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1er février 1954 : l'abbé Pierre appelle à l'insurrection de la bonté

1er février 1954 : l'abbé Pierre appelle à l'insurrection de la bonté

Il y a 70 ans, la France grelotait, les «sans logis» vivaient dans des bidons-villes aux portes de Paris et leurs enfants mouraient de froid. Un religieux, l'abbé Pierre, touché par la misère, va lancer un appel sur les ondes de la radio pour demander de l'aide.

Par Florence Dartois - Publié le 29.01.2021 - Mis à jour le 26.01.2024
Il y a 50 ans : l'appel de l'Abbé Pierre - 2004 - 02:41 - vidéo
 

Il fait -15°c, la Marne près de Paris est gelée. Les archives d'époque montrent l'ampleur du drame social qui se joue cette année-là. Des hommes dorment sur les bouches de métro pour se réchauffer, un nouveau-né meurt de froid dans un bidonville de Neuilly-Plaisance. Une sexagénaire, expulsée de son appartement, décède d'hypothermie sur le trottoir parisien. L'abbé Pierre, Henri Grouès de son vrai nom, est révolté par ce spectacle. Il s'affaire à construire un camp provisoire, La Pomponnette où pourront se réfugier les «sans logis» comme il les appelle. Excédé par l'absence de compassion, ce 1er février 1954, sur les ondes de Radio Luxembourg, il lance son célèbre appel aux dons. «Mes amis, au secours», supplie-t-il.

La croisade des sans-logis
1954 - 00:46 - vidéo

Le texte de l'appel :

« Mes amis, au secours. Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée... Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !

Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne Sainte Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre centre fraternel de dépannage, ces simples mots : « TOI QUI SOUFFRES, QUI QUE TU SOIS, ENTRE, DORS, MANGE, REPREND ESPOIR, ICI ON T’AIME. »

La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux «sans abris». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : 5000 couvertures, 300 grandes tentes américaines, 200 poêles catalytiques.

Déposez-les vite à l’hôtel Rochester, 92 rue de la Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris. Merci ! »

L'appel est un succès. Des gens de toutes conditions sociales donnent argent, couvertures et nourriture.

Une nuit avec l'abbé Pierre
1954 - 01:07 - vidéo

Les Actualités Françaises relatent l'action de l'abbé Pierre en 1954.

Les dons vont notamment permettre à l'abbé Pierre d'édifier des cités d'urgence plus dignes présentées ci-dessous.

Exposition cités d'urgence
1954 - 00:27 - vidéo

La réaction politique ne se fait pas attendre. Et le Parlement adopte à l'unanimité un emprunt de dix milliards de francs de crédits pour réaliser au plus vite 12 000 logements à travers toute la France.

Cinquante ans plus tard, en 1994, l'abbé Pierre revenait sur son geste : «J'ai pas pris une demie heure à réfléchir. C'est venu comme cela... Tant qu'il restera une famille logée comme des cochons, le combat devra être le même ! Et on pourrait dire de manière paradoxale : moins il y en a, plus on est coupable... Plus on approche d'un petit monde, plus c'est possible d'en sortir.»

Il regrettait alors que les hommes politiques ne fassent que « ce que veut le plus grand nombre », ne s'occupent pas de cette question, car selon lui, le poids électoral des 9% de pauvres en France n'était pas un chiffre suffisant pour les influences.

Interview de l'abbé Pierre
1994 - 01:28 - vidéo

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