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1994, François Mitterrand sur le Rwanda : "Les limites de l'épouvante ont reculé"

1994, François Mitterrand sur le Rwanda : "Les limites de l'épouvante ont reculé"

Emmanuel Macron est au Rwanda pour tenter de normaliser des relations complexes entre les deux pays depuis le génocide Tutsi de 1994. Retour cette année-là, lorsque François Mitterrand qualifiait de "lueur" l'intervention française.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 30.03.2021 - Mis à jour le 27.05.2021
MITTERRAND/RWANDA - 1994 - 01:10 - vidéo
 
Emmanuel Macron est au Rwanda pour tenter de normaliser des relations complexes entre les deux pays depuis le génocide Tutsi de 1994. Retour en 1994, lorsque François Mitterrand qualifiait de "lueur" l'intervention française. 

Le rapport de la commission Duclert, remis à Emmanuel Macron le 26 mars 2021, s'il écarte le terme de "complicité", "conclut à un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes pour l’Etat français" dans le génocide du Rwanda. C'est également ce qu'a déclaré Emmanuel Macron le 27 mai à Kigali. Entre avril et juillet 1994, près de 800 000 Tutsis ont été massacrés dans ce qui constitue l'un des trois génocides du XXe siècle. La responsabilité du chef de l'Etat français est pointée du doigt dans ce rapport. Pourtant, le 23 juillet 1994, le président François Mitterrand voyait dans l'intervention française Turquoise l'une des seules "lueurs" dans cette "épouvante". 

Le rôle de la France au Rwanda reste un sujet explosif depuis plus de 25 ans. Un rapport de plus de 1000 pages, fruit de deux années d'analyse des archives françaises, a été remis le 27 mars 2021 à Emmanuel Macron. Il dresse un bilan sans concession de l'implication militaire et politique de Paris au Rwanda entre 1990 et 1994, tout en écartant la "complicité" de génocide.

Présente au Rwanda depuis que ce pays a pris son indépendance de la Belgique en 1962, la France "est demeurée aveugle face à la préparation" du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994, assène la commission de 14 historiens présidée par Vincent Duclert, mise en place en 2019 par Emmanuel Macron.

Les historiens reviennent sur l'engagement français durant ces quatre années décisives, au cours desquelles s'est mise en place la dérive génocidaire du régime hutu, pour aboutir à la tragédie de 1994 : des centaines de milliers de personnes - sans doute 800 000, majoritairement tutsi - exterminées dans des conditions abominables entre avril et juillet.

Télégrammes diplomatiques, notes confidentielles et lettres à l'appui, le rapport dessine une politique africaine décidée au sommet par le président socialiste de l'époque, François Mitterrand, et son cercle proche. Il raconte des décideurs "enfermés" dans une grille de lecture "ethniciste" post-coloniale et décidés à apporter un soutien quasi "inconditionnel" au régime "raciste, corrompu et violent" du président rwandais Juvénal Habyarimana, face à une rébellion tutsi considérée comme téléguidée depuis l'Ouganda anglophone.

"Cet alignement sur le pouvoir rwandais procède d'une volonté du chef de l'Etat et de la présidence de la République", écrivent les quatorze historiens en insistant sur "la relation forte, personnelle et directe" qu'entretenait François Mitterrand avec le président hutu Juvénal Habyarimana. Des armes françaises ont alors été livrées.

Le rapport souligne notamment la lourde responsabilité de l'Etat-major particulier (EMP) de François Mitterrand, dirigé par le général Christian Quesnot et son adjoint le colonel (devenu général) Jean-Pierre Huchon. "L'EMP porte une responsabilité très importante dans l'installation d'une hostilité générale de l'Elysée envers le FPR", écrit le rapport, qui dénonce "les pratiques irrégulières", voire les "pratiques d'officine" de cet organe qui court-circuite tous les canaux réguliers pour mettre en oeuvre la politique française sur le terrain.

La France sera pourtant la première à réagir en lançant en juin 1994 - 3 mois après le début des massacres - , sous mandat de l'ONU, une opération militaro-humanitaire visant à "faire cesser les massacres".

Cette opération controversée, Turquoise, a certes "permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda exterminés dès les premières semaines du génocide", écrit la commission, qui souligne que les autorités françaises "se refusent à arrêter" les commanditaires du génocide ayant trouvé refuge dans la zone sous contrôle français. Ce point est l'un des plus controversés de l'action française au Rwanda.

Les responsables politiques et militaires de l'époque ont pour leur part soutenu avoir sauvé l'honneur de la communauté internationale en étant les seuls à intervenir au Rwanda. A l'image de François Mitterrand, qui tout en reconnaissant que "les limites de l'épouvante ont reculé" salue l'engagement des forces tricolores. Une intervention qu'il qualifie de "lueur".

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