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1979, Paul-Emile Victor, "Nous sommes dans la merde jusqu'au cou" !

1979, Paul-Emile Victor, "Nous sommes dans la merde jusqu'au cou" !

La banquise arctique vient de battre l'un de ses deux records de fonte, un signe indéniable du réchauffement climatique. Une problématique déjà pointée déjà du doigt par Paul-Emile Victor en 1979, dans ce coup de gueule à propos de la déresponsabilisation générale sur les questions climatiques.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 18.09.2020 - Mis à jour le 22.09.2020
 
La banquise arctique vient de battre l'un de ses deux records de fonte, atteignant sa deuxième superficie la plus basse jamais enregistrée ! Un signe indéniable du réchauffement climatique. Une problématique déjà pointée déjà du doigt par Paul-Emile Victor en 1979, dans ce coup de gueule à propos de la déresponsabilisation générale sur les questions climatiques.

Il poussait alors un coup de gueule à propos de la déresponsabilisation générale des hommes sur les questions climatiques.

Le 18 septembre 1979, dans l'émission Aujourd'hui madame, l'explorateur polaire Paul-Emile Victor vient présenter son dernier ouvrage intitulé Jusqu'au cou… et comment s'en sortir. Un titre provocateur et inaudible à l'époque. Pourtant, un certain nombre de catastrophes naturelles commencent déjà à inquiéter la communauté scientifique internationale.

"Prévoir davantage une protection des hommes... ça ne paye pas ! Et c'est pour ça que l'on ne fait pas" 

D'ailleurs, le présentateur lui demande d'emblée si l'on pourrait prévoir, sinon prévenir ces catastrophes ? Pour le scientifique à la voix de stentor, c'était avant tout une question de volonté, qui n'existe pas selon lui.

"Ce n'est bien évidemment pas ma spécialité, je suis un polaire, essentiellement un polaire, mais enfin, ce sont des questions qui m'intéressent. Je ne crois pas effectivement qu'on ne peut aujourd'hui faire quoi que ce soit, sauf ce que vous disiez, madame, prévoir davantage une protection des hommes. Mais là encore, ça ne paye pas ! Et c'est pour ça que l'on ne fait pas. Ça paye moralement, psychologiquement, ça devrait être possible financièrement. Mais il n'y a pas de doute que dans la plupart des cas, on ne le fait pas ! Et on ne le fait pas, aussi, parce qu'on espère que ça n'arrivera pas chez nous. Ça n'arrivera pas ailleurs. Même si c'est chez des gens qui nous sont directement liés affectivement".

Jacques Garat l'interrompt, "cela dit, chacun sait que, comme pour les tremblements de terre, par exemple, Tazieff, nous en parlerait bien mieux, bien-sûr, comme pour tremblements de terre, il y a une carte des zones qui sont sujettes aux ouragans…"

Il confirme et ajoute, "tout comme les tremblements de terre ou comme ce dont nous allons parler tout à l'heure, je pense, à savoir les incendies. Il y a fort longtemps qu'on aurait pu faire un effort beaucoup plus grand, et on le fait dans d'autres pays, pour éviter que les incendies ne prennent les proportions absolument catastrophiques de l'été dernier".

"Nous sommes dans la merde jusqu'au cou" !

L'animateur présente ensuite son livre au titre provocateur et lui demande de l'expliciter, "Vous venez de publier un livre dont nous allons parler tout de suite. Il s'intitule "Jusqu'au cou...". Nous y sommes, jusqu'au cou, je suppose ? Et comment s'en sortir"?

Paul-Emile Victor, de sa voix forte, répond, "En réalité, le titre, les trois points... que vous voyez après "jusqu'au cou" auraient dû être avant "jusqu'au cou". Ce qui veut dire tout simplement : nous sommes dans la merde jusqu'au cou ! C'est vrai que nous y sommes depuis longtemps" !

"L'homme a le sentiment qu'il ne peut rien lui arriver..."

L'animateur l'interrompt à nouveau pour préciser un aspect du livre très intriguant relié à la psychologie humaine, "Vous dites qu'il y a une très grande, une trop grande prétention à son infaillibilité lorsqu'il est scientifique ou technicien". 

Paul-Emile Victor revient sur cette notion cruciale à ses yeux, "lorsque les scientifiques ou techniciens, peut-être, mais aussi simplement lorsqu'il est ni l'un ni l'autre. L'homme est tellement sûr de lui-même. Il a appris au cours, mettons du dernier siècle, avec les progrès de la technique. Il a appris qu'il est beaucoup plus fort que tout le reste et qu'il s'est développé beaucoup plus, techniquement parlant, qu'au cours des millénaires précédents. Et, il a par conséquent le sentiment que… il ne peut rien lui arriver ou s'il lui arrive quelque chose, vraiment, ce n'est pas de sa faute !

 "La grande erreur que l'homme fait est de penser que ce qu'il fait, LUI, n'a pas d'importance"

L'air préoccupé, le scientifique enfonce le clou et dénonce déresponsabilisation générale de l'humanité, "Or, mon impression, c'est qu'en dehors des problèmes de solutions techniques, la plupart des choses qui nous arrivent aujourd'hui, évidemment pas les cyclones, mais bien d'autres choses encore, est la faute de l'homme ! De ses excès et des individus, des personnalités. Il poursuit, "la grande erreur, je pense, que l'homme fait est de penser que ce qu'il fait, LUI, n'a pas d'importance. Qu'il n'y peut rien. Le "à quoi bonisme" dont je parle, alors que ce sont les autres qui devraient faire quelque chose d'abord. Et les gouvernements, les Etats en particulier. Or, ça commence par lui !"

Florence Dartois


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