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Denis Lavant dans la peau de Richard III, en 1994

Denis Lavant dans la peau de Richard III, en 1994

Le comédien, né le 17 juin 1961, s'est passionné pour le théâtre dès son plus jeune âge et a joué à de multiples reprises les plus grandes pièces de Shakespeare. En 1994, il incarnait avec passion un Richard III, aussi sombre que fascinant.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 16.06.2021 - Mis à jour le 16.06.2021
 

Denis Lavant a commencé à prendre des cours de cirque avant de se lancer dans le théâtre. Il passera par la Rue blanche avant d'être admis au Conservatoire de Paris, où il ne restera pas. Sa carrière au cinéma explose au début des années 90 lorsque le cinéaste Léos Carax lui confie le rôle masculin emblématique d'Alex dans "Boy Meets Girl", puis dans "Mauvais Sang" ou "Les amants du pont neuf" aux côtés de Juliette Binoche. Mais le cœur de l'artiste reste lié au théâtre et notamment au dramaturge anglais Shakespeare, qu'il joue dès ses débuts sur les planches.

En 1994, il était d'ailleurs à l'affiche de la pièce "La vie criminelle de Richard III" de Gabor Rassov d'après Shakespeare, jouée au théâtre de la piscine de Chatenay-Malabry, dans laquelle il jouait le rôle-titre. L'archive que nous vous proposons est un court extrait de cette œuvre, interprétée dans l'émission de Michel Field, "Le cercle de minuit", le 14 mars 1994. Après son interprétation toute en intensité, Denis Lavant et Pierre Pradinas, acteur et metteur en scène de la pièce, évoquent leur travail commun sur ce projet original : la réadaptation complète d'une œuvre classique, en l'occurrence ici, une réécriture totale orchestrée par Gabor Rassov.

"C'est un personnage qu'on construit en menant sa vie de comédien"

Pierre Pradinas explique que cette réinterprétation a permis de mettre en lumière des aspects "dépréciés", en résonance avec notre époque, pour la rendre très contemporaine. Il y voit une volonté "de donner à voir une véritable aventure, comme un thriller, avec une portée du mythe aujourd'hui".

Sous les traits de Richard III, Denis Lavant évoque ensuite son personnage librement inspiré de la trame Shakespearienne. Un personnage mythique auquel il pensait depuis très longtemps et qu'il fallait approcher avec une certaine maturité : "C'est un personnage qu'on construit en menant sa vie de comédien, en abordant d'autres rôles avant." Un personnage complexe aussi, "il est sans arrêt en train de s'adapter aux situations, il est sans arrêt en état de jeu, dans un but précis, pour avoir du pouvoir, mais il est en représentation. Il est obligé de jouer, de se métamorphoser, de cacher ses sentiments…"

Richard III "un homme en marche... qui veut aller plus loin"

Que cache ce personnage ? Pierre Pradinas voit en lui une sorte de métaphore de l'homme de pouvoir, du politique un "tyran qui séduit, il trompe… il évolue petit à petit d'une façon très populaire… c'est intéressant de savoir qu'il est promu et choisi par ses contemporains, élu si on peut dire…". Mais pour le comédien, aussi incandescent que son personnage, c'est avant tout "un homme en quête, en marche. C'est un homme qui a un but et qui ensuite veut aller plus loin". Et il n'hésitera pas à passer au-dessus des lois, de la morale pour parvenir à ses fins. "Il va plus loin que ses contemporains qui ne sont pas meilleurs que lui", précise-t-il comme pour l'excuser de ces manigances. Richard III représente à ses yeux un "fou absolu, très fin et très intelligent... un personnage sans repos qui va vers un but" : faire "exploser le monde".

Lorsque Michel Field lui demande si on est obligé d'aimer un personnage qu'on incarne, la réponse de Denis Lavant fuse, sans réserve : "Oui, on est obligé de l'aimer mais il faut être clairvoyant dessus… un personnage, ce n'est pas ce qui m'intéresse. C'est de montrer la richesse d'un personnage, ses contradictions. D'aller au plus près d'une humanité. Que des gens qui ne sont pas ce personnage puissent reconnaître des choses à eux dans ce personnage."

La discussion entre les trois hommes s'achève sur la notion de famille théâtrale, de fidélité artistique et du risque de tourner en rond. Un danger que réfute l'acteur : "on arrive à construire ensemble, alors autant aller plus loin ensemble… cette complicité n'empêche pas l'ouverture." et que Pradinas balaye d'une phrase : "On se rencontre à nouveau à chaque spectacle… qui nous conduit à chaque fois à une nouvelle expérience".

Denis Lavant continue d’œuvrer sur grand écran et sur les planches, mais le théâtre reste et restera, après le cirque peut-être, son art de prédilection. Dans une interview accordée aux "Masterclasses" d'Arnaud Laporte et diffusée le 1er mai 2020, sur France Culture, le comédien décrivait avec poésie et avec son éternelle passion, sa relation fusionnelle aux planches, ce miroir grossissant de l'humanité : "Le théâtre est un exercice qui n’a pas son pareil, un acte archaïque, un phénomène humain de l’ordre de la cérémonie magique, une assemblée de gens qui accepte de croire qu’un groupe d’artisans sont les personnages d’une histoire fictive. Ils acceptent cette illusion, d’être à distance et en même temps partie prenante de ce qui est en train de se raconter".

Florence Dartois

Pour aller plus loin : 

Actualités régionales d'Ile-de-France : Portrait de Denis Lavant. Portrait du jeune comédien de 25 ans qui jouait au théâtre de la Bastille "La mouette" de Tchekhov. Sur les bords de la Seine, il évoque sa personnalité, son physique et son métier de comédien au théâtre et au cinéma. (9 décembre 1986)


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