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«J'ai trouvé ça insupportable» : Francis Cabrel raconte l'origine de sa chanson «La Corrida»

«J'ai trouvé ça insupportable» : Francis Cabrel raconte l'origine de sa chanson «La Corrida»

Le 16 novembre, les députés ont examiné en commission la proposition de loi portée par Aymeric Caron d'interdire la corrida qui a été légalisée en 1951. La chanson de Francis Cabrel «La Corrida» traite de ce sujet. Dans ce titre de 1994, le chanteur se glisse dans la peau d'un taureau mis à mort dans l'arène. Un titre fort dont l'artiste acceptait d'évoquer la genèse dans cette interview rare.

 

Par Florence Dartois - Publié le 11.05.2020 - Mis à jour le 16.11.2022
 

L'ACTU.

Les députés se sont prononcés mercredi 16 novembre en commission contre l'interdiction de la corrida, rejetant une première fois la proposition de loi controversée du LFI Aymeric Caron. Le gouvernement avait annoncé sa volonté de s'opposer au texte et a nommé la secrétaire d’État à la Ruralité, Dominique Faure pour porter sa voix lors de la session du 24 novembre. Avec cette proposition de loi, le député LFI souhaite supprimer l'exception accordée à la tauromachie concernant l’interdiction de tout « sévice grave » ou « acte de cruauté » sur un animal inscrit dans le Code pénal. Le 2 juillet 1850, le député Jacques Delmas de Gramont faisait voter à l’Assemblée nationale législative, une loi punissant d’une amende, ainsi que d’une peine de un à cinq jours de prison, « les personnes ayant fait subir publiquement des mauvais traitements aux animaux domestiques ». Elle fut complétée par la loi n° 51-461 du 24 avril 1951 qui autorisait la corrida dans les régions où « une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ». Depuis, partisans et opposants ne cessent de se confronter, les uns évoquant la tradition, les autres la barbarie. Peu d'artistes se sont exprimés sur la cruauté de ces mises à morts du taureau. L'un d'eux l'a fait à travers une chanson, se plaçant du point de vue de l'animal mis à mort. Ce chanteur, c'est Francis Cabrel. L'archive en tête d'article revient sur la genèse de l'écriture de son texte.

L'ARCHIVE.

Le 22 juin 2000, dans l'émission « C'est au programme », Frédéric Zeitoun présentait l'interview qu'il venait de réaliser en compagnie d'un artiste plutôt discret, Francis Cabrel. Le journaliste avait profité de son passage aux Internationaux de tennis de Roland Garros pour lui demander de raconter l'origine de l'un de ses plus gros succès, La Corrida, incluse dans l'album Samedi soir sur la Terre, sorti en 1994. Un plaidoyer anti-corrida composé en 1993.

« La Corrida, c'est venu parce que j'aime beaucoup l'Espagne. Je suis allé en voir en visitant le pays. Je suis tombé sur des corridas qui s'appellent novilladas, c'est-à-dire des corridas qui sont un peu pour toreros débutants, mais ce sont quand même des carnages épouvantables… selon moi. Et après, pour en avoir le cœur net, je suis revenu à Bayonne en 1993, et là, j'ai eu vraiment le cœur soulevé, j'ai trouvé ça insupportable », confessait l'artiste à son interlocuteur.

Francis Cabrel décrivait ensuite comment le processus de composition s'était déroulé : « C'est parti de la phrase, "ce soir la femme du torero dormira sur ses deux oreilles". C'est une espèce de jeu de mots un peu équivoque. En fait, j'ai tout construit là-dessus. En rentrant, j'étais dans une voiture, j'avais le dictaphone au fond du coffre. Revivant l'instant, il décrivait la scène : « je me suis arrêté avec le thème "ta tala tala tala" et puis, quelques phrases. Donc il fallait tout de suite capturer tout ça ! », ajoutait-il.

« Je n'écris pas des chansons pour que les gens pleurent, non plus ! »

La puissance émotionnelle de sa chanson, le compositeur racontait en avoir pris seulement conscience lors de l'enregistrement du titre au studio Polydor de Toulouse : La première fois qu'on l'a tourné à Toulouse, dans le studio, quand on est revenu dans la pièce, parmi les techniciens, il y en avait quelques-uns qui étaient touchés. Déjà, c'est émouvant de voir quelqu'un pleurer, mais quand c'est des garçons ou des hommes… C'est encore plus impressionnant ! » Il ajoutait encore ému : « bon et puis moi, je n'écris pas des chansons pour que les gens pleurent non plus ! J'essaye d'émouvoir, mais de là à aller jusqu'aux larmes… »

Une partie de la chanson est en espagnol, pour chanter ces passages, il avait fait appel au chanteur du groupe célèbre des Gipsy Kings. « Et alors, on a tout de suite pensé au chanteur des Gipsy Kings que j'adore et qui a une voix. Pour moi, c'est comme Joe Cocker ou Ray Charles, c'est la voix du flamenco la plus éraillée, et Dieu sait si le flamenco a des voix puissantes et cassées, mais celle de Nicolas Reyes est quand même vraiment exceptionnelle ! »

Pour terminer l'entretien, le journaliste l'interrogeait sur sa sincérité apparente. Réalité ou posture ? Selon lui on ne pouvait réussir et durer dans ce métier qu'à travers la sincérité, il concluait : « Moi, ma théorie, c'est que tous les gens qui ont réussi dans ce métier sont des gens qui sont restés vrais... S'il faut devenir quelqu'un d'autre en public, c'est jouable, bien-sûr, mais c'est quand même un peu compliqué. Donc, le public n'étant pas dupe, ceux qui restent, ce sont des gens sincères. Pour moi, oui. »

Pour aller plus loin

Découvrez cette version audio de la chanson, enregistrée et diffusée le 2 novembre 2000, l'émission « Pollen » sur France Inter, au Festival « Les Nuits de Champagne 2000 ».

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