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2 février 1981, la loi "Sécurité et liberté" est promulguée

2 février 1981, la loi "Sécurité et liberté" est promulguée

2 février 1981, après neuf mois de débats houleux, la loi est promulguée. Un texte jugé à l'époque liberticide par la magistrature et l'opposition. Retour sur l'adoption de ce texte de loi controversé.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 01.02.2021 - Mis à jour le 01.02.2021
Alain Peyrefitte : sécurité des français - 1980 - 01:14 - vidéo
 

Tout commence le 30 avril 1980, lorsque le projet de réforme est validé par le Conseil des ministres. Le jour-même, Alain Peyrefitte, alors ministre de la Justice en charge du projet, présente sa réforme du code pénal aux Français, dans le journal télévisé. Ce projet de loi sur la sécurité et la liberté doit répondre à une double critique souvent faite au système pénal : de ne pas être assez répressif et à l'inverse de ne pas tenir assez compte de la liberté du justiciable. Le ministre précise : "ce texte est un texte de liberté. Il augmente les libertés individuelles, en supprimant les flagrants délits, en faisant en sorte que la détention soit décidée dans tous les cas par le juge, indépendant et souverain. Du siège, qui ne dépend pas du gouvernement (…) flagrant délit, internement psychiatrique, expulsion des étrangers (…) dans tous ces cas, on fera en sorte que seul un juge puisse prendre la décision de priver un citoyen de sa liberté".

"Ce projet est mauvais, ce projet est dangereux"

Mais ce plan présenté comme une avancée par le gouvernement soulève un tollé, en premier lieu au cœur de la magistrature. Juges et avocats y voient, à l'image de Robert Badinter ici, un texte liberticide. Il affirme le 26 avril 1980 dans le 13h00 de TF1 , "ce projet est mauvais, ce projet est dangereux".

 inavideo 

Le lendemain, le 27 avril, magistrats et juristes opposés au projet défilent dans les rues pour défendre l'article 66 de la Constitution qui précise que "l'autorité judiciaire est garante des libertés" et demandent le retrait du projet, tout comme la démission du Garde des sceaux, au cri de : "liberté bafouée", "démission Peyrefitte"… 

Pour les opposants, ce projet de loi vise à étendre les prérogatives de la police en matière de contrôle d’identité et de flagrant délit, ainsi que celles du Parquet, restreignant par la même la liberté d’appréciation du juge (restriction des possibilités de sursis, de peine de substitution et de circonstances atténuantes). Une restriction drastique des droits de la défense selon eux.

Le lendemain de la manifestation, le 28 avril, le Garde des sceaux réapparaît sur le petit écran pour une allocution aux Français dans laquelle il défend sa proposition de loi.

L'opposition entre dans la danse...

L'opposition s'allie aux magistrats. Le 29 mai 1980, dans un meeting, François Mitterrand s'attaque ironiquement aux failles et incohérences de ce projet, faisant beaucoup rire l'auditoire. "La peine double de nuit ! On donne un coup de poing à 19h30 en juin : 10 ans. A 19h30, en janvier : 20 ans…"

La magistrature continuera à dénoncer la précipitation avec laquelle l’Assemblée nationale s'est saisie, par le biais de l’ordre du jour prioritaire, du projet de loi pour l'examiner à partir de juin 1980.

"Ce texte n'aurait pas pu être voté s'il n'y avait pas eu la volonté des Français..."

Après des débats enflammés, la loi est finalement adoptée, le 20 décembre 1980. Alain Peyrefitte revient sur le plateau du 20 heures d'Antenne 2. Il se veut rassurant, notamment sur les contrôles d'identité, désormais légalisés par le texte. "Pour le contrôle d'identité, aucune pièce n'est obligatoire ; ceux qui ont des difficultés à prouver leur identité sont ceux qui veulent la cacher… il faut que la demande soit faite avec courtoisie... il ne faut pas qu'il y ait d'agressivité de part et d'autre".

Il conclut en résumant les points principaux de sa loi. L'essentiel de ce texte c'est : "la certitude de la peine (…) la rapidité de la peine (…) la protection des libertés (…) le statut de la victime (…) Ce texte n'aurait pas pu être voté s'il n'y avait pas eu la volonté des Français de soutenir les députés et les sénateurs", souligne-t-il en fin de déclaration.

Les députés socialistes et communistes ainsi que le groupe socialiste au Sénat, vont saisir le Conseil constitutionnel qui n'annulera finalement que 4 articles sur 100. La loi est donc promulguée le 2 février 1981.

A leur arrivée au pouvoir, en mai 1981, François Mitterrand et Robert Badinter mettront en place une commission : ses conclusions permettront le 3 février 1983 l’abrogation de la majorité des articles de la loi dite "loi sécurité et liberté".

Pour aller plus loin

Débat en direct sur le projet de loi : "Sécurité et liberté" auquel participe Jean Foyer (RPR), Alain Peyrefitte, Henri Colombier (UDF), maître Forni (PS), Mr. Ducolonet (PC). (3 juin 1980) 

Antenne 2 Midi : Résumé du projet de loi qui devait être discuté le lendemain au Parlement, par Claude Sérillon. Loi qui augmente la sévérité des peines. (3 novembre 1980)

20 heures de TF1 : débat au Sénat. Le journaliste Jacques Idier résume le débat qui avait eu lieu au Sénat sur le projet de loi sécurité et liberté. Ses propos sont illustrés par des images de l'hémicycle. (6 novembre 1980)

Antenne 2 dernière édition : la loi sécurité et liberté. Le journaliste Paul Lefèvre explique la loi Sécurité et liberté sera promulguée dans une dizaine de jour. Le ministre de la Justice, Alain Peyrefitte, a expliqué ce délai pour permettre l'information préalable des magistrats chargés d'appliquer le nouveau texte. (22 janvier 1981) 

Normandie actualités : rencontre d'Alain Peyrefitte et des magistrats rouennais. Le ministre a rencontré les magistrats rouennais pour leur préciser certains points de la loi "Sécurité Liberté". (26 mars 1981)

Antenne 2 Le Journal de 20H : Robert Badinter, nouveau ministre de la Justice explique ses choix en matière de réforme de la Justice : désir d'abolir la loi "Sécurité et liberté" et la peine de mort. "Il suffit d'éclairer et de convaincre". (24 juin 1981)

Florence Dartois


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