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1998, le Marineland d'Antibes déjà critiqué par les défenseurs des dauphins

1998, le Marineland d'Antibes déjà critiqué par les défenseurs des dauphins

L'association de défense des cétacés captifs C'est Assez! vient de porter plainte contre le Marineland d'Antibes pour des faits de maltraitance envers les animaux. En 1998, des associations et des scientifiques mettaient déjà en cause ce parc.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 23.04.2019 - Mis à jour le 24.04.2019
Législation des delphinariums - 1998 - 13:17 - vidéo
 
L'association de défense des cétacés captifs C'est Assez! vient de porter plainte contre le centre aquatique Marineland d'Antibes pour des faits de maltraitance envers les animaux. En 1998, des associations et des scientifiques mettaient déjà en cause l'existence du parc.

Ce reportage de Magali Roubaud diffusé dans l'émission La mer en prison, dans le cadre des Estivales en août 1998, dressait un bilan de la législation des delphinariums à la fin des années 90, une époque où la Grande-Bretagne venait d’interdire la captivité des dauphins. Ce reportage mettait alors en évidence les contestations des parcs d'attractions aquatiques avec l'exemple du Marineland Côte- d'Azur.

L'enquête débute à Saint Jean Cap Ferrat où Jean-Pierre Sidois, président de S.O.S Grand Bleu, milite pour que le public soit mieux informé de la vie des cétacés en captivité : "Il y a une désinformation totale de la vie des dauphins dans ces établissements. Nous voulons que le public, quand il va payer un billet pour ces delphinariums, connaissent la vérité." Le Marineland d'Antibes et le Pacs Astérix sont à l'époque les seuls habilités à présenter des shows en France.

"Ca ne sert à rien de montrer les images parce que la capture n'existe plus."

Du côté du Marineland, le discours est rassurant. Michael Riddell, son directeur, défend totalement son parc. Il décrit ses missions d'éducation du public "transmettre un savoir", de recherche fondamentale ou appliquée et enfin de protection de la nature au large.

Le reportage montre des images méconnues du public, celles de la capture des dauphins sauvages dans des filets. La journaliste explique qu'elles ont été prises en cachette par des associations de défense des animaux américaines. Des images très dures. Au Marineland, Magali Roubaud questionne John Kershaw, le responsable animalier du parc à propos de ces images. Il s'interroge sur la date de ces images et affirme qu'ils ne commandent plus de dauphins "Ça c'est de l'histoire ancienne. Les histoires de captures, ça ne sert à rien de montrer les images parce que la capture n'existe plus." Selon la direction, désormais, les naissances dans le parc permettent "l'autosuffisance" mais la journaliste ajoute que faute d'avoir obtenu le droit de consulter les registres des naissances, cette information est impossible à vérifier.

Le reportage montre ensuite des copies d'un inventaire officiel américain datant de 1993 qui dénombraient la mort de 30 cétacés au Marineland, dont 13 dauphins.

"Un dauphin ne vit pas plus de 7 ans en moyenne en captivité. En liberté, il peut vivre en moyenne jusqu'à 40 ans."

Muriel Teyssier, auteur du livre Des dauphins et des hommes dénonce le taux de mortalité important de cétacés en captivité. "Il y a 40% de gaspillage, entre guillemets, des dauphins qui meurent à la capture. Dans les 24 premiers mois de la captivité, il y a à peu près 30% de dauphins, 50% de tursiops et après, c'est une longue agonie. Un dauphin ne vit pas plus de 7 ans en moyenne en captivité. En liberté, il peut vivre en moyenne jusqu'à 40 ans."

La journaliste donne la position du Marineland qui conteste ces chiffres : "faux ! répond le Marineland Côte d'Azur, ici les dauphins vivent plus âgés qu'en mer car on les soigne et on les nourrit."

"Nous leur apprenons à jouer avec le ballon."

John Kershaw justifie l'utilité du parc par l'importance du rôle éducatif :  "Nous enlevons la pollution, nous enlevons les prédateurs, nous enlevons le stress qui est "qu'est-ce que je vais manger aujourd'hui et d'où vient le prédateur et que fait maman dans le filet ?" Parce qu'aussi, il y a des problèmes de prédation par l'homme. Il y a des filets dérivants. Nous avons ajouté une dimension à leur vie. Car les dauphins, ne craignant plus les prédateurs sous l'eau, peuvent se mettent à la verticale... Ils ne se méfient plus du tout de ce qu'il y a sous l'eau et en plus nous avons ajouté la dimension de l'air. Il sait que les jeux viennent de l'extérieur du bassin. Nous les voyons ici jouer avec les spectateurs. Ils savent qu'ils peuvent jouer. C'est quelque chose d'inimaginable pour un animal en mer... Nous leur apprenons à jouer avec le ballon."

La journaliste l'interroge : "Vous pensez que s'ils n'avaient pas eu ça, il leur aurait manqué quelque-chose ?"

John Kershaw est affirmatif : "Peut-être. J'estime qu'une éducation fait toujours du bien ! Il faut apprendre le maximum dans la vie."

En plus de l'éducation, les autres atouts avancés par le parc c'est "l'intérêt vétérinaire et scientifique."

Une caution scientifique essentielle. Ici les dauphins sont une espèce protégée d'après un décret du 27 juillet 1995. La capture et le commerce sont interdits à l'exception de l'intérêt scientifique. Ce que confirme le directeur du parc aquatique, Michael Riddell : "Nous sommes maîtres de stage pour quatre écoles vétérinaires françaises… et nous avons des stagiaires toute l'année.

On le voit ensuite dans une archive télévisée expliquer les causes d'un échouage de cétacé sur la côte, sans en avoir à l'époque l'habilitation.

"Ce sont des organismes de spectacles, ce sont des zoos, je pense que ce serait bon qu'ils se cantonnent dans ces domaines-là."

Jean-Michel Bompar, vice-président du GECEM dénonce cette posture scientifique et la mainmise des delphinariums sur les subventions de recherche au détriment des travaux réalisés par les véritables scientifiques.  : "Ce sont des organismes de spectacles, ce sont des zoos, je pense que ce serait bon qu'ils se cantonnent dans ces domaines-là. Qu'ils n'aillent pas faire de l'ombre aux scientifiques en mobilisant des subventions que les scientifiques n'ont pas, en mobilisant de la presse, les médias que n'ont pas les scientifiques…"

Le commentaire ajoute que "rien n'arrête Riddell qui multiplie les actions médiatico-scientifiques comme la création d'une association contre les filets dérivants ou Delphis (qui appelle les bénévoles au recensement des cétacés en Méditerranée). Toutes deux financées en partie par la région."

A l'université de médecine de Montpellier II, Pierre Beaubrun, spécialiste de la mer à l'Ecole pratique des hautes études, partage son bureau avec quatre personnes faute de budget. "Ces résultats, je me permets de les critiquer très sévèrement. On n'obtiendra pas de recensement des cétacés avec l'opération Delphis." Il conteste aussi les analyses de planctologie réalisées par cette même association de bénévoles. "C'est tourner en dérision les travaux faits pas des chercheurs professionnels."

"On vous fait croire qu'il y a une espèce de symbiose, de courant qui passe entre le dresseur et le dauphin. Ben, c'est pas vrai, le dauphin il obéit, il faut qu'il mange, qu'il soit soigné."

Jean-Michel Bompar ajoute qu'"il y a un gros mensonge souvent à travers les Marineland. On nous fait croire que les dauphins sont heureux… un dauphin ça sourit tout le temps même quand on le coupe en tranche… on vous fait croire qu'il y a une espèce de symbiose, de courant qui passe entre le dresseur et le dauphin. Ben, c'est pas vrai, le dauphin il obéit, il faut qu'il mange, qu'il soit soigné." Pierre Beaubrun, compare cela au chien qui saute dans des cerceaux au cirque, ce qui ne constitue pas une expertise scientifique sur le chien.

Muriel Teyssier constate quant à elle les dauphins est "un produit rentable. C'est du business. C'est vrai que c'est un animal intelligent, il est ludique, il est curieux. C'est le seul animal sauvage à se montrer curieux et gentil avec l'homme mais il faut lui foutre la paix."

Mais laisser les dauphins, cela a un coût économique car le Marineland Côte-d'Azur est l'un des établissements touristiques les plus rentables (cette année-là, plus d'un 1 200 000 de visiteurs étaient venus).

Le reportage se conclue en montrant d'autres moyens moins drastiques de côtoyer les dauphins mais non sans impacts. "Pour les chercheurs, une chose est sûre, il faudra trouver d'autres moyens de connaître le dauphin." Quant à la France, Monaco et l'Italie, ils déclaraient cette année-là leur volonté d'établir un sanctuaire de dauphin dans la zone corso-liguro-provençale. Quinze états méditerranéens signaient en 1996, à Monaco, un accord de protection des dauphins et des cétacés. "Devant cette volonté affichée de défendre les cétacés, quelle est la véritable vocation des delphinariums ? Une question à se poser tout simplement." Le débat ne faisait que commencer.

Pour aller plus loin

Marineland d'Antibes : les écologistes contestent le bien-être des dauphins...! (JT Soir Côte d'Azur du 4 juillet 1993)

Dauphins, quelle vie après la captivité ? Reportage consacré à la réintroduction des dauphins dans leur milieu naturel en Corée après 20 ans de captivité et un projet de sanctuaire pour dauphins en Grèce. (JT de 20h00 du 6 août 2017)

Sensibiliser à la protection des dauphins. Réseau cétacés

D'autres vidéos sur les marinelands

Florence Dartois


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