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L'affaire Grégory, une histoire d'images

L'affaire Grégory, une histoire d'images

Netflix propose depuis fin novembre 2020 "Grégory", une série documentaire sur l’assassinat du petit Grégory Villemin en 1984. Une affaire restée non élucidée à ce jour.

Publié le 19.09.2019

Pour "Grégory", cinq épisodes ont été réalisés sur le mode "true crime". Ils mettent en scène certains témoins et de nombreuses archives télé et radio, dont une heure d’extraits issus des archives de l’INA. Gilles Marchand, l’un des réalisateurs, explique son approche.

Comment avez-vous abordé ce projet documentaire ?

Je ne suis pas réalisateur de documentaires, mais ce projet m’a intrigué : c’est une histoire extraordinaire. Et quand la productrice, Elodie Polo-Ackermann (Imagissime, lire ci-dessous) a insisté pour que j’y participe, je me suis retrouvé un peu comme un chef de bande, travaillant avec quatre réalisatrices plus proches de l’univers du documentaire : Anna Kwak Siaelelli, Yvonne Debeaumarché, Agnès Pizzini et Patricia Tourancheau. Ensuite, sur la forme, j’ai tout de suite écarté l’idée de faire des reconstitutions avec des comédiens ou une voix off. Nous avons travaillé uniquement avec les témoins et les archives.


Pour ce qui est des archives, elles sont d’une très grande richesse, et souvent inédites. Comment les avez-vous recherchées ?

On avait vu beaucoup de chose dans les JT, mais ce sont des plans déjà très montés. Mon obsession a été de revenir aux sources, aux rushes, autant que possible. Sur une affaire aussi iconique, les trois documentalistes, Justine Moreau, Cécile Niderman et Olivier Paoli, ont pu retrouver des éléments dans la longueur. Quand on voyait une caméra dans un plan, on recherchait quelle équipe avait filmé, pour retrouver la source. Certaines images, comme celles de l’enterrement, ont été retrouvées au Luxembourg, car filmées par RTL. D’autres chez Gaumont, qui avait gardé les rushes de France 3 ayant servi à un précédent documentaire. Nous avons eu le temps et les moyens de creuser profondément en ce sens, ce qui a été à la fois précieux et crucial dès lors que nous savions que nous n’aurions pas la famille Villemin comme témoins dans la série. Ainsi, ils sont tous présents à travers les archives, même si nous n’avons interviewé que le deuxième cercle de l’affaire : les enquêteurs, la justice, les avocats et les journalistes.

Ce qui semble être au cœur de la série, c’est justement le rôle des médias, qui transforment complètement l’affaire.

On commence par une affaire tragique, mais intime, familiale, un simple fait divers, et puis les médias s’y intéressent. Les enquêteurs butent sur des interrogations, les avocats s’en mêlent, les médias amplifient tout et il y a un effet boule de neige qui fait que ça devient de plus en plus monstrueux et que ça fait tout dérailler. Les errements du côté de l’enquête, les erreurs du côté de la justice et le délire médiatique ont créé une affaire hors-norme. Grâce aux archives personnelles de Jean Ker, qui a suivi l’affaire à l’époque pour Paris-Match. C’est un vrai trésor, car il enregistrait tout, en cachette ou non, et nous avons ainsi pu faire revivre certaines scènes. Nous avons aussi la voix du fameux « corbeau », qui est le probable assassin, et on ne l’a jamais entendue comme ça.

Les archives elles-mêmes jouent un rôle dans le dispositif de la série, puisque certains témoins y sont aussi directement confrontés.

C’est une affaire dont on a beaucoup parlé, mais les témoins eux-mêmes n’avaient jamais été confrontés aux images. Cela a produit des effets de révélation très forts. Ainsi, quand on a montré au gendarme Sesmat les images de l’enterrement, il était vraiment complètement bouleversé. Cela l’a obligé à replonger dans ses souvenirs. Le fait que les protagonistes de l’affaire regardent les archives, qu’ils soient confrontés à des séquences assez longues d’images plutôt brutes les a fait réagir. Ils ont trouvé ça fascinant de voir ces documents dans la longueur. Les archives photos et provenant des journaux sont elles aussi d’une richesse inouïe. Pour moi qui viens plutôt de l’univers de la fiction, où l’on crée tout de toutes pièces, ce matériau est d’une puissance incroyable.

Le mot de la productrice Elodie Polo Ackermann

"Pour la série, nous avons cherché tout ce qui pouvait exister en archives, indique la productrice Elodie Polo Ackermann, créatrice d'Imagissime. L'archive n'a pas ici un rôle d'illustration, elle est un élément déterminant de la narration. Elle est au cœur de la construction du récit, contrairement à ce qu'on voit dans de nombreux documentaires. Ce travail a permis de faire ressortir la puissance narrative des archives elles-mêmes."

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