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1984, des ORL désignaient le walkman comme responsable de la surdité

1984, des ORL désignaient le walkman comme responsable de la surdité

A l'occasion de la Journée nationale de l'audition, découvrons ce qui menaçait nos oreilles dans les années 1980... Un petit objet connecté à un casque, qui permettait d'écouter sa musique préférée : le walkman. A l'époque, les médecins mettaient en garde contre son utilisation prolongée...


Par la rédaction de l'INA - Publié le 10.03.2021 - Mis à jour le 10.03.2021
Le walkman et les dangers de la surdité - 1984 - 02:07 - vidéo
 

"Le walkman, c'est amusant, c'est à la mode mais ce n'est pas tout à fait sans danger. Voilà en substance ce que déclare le professeur Jean Larger, chirurgien à l'hôpital des jeunes sourds…"

Ce 16 mars 1984, les Actualités régionales d’Île-de-France consacrent un sujet sur un objet high-tech très prisé des ados : le baladeur ou walkman. Une révolution auditive qui permettait pour la première fois d'emporter sa musique partout avec soi. Dans les médias, les ORL alertent sur les risques de surdité précoces qui pourraient en découler.

"Ça peut te rendre sourd…"

Mais dans la rue, les concernés sont : "Dangereux comment ça ?". Et la journaliste de lui annoncer de but en blanc : "Ça peut te rendre sourd…". Une nouvelle qui n'a pas l'air de l'inquiéter le moins du monde. Hilare, il rétorque : "Ah ouais ! Mais quand je serai vieux !!!" pas de panique, l'appareil auditif ce sera pour plus tard, en attendant, le jeune garçon continuera à savourer ce nouveau plaisir solitaire à satiété.

Pas facile donc de convaincre ces jeunes de tomber le casque, mais le professeur Jean Larger la menace est bien présente, il l'observe en consultation : "J'ai eu en consultation un jeune homme dont la distraction était le port continu du walkman et il avait les oreilles comparables à celles d'un homme de 75 ans".

A ce constats déjà anxiogène s'ajoute celui de la journaliste qui qualifie le walkman de "dangereux pour les conducteurs de tout type, en leur faisant perdre tout self-control. Ils tombent dans une passivité incompatible avec la vigilance nécessaire."

Définitivement alarmiste, le professeur Larger enfonce le clou en décrivant l'utilisateur de baladeur comme une sorte de zombie décérébré. Selon lui, le walkman crée un état d'inhibition sensorielle, "la stimulation auriculaire inhibe la stimulation des autres sens… la vue et le toucher".

Portrait plutôt inquiétant qui n'émeut pas pour autant cet autre lycéen, plutôt jovial, et qui avoue écouter son walkman pour aller et revenir de l'école et entre les cours soit, "une heure, une heure et demie par jour". Voilà à nouveau de quoi courroucer le chirurgien : "une exposition journalière de deux heures à 90 décibels produit une lésion importante et par suite de la répétition des stimulations sonores, à ce moment-là, les lésions vont devenir définitives". Le spécialiste donne les indices à surveiller pour éviter l'irréparable, "une impression d'oreilles bouchées. On retire son walkman et on s'aperçoit que les oreilles sont pleines comme si elles contenaient un bouchon de cérumen".

Dans sa conclusion un peu plus mesurée, la journaliste explique qu'il ne s'agit pas d'interdire le walkman mais "d'apprendre à s'en servir dans un monde déjà très sonore".

"Quelle est la pratique solitaire qui touche surtout les adolescents et peut rendre sourd ? 

Dix ans plus tard, l'usage du walkman a toujours aussi mauvaise presse et dans son lancement, le 14 mai 1992, Bruno Masure s'en amuse : "Quelle est la pratique solitaire qui touche surtout les adolescents et peut rendre sourd ? Réponse : l'usage exagéré du walkman…" A l'époque, une étude réalisée dans à l'hôpital militaire du Val de grâce auprès de 450 jeunes montrait qu'un adolescent sur quatre souffrait de troubles de l'audition. Jean-Baptiste Coeffet élève du lycée militaire de La Flèche décrivait l'expérience à laquelle il avait participé. Aurélie Azémar avouait écouter moins fort depuis qu'elle avait réalisé ce test, au contraire de son camarade Loïc qui assumait écouter sa musique à fond avant de s'endormir... Patrick Buffé, ORL au Val de Grâce était tout aussi catégorique que son collègue des années 80, alertant sur les dégâts irréversibles, causés par l'écoute des baladeurs, "ce qui est perdu ne se récupérera jamais"! A l'époque, les baladeurs n'étaient pas bridés. La tolérance allait jusqu'à 91 décibels, certains walkmans montant même jusqu'à 115. "Silence du côté des constructeurs qui font la sourde oreille…", concluait la journaliste.

D'autres responsables étaient aussi pointés du doigt, tout aussi dangereux : "discothèques, concerts ou le niveau sonore ambiant". Les nuisances sonores étaient en constante augmentation.

Aujourd'hui, des normes européennes définissent les règles techniques imposées aux professionnels. La puissance sonore maximale de sortie d'un baladeur musical ne peut ainsi excéder 100 dB(A) et l’utilisateur doit être informé lorsque le niveau sonore dépasse 85 dB(A). Les recherches sur la perte auditive montrent que l’exposition à un niveau moyen de bruit continu supérieur à 85 dB(A), 8 heures/jour, ou l'exposition à des bruits impulsionnels même de courte durée ( 2 secondes), suffisent pour provoquer des pertes auditives irréversibles.

Cette année, la campagne 2021 de la Journée nationale de l'audition est axée sur "La place de l’audition dans la santé des Français" et parrainée par l’Académie nationale de médecine. Elle appelle à une journée sans écouteurs. En préambule à la Journée nationale de l’audition, l’association organisatrice a réalisé une enquête annuelle Ifop-JNA qui a révélé que la crise sanitaire aggravait la fracture sociale en matière de santé auditive. 

Pour aller plus loin

En direct de : La voix humaine. Reportage dans le centre de rééducation pour les enfants sourds-muets de naissance, dirigé par le professeur Perdonsini à Villefranche-sur-mer. (20 juin 1956)

Le Journal 20H de A2 : les acouphènes. Reportage sur le problème des bourdonnements d'oreille, également appelés acouphènes, avec l'exemple de Madame CHALVIGNAC qui habite Bieujac en Gironde. (30 août 1991)

Soir 3 : la loi sur les baladeurs. Un amendement vient d'être adopté à l'Assemblée Nationale qui va obliger les fabricants de baladeurs (walkman) à "brider" leurs appareils à 100 décibels. (15 mars 1996)

Florence Dartois


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