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1972, James Baldwin sur le racisme ordinaire aux Etats-Unis

1972, James Baldwin sur le racisme ordinaire aux Etats-Unis

Colère aux Etats-Unis après la mort de George Floyd, un homme noir de 46 ans décédé des suites de son arrestation violente par la police il y a une semaine. Une mort qui s'inscrit dans le contexte historique d'un racisme envers les noirs qu'évoquait l'écrivain James Baldwin, en 1972.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 28.05.2020 - Mis à jour le 01.06.2020
 
Colère aux Etats-Unis après la mort de George Floyd, un homme noir de 46 ans décédé des suites de son arrestation violente par la police, lundi dernier. Une nouvelle bavure policière et une mort qui s'inscrit dans le contexte historique d'un racisme envers les noirs qu'évoquait l'écrivain James Baldwin, en 1972.

Les Etats-Unis sont toujours sous le choc de la mort de George Floyd, un homme noir âgé de 46 ans, décédé lundi dernier à Minneapolis des suites d'une arrestation violente effectuée par quatre agents de police. Pour la sixième soirée consécutive, des émeutes ont éclaté dans de nombreuses grandes métropoles du pays, les manifestants réclamant que justice soit rendue pour ce qui est considéré comme une nouvelle bavure de la police vis-à-vis de la communauté noire. 

Depuis lundi dernier, de nombreuses personnalités politiques américaines ont fait part de leur indignation, à commencer par Joe Biden, qui a déclaré : « C’est un rappel tragique que ce n’est pas un incident isolé, mais qui fait partie d’un cycle d’injustice systématique qui existe encore dans notre pays ». 

L'ancien Vice-Président de Barack Obama fait référence au racisme endémique qui gangrène la société américaine, et dont la communauté afro-américaine est régulièrement victime, près de soixante ans après le célèbre discours de Martin Luther King I have a Dream, prononcé à Washington le 28 août 1963.

Le racisme des blancs vis-à-vis des noirs, en Amérique, l'auteur James Baldwin (1924-1987) l'aura expérimenté dès sa plus tendre enfance dans le quartier populaire de Harlem, à New York. En 1972, depuis le village de Saint-Paul de Vence où il avait posé ses valises, fuyant la violence de sa condition de noir américain aux Etats-Unis, il évoquait pour l'émission Italiques la signification d'être noir en Amérique en ces termes : 

« C’est difficile à traduire, pour ainsi dire. C’est une situation qui n’est jamais arrivée comme telle chez vous [en France]. Etre un noir américain, ce n’est pas la même chose qu’être un autre n’importe où dans le monde. La première chose quand on naît c’est qu’on ne se rend pas compte qu’on est noir. Il faut que quelqu’un vous explique ça un jour [...], on t’appelle « nègre » quand tu as 4,5, 7 ans. »

A la question de la journaliste lui demandant à quel âge on l'avait qualifié pour la première fois de « noir », Baldwin répondait : 

« On ne m’a pas expliqué que j’étais noir. Je me suis trouvé en train de me bagarrer avec des blancs parce que eux savaient que j’étais noir mais moi je ne le savais pas. Et comme tous les enfants noirs de cet âge, on ne demande pas à ses parents pourquoi on a été appelé « nègre » mais on demande, comme si rien ne s’était passé, ce que voulait dire « sale nègre ». Les parents comprennent parfaitement ce qu’il s’est passé, et essaient d’expliquer [à leurs enfants] qu’il ne s’agit de que de mots. Mais quelque chose a déjà commencé. On se rend compte qu’on est méprisés. On sait pas pourquoi. On se rend compte qu’on se trouve en danger, on ne sait pas pourquoi. Et on se rend compte, ce qui est pire, que ton père, ta mère, eux aussi sont condamnés de façon très mystérieuse. Personne ne peut te faire comprendre, pas même tes parents. Et on commence à se demander si on ne mérite pas cette condamnation. Et c’est la où le drame commence. Quand on commence à se mépriser soi-même. »

James Baldwin évoquait ensuite le souvenir d'avoir été battu par la police alors qu'il n'était âgé que de 10 ans. Un traumatisme qu'il racontait dans son livre L'homme qui meurt (1968) : 

« J’avais 10 ans, c’est évident que j’avais 10 ans. Je ne me rappelle pas de ce que j’ai dit, mais je me rappelle bien qu’à un moment donné un des flics m’a poussé, et avec le réflexe d’un garçon, d’un gosse, je n’avais pas encore eu le temps d’avoir peur, j’ai réagi d’une façon hostile : je l’ai repoussé, je me rappelle pas exactement de ce que j’ai fait, mais il m’a battu. Un garçon de 10 ans ! ça m’a frappé énormément plus tard, [que cette situation soit arrivée] pas parce que c’était moi, mais parce que j’étais noir. Il y avait quelque chose d’autre qui est arrivé dans l’esprit, mais moi ça va parce que j’ai presque 50 ans, mais on a pas le droit de laisser les autres faire la même chose avec un garçon noir de 10 ans maintenant. »


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