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Des chercheurs alertaient déjà sur la fragilité des écosystèmes en 1975

Des chercheurs alertaient déjà sur la fragilité des écosystèmes en 1975

L'édition 2022 de la Journée mondiale de l'environnement insiste comme chaque année sur l'importance de la préservation des écosystèmes. La vie sur Terre ne serait pas possible sans eux. S'ils sont aujourd'hui fortement menacés, dès les années 70, des scientifiques alertaient sur leur rôle, leur fragilité et l'impact de leur destruction sur la survie de l'humanité.

 

Par Florence Dartois - Publié le 04.06.2021 - Mis à jour le 03.06.2022
 

La notion d'écosystème est ancienne et nous avons cherché dans nos archives les premières références la concernant. Les émissions télévisées grand public commencent à traiter de ce sujet au milieu des années 70. Ce sont souvent des scientifiques qui l'abordent. Le 6 août 1975, le magazine « Pourquoi pas » s'interrogeait sur l'avenir de la vie sur terre. Un sujet bien sérieux et peu estival. Pourtant, plusieurs sommités de l'époque avaient accepté de se pencher sur la question. En premier lieu, Joël de Rosnay, alors directeur du développement à l'Institut Pasteur et titulaire d'un doctorat ès sciences passé dans les domaines de la chimie organique et prébiotique. Dans le document en tête d'article, il donne la définition de l'écosystème, qu'on appelait aussi « écosphère ».

Un « organisme » vivant

Le chercheur précise d’emblée qu’un l’écosystème englobe l'ensemble « du milieu de la vie », et des interactions entre « les êtres vivants et leur milieu », elles-mêmes étudiées par l’écologie. Joël de Rosnay envisage l'écosystème de manière innovante puisqu’il la qualifie de « sorte d'organisme vivant qui maintient un équilibre constant ». Il le compare à notre propre organisme, qui régule les différents taux à l'intérieur de notre corps, « eh bien l'écosystème maintient également des niveaux de cette sorte » (la quantité de gaz carbonique, la proportion d'oxygène dans l'atmosphère, la composition des océans…).

Cette vision très originale d'un écosystème envisagé comme un organisme vivant - certains évoquant la notion de "Gaïa" - est capital car elle implique que cet « organisme vivant » peut lui aussi tomber malade et générer des déséquilibres. En l'occurrence, des désordres dangereux pour l'équilibre général de la planète.

Les chercheurs interrogés ce jour-là dans l'émission estivale en ont déjà conscience et vont tenter d'alerter l'opinion publique sur la mise en place urgente de la sauvegarde des écosystèmes. C'est ce que tente de faire avec beaucoup de pédagogie le biologiste Jean-Marie Pelt, directeur de l'Institut européen d'écologie de Metz dans l’archive ci-dessous. Lui est beaucoup plus pessimiste que son collègue, il déclare d'emblée que malheureusement, « le propre de l'homme c'est d'utiliser la nature à son profit », jusqu’à l’annihiler.

Préserver l'équilibre

Le biologiste alerte en particulier sur les dangers de la monoculture qui pourrait déséquilibrer définitivement les écosystèmes. Il précise le danger d’effondrement que fait courir cette pratique restrictive, une maladie pouvant faire disparaître la plante ou l'essence cultivée : « On verra alors une catastrophe très rapide », appelant à « ne pas mettre ses œufs dans le même panier ».

Jean-Marie Pelt insiste aussi dans cet exposé sur l’importance de chaque être dans le bon fonctionnement de l’ordre naturel, insistant sur le fait que « chaque plante, chaque animal, même le plus insignifiant joue un rôle », prenant l’exemple du ver de terre. Il appelle surtout à bannir la notion de « nuisible » qui lui parait dépassée : « c'est en appauvrissant ou en simplifiant un système que parfois on prend des risques qu'on ne calcule pas très bien ». Sa conclusion est simple : l’intervention des hommes sur l'écosystème ne peut être effectuée qu’avec « beaucoup de prudence, de délicatesse, et même de tendresse ».

« Si nous ne changeons pas, nous irons à la pire des catastrophes »

Ce constat fait, les scientifiques vont ensuite quitter leur blouse de chercheurs pour enfiler leur veste de lanceurs d'alerte face à la menace d'une surexploitation des ressources de la planète qui pourrait déséquilibrer l'écosystème global. Joël de Rosnay va même aller plus loin dans son analyse en comparant l'humanité à une sorte de « gigantesque cancer social ». Il exprime son inquiétude et insiste sur la responsabilité de chacun et du scientifique en particulier, avertissant : « on a entre nos mains une nouvelle bombe biologique. »

Ci-dessous, très pessimiste, Jean-Marie Pelt, ajoutera : « j'ai la conviction que nous allons vers un siècle de crises », mais conclura l'émission par un message d'espoir : «nous allons être obligés de changer parce que si nous ne changeons pas, nous irons à la pire des catastrophes. Et le changement c'est aller au-delà de ses territoires. C'est abandonner l'amour de ses traditions (…) en créant la tradition de l'amour ».

Ce message des années 1970 revêt un caractère particulièrement prophétique et résonne fortement en ces temps de pénuries multiples et d'appauvrissement des ressources. La Journée mondiale de l'environnement 2022 vise à ouvrir des pistes pour accélérer la restauration des écosystèmes dont la destruction s'est accélérée depuis cette émission enregistrée il y a plus de 50 ans.

ll n'est plus seulement question de préservation des écosystèmes, comme à l'époque de ces propos, mais bien d'une réparation désormais nécessaire et vitale pour la survie de l'humanité. Elle peut prendre de nombreuses formes : planter des arbres, verdir les villes, réaménager les jardins, changer les régimes alimentaires ou assainir les fleuves et les côtes.

Pour aller plus loin :

La conclusion de l'émission "Pourquoi pas" les scientifiques répondent, par les invités. (Extrait long, 6 août 1975)

D'autres éminences grises des années 70 ont exprimé leur inquiétude sur le devenir de notre écosystème.

20h00 : Claude Levi-Strauss exprime son pessimisme concernant l'avenir de la planète. "Le pessimisme offre à l'optimisme sa meilleure chance". (37 mai 1973)

Les dossiers de l'écran : Edgar Morin sur les écosystèmes dans le processus de sélection. Le sociologue explique qu'aujourd'hui, l'influence des écosystèmes est à mettre en 1er plan par rapport à la sélection naturelle de la théorie de Darwin. (2 août 1977)

Les dossiers de l'écran : André Langanay sur le contrôle de l'évolution de l'espèce. L'influence des activités humaines qui perturbent le monde vivant et la possibilité d'un contrôle de cette évolution pour protéger l'espèce. (2 août 1977)

Récré A2 : les écosystèmes en animation par Jean Saintout. Le fonctionnement d'un écosystème. (21 mars 1979)

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