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2007, Valéry Giscard d'Estaing évoque la transparence en politique

2007, Valéry Giscard d'Estaing évoque la transparence en politique

Comment choisir un bon président de la République ? Dans cette interview, Valéry Giscard d'Estaing prodigue ses conseils aux Français afin de ne pas se tromper : éthique, intégrité, désintéressement, tels seraient les ingrédients du cocktail idéal. 


Par la rédaction de l'INA - Publié le 16.09.2020 - Mis à jour le 16.09.2020
 

Le 2 avril 2007, sur le plateau de Complément d'enquête, Benoît Duquesne interviewe Valéry Giscard d'Estaing, à l'occasion de la sortie du troisième tome de ses mémoires intitulé Le pouvoir et la vie. L'occasion pour l'ancien président de la République française de prodiguer des conseils aux Français afin de les aider à bien choisir leur futur chef d'Etat : l'éthique, l'intégrité, le désintéressement étant les valeurs essentielles selon lui. Ils évoquent également la transparence et ses limites, dans un pays très égalitaire.

"Le critère n'est pas le niveau de ressources ou de revenus..." 

"Je crois que c'est fondamental. Le mot éthique. L'éthique, ce sont les règles qu'on s'impose à soi-même. Il y a les règles qui sont imposées par les lois, par la Constitution, etc. Mais l'éthique, c'est une règle qu'on s'impose à soi-même. Qu'est-ce qu'on doit être ? On doit être désintéressé, à mon avis. On doit respecter la dignité de la fonction des intéressés […] c'est essentiellement l'intérêt financier. Si on est là c'est qu'on a eu une ambition […] C'est le désintéressement financier. Et là-dessus, les Français, peut-être, n'ont pas une notion très exacte. Ils se préoccupent de la fortune ou la richesse. Ce n'est pas le sujet".

"C'est ce que devrait être la déclaration de patrimoine des candidats. On a envie de savoir ce qu'ils ont", précise le journaliste.

"Oui, mais ce n'est pas le problème. Parce que vous avez eu des hommes très riches qui ont été très bons présidents. Le cas le plus célèbre, c'est le président Kennedy, qui était très populaire aux Etats-Unis et qui était un homme extrêmement riche. Ce n'est pas un obstacle. Non, la question, c'est de savoir qu'est-ce qui vous motive ? Est-ce qu'il y a une recherche d'argent ? Est-ce qu'on est désintéressé ou non? Est-ce qu'on est honnête? Le président, on peut le vérifier, on le sait un peu en connaissant la vie des gens, la façon de faire. Le critère n'est pas le niveau de ressources ou de revenus parce que cela dépend de la carrière qu'on a eue avant. Il y a des gens qui ont été dans la vie privée, hauts fonctionnaires, parlementaires, agriculteurs ou ouvriers. Non, c'est de savoir si on est intègre. Si on n'a jamais accepté de sortir des règles, et en particulier, d'accepter de l'argent ou des ressources, et deuxièmement, si on est désintéressé. Si ce qu'on fait n'a pas pour objet d'obtenir des avantages. Ça se sent très bien. D'ailleurs, en France, cela a été presque toujours le cas. Si vous prenez les anciens présidents de la République, à part un qui a eu quelques problèmes, ils ont toujours été intègres. Le général de Gaulle était tout à fait intègre, le président Pompidou aussi. Non, ça faisait partie de notre culture politique".

"Il faut être totalement transparent".

"Mais jusqu'où? Jusqu'où peut aller cette transparence? Ce regard que peut accepter et le candidat et le président, une fois élu, de l'opinion sur son patrimoine, son train de vie etc. Est-ce qu'il n'y a pas quelquefois un risque d'inquisition trop fort? On voit en Norvège que cela va très loin. Ce qu'on veut savoir des gens et des serviteurs de l'Etat", lui demande le journaliste

"Non, je crois qu'il faut être totalement transparent. Je ne crois pas que ça ait des inconvénients. On montre tout sauf, je dirais, la vie privée et la vie personnelle, la famille, les enfants. Faut voir. Je crois que si le candidat président est un homme jeune, il a une famille, il a des enfants jeunes et ainsi de suite. Il ne faut pas qu'il y ait une espèce de l'éclairage permanent. Il faut qu'il y ait quand même un noyau de vie privée. Mais le patrimoine, bon, il est totalement transparent".

"Il ne faut pas exciter la jalousie"

Benoît Duquesne précise sa question, "On voyait quand même que le patrimoine des candidats. Il n'est pas public, même s'ils communiquent beaucoup aujourd'hui, il n'est pas obligatoirement public. Est-ce qu'il devrait l'être ? Est-ce qu'il faut que ces choses-là soient encore plus  publiques qu'elles ne le sont déjà ?

"Attention, il ne faut pas non plus exciter la jalousie, plaisante l'ancien président avant de poursuivre, la France est un pays très égalitaire, comme vous le savez, très égalitaire. Le plus égalitaire du monde, d'Europe. Beaucoup plus que les Allemands, beaucoup plus que les Anglais, beaucoup plus que les Espagnols. Alors, il ne faut pas exciter la jalousie. Ce n'est pas ça, c'est la vérification du désintéressement. En fait, de la non recherche de l'argent, c'est ça le point. C'est cette vérification. Donc, notre système est assez juste. Mais il faudrait que les déclarations soient exactes. Par exemple, nous avons un impôt sur la fortune, un impôt de solidarité, moi je fais une déclaration tous les ans, bien entendu.  […] Là, on a une série qui permet de savoir comment les choses ont évolué. Et puis, il y a ces documents qui sont déposés aux commissions. Je crois que notre système est sérieux et qu'il n'y a pas lieu de le modifier.

"Ceux qui vous attaquent ne sont pas scrupuleux"

Le journaliste insiste sur ce point, rappelant à Valéry Giscard d'Estaing les déboires qu'il connut lui-même lors de son mandat, "à votre avis suffisant ? Même si on voit aussi que dans l'exercice du pouvoir, vous en savez quelque chose, avec cette histoire de diamants [de Bokassa] qui vous a poursuivi en avant… L'ancien président éclate de rire à cette évocation et réplique "ça n'aurait pas changé mon patrimoine…", Duquesne poursuit, "mais dans l'exercice du pouvoir, on voit les Français et la presse aussi, effectivement, sont très à l’affût de tous les dérapages accablants".

Valéry Giscard d'Estaing temporise ces propos, "il y a également les inventions, les insinuations, etc. Il ne faut pas croire qu'il y a des gens soupçonnés et puis que tous les autres sont scrupuleux. Ceux qui vous attaquent ne sont pas scrupuleux. Ils inventent des histoires, vous savez. Vous avez eu quand même dans l'histoire de France, l'histoire mondiale, beaucoup d'histoires de scandales qui ont été malheureusement fabriquées au détriment des hommes ou des femmes publics. Donc, il faut avoir des règles. C'est pour cela que je dis que l'éthique personnelle qui se voit et la télévision pour ça est utile, parce que la télévision quand vous êtes devant un écran, elle vous révèle. Ils voient les les yeux. Il y a une très jolie phrase d'ailleurs sur les yeux. L'écrivain russe Boulgakov, qui dit "mais quand tout à coup on croise votre regard, on voit ce que vous avez dans l'esprit", donc la télévision de ce point de vue, à mon avis, à introduit un élément de jugement sur le caractère, sur la personne et même sur l'éthique.

Le journaliste abonde dans ce sens, "c'est aussi à ça que servent ces fameuses campagnes électorales qui durent et pendant lesquelles les Français regardent ceux qui postulent au poste suprême".


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