Aller au contenu principal
Marcello Mastroianni en 1971 : « Les acteurs vivent longtemps, car ils changent souvent d'air »

Marcello Mastroianni en 1971 : « Les acteurs vivent longtemps, car ils changent souvent d'air »

L'acteur italien disparaissait le 19 décembre 1996. Rendons-lui hommage avec cette interview intimiste, dans laquelle il se confiait sur sa carrière et sa vision du métier d'acteur.

 

Par Florence Dartois - Publié le 30.04.2020 - Mis à jour le 17.12.2021
 

Reçu dans l'émission « Le journal du cinéma », le 12 mars 1971, Marcello Mastroianni s'entretenait avec une journaliste, à propos du cinéma. L'acteur était alors de passage en France pour le tournage du film Ça n'arrive qu'aux autres de Nadine Trintignant. Entre deux scènes, il confiait ne pas aimer répondre aux interviews, avec la sensation de répondre toujours la même chose « car j'ai une évolution lente et limitée » ironisait-il. Pourtant, un dialogue intime allait s'établir entre le comédien à l'accent inimitable et la journaliste. Marcello Mastroianni allait expliquer qu'avant de faire du cinéma, il avait surtout joué au théâtre pendant une dizaine d'années, attendant l'arrivée du succès : « C'était lent pour moi la carrière au cinéma, contrairement au théâtre, où tout était très bien parti, dès le premier jour ».

Le jeu d'acteur

Il comparait ensuite les acteurs à des caméléons en perpétuelle transformation, « on est des êtres disponibles, voilà ! » Il poursuivait : « Dans la tradition, les acteurs sont nomades. On dit d'ailleurs que c'est pour cela que les acteurs vivent longtemps, car ils changent souvent d'air ». Toujours dans la dérision, il déclarait que « très souvent, les acteurs, on choisit un film car on a besoin d'argent. Ils ont toujours besoin d'argent. Je ne sais pas pourquoi, parce que pourtant on en gagne ! Peut-être que des fois, c'est un peu trop facile, c'est vrai ».

Marcello Mastroianni évoquait ensuite sa préparation pour le rôle du maçon dans Drame de la jalousie, son précédent long-métrage. L'acteur confiait s’être servi de son origine paysanne et de son goût pour les bâtiments « parce que j'aime les maisons. J'ai étudié pour faire architecte, alors les maçons sont des ouvriers que j'aime beaucoup. »

Lui n’aimait pas observer pour imiter. «Chez moi ça ne marche pas ! Si le scénario est bien écrit, si le caractère est bien développé par les auteurs, vous pouvez inventer un maçon même si vous ne l'avez jamais vu travailler », disait-il. L’art de jouer venait d’autre part selon lui : « quand un acteur joue un fou, il se rend dans un hôpital pour l'observer. Moi ça me fait rire parce que, ce n’est pas vrai, ça doit sortir de dedans. Parce que si vous vous mettez à étudier un fou, sa folie, ses tics, ces choses (…) ce que vous faites, ça devient de l'imitation qui part de l'extérieur, mais moi, je n'aime pas ce genre de truc-là. Ça me fait rire même », affirmait-il, assurant qu’il était plutôt question de ressentir. « C'est de l'invention. Il ne faut pas imiter. C'est une tentative de se retrouver. De se trouver ! De se reconnaître. Et on le fait à travers des personnages, c'est la raison pour laquelle on cherche."

Chaque acteur devait explorer sa propre voie et lui ne voulait pas servir de modèle, cette idée l’amusait : «J'ai fait tellement de conneries moi-même. Non, ce n'est pas un modèle, c'est la carrière normale d'un acteur. »

Jouer pour une femme

Quelques images du tournage le montraient aux côtés de Catherine Deneuve. En off, l'acteur évoquait le propos du film de Nadine Trintignant : « Dans ce film, il y a une histoire normale, douloureuse. Il y a l'amour, cette envie de vivre malgré tout. » Il évoquait aussi sa curiosité à travailler avec une réalisatrice. Une première pour lui, une expérience qu'il semblait apprécier : « Ça m'a amusé (…) c'est charmant, c'est joli (…) dans le cas de Nadine Trintignant, elle ne crie jamais ! Elle est très douce. Elle est très sympathique avec un air détachée, mais charmante, vraiment ! Pleine d'humour. Toujours maternelle même. Avec un sourire enjôleur ». Il trouvait ça « confortable ».

L’acteur pouvait jouer tous les rôles, passant de l'intellectuel au maçon, avec la même justesse, selon lui, c’était normal : « comme ce papier blanc sur lequel c'est très facile de mettre une couleur, de dessiner quelque chose et d'avoir une autre physionomie, une autre nature. Ce n'est pas extraordinaire. C'est notre avantage, notre limite. » Il n’avait pas de plan de carrière : « Moi, j'aime laisser les choses arriver comme ça (…) sans hypothéquer le futur. C'est comme en amour...»

La reconnaissance

Concernant les récompenses, Mastroianni trouvait normal d’être récompensé : « c'est normal. Non ? Pourquoi pas ? J'ai travaillé tellement d'années. C'est même normal qu'un jour arrive un prix non ? C'est comme dans la carrière de quelqu'un qui est employé, et puis un jour, il devient chef de bureau....» Quant à la légion d'honneur, il disait : « pourquoi pas ? », achevant l’interview tout en se reprochant d’avoir été trop bavard, avant de conclure dans un sourire : « Arrêtons-là madame ! »

Marcello Mastroianni au journal de 13h, en janvier 1971

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.