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1998, quand les politiques se pensaient à l'abri des scandales sexuels

1998, quand les politiques se pensaient à l'abri des scandales sexuels

"La vie privée, c'est une affaire personnelle !" En 1998, en pleine "affaire Clinton", les politiques français se sentaient à l'abri de ce type de scandales qui touchaient déjà les USA.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 14.02.2020 - Mis à jour le 14.02.2020
Hommes politiques : vie privée, vie publique - 1998 - 02:29 - vidéo
 

Coup de tonnerre dans les municipales parisiennes après que Benjamin Griveaux ait renoncé à sa candidature, après la diffusion d’une vidéo à caractère sexuel.

Dans une conférence de presse, ce vendredi matin, Benjamin Griveaux a déclaré : "Je ne souhaite pas nous exposer davantage ma famille et moi quand tous les coups sont désormais permis. Cela va trop loin… C'est pourquoi j'ai décidé de retirer ma candidature à l'élection municipale parisienne."

Avec le développement des réseaux sociaux, les responsables politiques sont de plus en plus exposés et voient leur vie privée étalée sur la toile. Un phénomène qui prend de l'ampleur. En 1998, alors que Bill Clinton se trouvait empêtré dans "l'affaire Monica Lewinsky", les députés français observaient cette affaire de moeurs avec curiosité, mais sans aucune crainte. Mieux protégés par le droit, et par la déontologie de la presse, nos dirigeants se sentaient à l’abri de toute fuite concernant leurs histoires d’alcôves. Ce reportage du 28 janvier 1998 du 20h de France 2 nous entraîne à l'Assemblée nationale, où les intéressés s'expriment avec optimisme sur la question de la vie privée.

Le commentaire l'explique : "La classe politique française s'exprime d'une seule voie : la vie privée, c'est une affaire personnelle ! Et le grand déballage de l'affaire Clinton choque, à droite, comme à gauche."

Le premier interrogé est Jack Lang (député PS) : "Chacun, simple citoyen ou président a droit à son jardin secret, à ses relations d'amitiés et pourquoi pas, d'amour. Il insiste de manière appuyée sur cette idée, en marquant bien chaque mot "cela ne regarde PERSONNE D'AUTRE ! Ni les journaux, ni la magistrature, ni aucune autre autorité."

Un peu plus loin, Philippe de Villiers (député Mouvement pour la France) ajoute concernant les Américains : "Personne ne prend le même ascenseur, quand on est le responsable d'une grande entreprise, avec une collaboratrice parce qu'il faut faire très attention. Là-bas, on est immédiatement accusé de harcèlement sexuel. Il poursuit en haussant les yeux : On est dans la folie là !"

Le journaliste ajoute que "personne ne comprend l'ampleur prise par cette affaire aux USA, même quand on défend la cause du féminisme, même quand on se bat depuis toujours contre le harcèlement sexuel".

En effet, au micro, Yvette Roudy (députée PS) s'insurge et emploie des mots forts pour qualifier cette affaire, "C'est un dévoiement de ce fait-là et une utilisation de ce qu'est une conquête des féministes, à des fins politiciennes de déstabilisation. C'est un complot."

Le journaliste souligne qu' "en France le droit est très clair : l'article 9 du code civil établit le respect de la vie privée. L'article 226-1 du code pénal punit sévèrement sa violation [un an d'emprisonnement, 300 000 francs d'amende à l'époque].

Toujours dans les couloirs de l'Assemblée, Patrick Devedjian (député RPR et avocat) revient sur l'historique de cette protection de la vie privée qui remonte à la monarchie : "La France a beaucoup souffert du mélange du public et du privé quand le roi avait des maîtresses et des bâtards qu'il voulait légitimer. Et depuis la Révolution, on a toujours voulu mettre une grande coupure entre l'exercice de la politique et la vie privée."

La suite du reportage présente le point de vue de la presse américaine : "La presse américaine elle, regarde les mœurs françaises avec un œil étonné. L'exemple le plus souvent cité c'est François Mitterrand et sa deuxième famille si longtemps cachée. Pour ces journalistes-là, la vie privée ne doit pas être une barrière." Ce que confirme  Katherine Knorr de l'International Herald Tribune : "Si la presse ne parle pas de ces histoires privées, est-ce que de temps en temps, on n'oublie pas que dans "les histoires privées", il y a parfois des choses qui touchent l'électeur ou le contribuable ?"

A l'époque, en France, en tout cas, la discrétion était de mise, mais l'arrivée des réseaux sociaux a emporté la déontologie du secret de la vie privée prônée par la presse à l'époque.

Florence Dartois


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