cette zone maritime, qui voit passer 30% du trafic mondial de pétrole, les tankers sont une cible de choix des puissances régionales à chaque tension géopolitique.

Entre 1984 et 1988, des dizaines de pétroliers ont été détruits par les forces iraniennes et irakiennes, entraînant l’intervention des flottes occidentales, et notamment française, pour sécuriser le commerce international du pétrole.

Le contexte de la guerre entre l'Iran et l'Irak (1980-1988)

La « guerre des tankers » est à resituer dans le contexte de la guerre qui oppose l’Irak à l’Iran entre 1980 et 1988. En 1979, l’Iran connaît un radical changement de régime avec la révolution islamique. L'ancienne Perse est mise au ban des nations occidentales, ce qui renforce un peu plus son isolement du reste du monde musulman. L'Iran est en effet de religion chiite, tandis que ses voisins arabes sont majoritairement sunnites. L’enjeu est, comme c'est encore le cas aujourd’hui, le leadership sur le Moyen Orient.

La révolution islamique en Iran, en renversant le système autoritaire et conservateur du Chah, agit comme un repoussoir sur les autres pays de la région, qui voient dans l'Iran islamique une nouvelle force capable de mobiliser les minorités chiites de leur pays, menaçant ainsi leur pouvoir. Avec la crise des otages de l’ambassade américaine de Téhéran, entre 1979 et 1981, l’Iran devient du jour au lendemain le pire ennemi des Etats-Unis. 

Face à un pays qui apparaît si fragilisé sur la scène intérieure et internationale, Saddam Hussein, le dirigeant autoritaire de l'Irak, pense en 1980 que le moment est opportun d’attaquer son voisin iranien.

Mais passée la surprise de l’attaque irakienne, l’Iran se ressaisit et contre-attaque. La guerre s’enlise.

En 1984, les débuts de « la guerre des tankers »

A partir de 1984, l’Irak commence à attaquer à l’aide de sa puissante aviation (en grande partie composée d’avions français et soviétiques) les pétroliers iraniens. Le but, en plus d’affaiblir les ressources financières de son ennemi, est de provoquer une réaction iranienne : la fermeture du détroit d’Ormuz, qui susciterait alors en cascade la réaction courroucée de la communauté internationale, et constituerait un casus belli pour les Etats-Unis. Par ces attaques, l'Irak tente clairement de faire intervenir les Etats-Unis contre l'Iran. 

Pendant les premiers mois de 1984, l’Irak mène alors de nombreuses attaques sur le terminal pétrolier iranien de l’île de Kharg, la plaque tournante de l'économie iranienne du pétrole.

L'Irak entraîne l'Iran dans la déstabilisation du golfe persique

Le 16 mai 1984, le journaliste Noël Mamère annonce une « radicalisation de la guerre du Golfe », avec la première attaque menée par l’Iran contre des pétroliers arabes, en représailles des attaques subies. « L’Iran, menacé d’asphyxie, riposte aujourd’hui en attaquant les navires koweïtiens ou saoudiens dans le golfe persique, car le Koweït et l’Arabie Saoudite sont les alliés de l’Irak dans cette guerre. Un pétrolier saoudien a même été attaqué dans les eaux territoriales saoudiennes ».

A l’été 1984, la guerre entre Irak et Iran se concentre encore un peu plus sur cette « bataille des tankers », qui délaisse les champs de bataille de la terre ferme. Un reportage du 11 août revient sur les dernières attaques aériennes de l'Irak, dont « l'efficacité a été contestée par l'Iran, mais [...] qui confirment que le principal objectif de l'Irak est bien un objectif économique : imposer un blocus naval qui prive le régime de l'Ayatollah Khomeyni des dollars du pétrole ».

L'Iran n'est pas tombée dans le piège tendu par l'Irak : le détroit d'Ormuz n'est pas fermé, et le trafic international de pétrole peut se poursuivre pendant la guerre, au prix cependant de nombreuses destructions de pétroliers. 

L'USS Stark, victime collatérale américaine du conflit

Le 17 mai 1987, deux missiles Exocet tirés par un chasseur irakien atteignent la frégate américaine USS Stark. L'Irak plaide l'erreur. Les Etats-Unis, qui déplorent la mort de 37 de leurs marins, ne réagissent pas contre l'Irak, mais comprennent encore un peu plus à quel point le golfe persique est devenu périlleux.

Dans les mois qui suivent, les tensions entre marine américaine et l'Iran s'intensifient. L'US Navy détruit en septembre 1987 l'Iran Ajr, pris en flagrant délit de pose de mines sur la route commerciale des pétroliers. 

Pour sécuriser la route commerciale du pétrole, les flottes occidentales interviennent

C'est justement cette politique de minage du golfe persique par l'Iran qui justifie une présence accrue des flottes occidentales à partir de 1987 pour garantir la liberté de navigation.

Crédits AFP PHOTO NORBERT SCHILLER. Le pétrolier Norman Atlantic, battant pavillon Singapourien, est touché le 6 décembre 1987 par une attaque des forces navales iraniennes dans les eaux territoriales omanaises.

C'est le cas de la France, qui dépêche dans la zone le groupe aéronaval constitué autour du porte avions Clemenceau. Le 30 juillet 1987, la flotte quitte Toulon, quelques jours après que la France a rompu officiellement ses relations diplomatiques avec l'Iran. Le Président Mitterrand prévient que « toute agression contre un bâtiment français serait évidemment suivie d’une riposte légitime ».

Les navires de guerre français protègent ainsi sur zone les pétroliers battant pavillon tricolore, permettant de sécuriser l'approvisionnement du pays en pétrole. Selon Cols Bleus, un magazine de la marine nationale, l'opération Prométhée (1987-1988) est la « plus forte concentration de forces navales réunies par la France depuis l’affaire de Suez en 1956 ».

Le 23 décembre 1987, le Président Mitterrand répond aux questions des journalistes Elie Vannier et Paul Amar à bord du porte-avions Clemenceau. S'il estime « la mission non encore achevée », le Président se félicite néanmoins du succès de cette dernière : « La mission de notre flotte et de l'ensemble de nos équipages par rapport à notre pays, et à nos intérêts, a été remplie correctement, dans des conditions souvent difficiles, mais suffisamment pour que l'on puisse estimer que la mission est bien remplie ». 

Les Etats-Unis engagent aussi des moyens conséquents. En avril 1988, lors de l'opération Praying Mantis, l'US Navy combat contre la marine iranienne, avec pour résultat la destruction du tiers des effectifs de cette dernière.

La guerre entre l'Iran et l'Irak prend fin en août 1988. Il n'y a ni vainqueur, ni vaincu. Mais en huit ans de combats, le bilan est extrêmement lourd. C'est même l'un des plus sévères de l'histoire militaire du XXe siècle. Selon les Clés du Moyen Orient, le bilan avoisinerait les 800 000 morts. 

Cyrille Beyer


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