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Les sucres cachés, un secret de Polichinelle depuis les années 70

Les sucres cachés, un secret de Polichinelle depuis les années 70

La revue 60 millions de consommateurs vient de sortir un hors-série "les aliments qui empoisonnent", où l'on apprend au consommateur à repérer les sucres, sels, graisses, additifs et pesticides cachés dans les aliments industriels. Les sucres cachés étaient déjà dans le collimateur des associations de consommateurs dès les années 70…

 

Par la rédaction de l'INA - Publié le 13.04.2018 - Mis à jour le 13.04.2018
Le sucre - 1979 - 01:45 - vidéo
 

Le 12 avril 2018, La revue 60 millions de consommateurs a sorti un hors-série intitulé "Les aliments qui empoisonnent", où l'on apprend au consommateur à repérer les sucres, sels, graisses, additifs, nitrites et pesticides cachés dans les aliments industriels, même les plus anodins comme les yaourts. Les sucres cachés étaient déjà dans le collimateur des associations de consommateurs dès les années 70…

En 1979, pour une expérience, l'émission A la bonne heure demande à deux enfants de 6 et 14 ans de remplir leur caddie de supermarché selon leurs goûts. A la fin des courses, le bilan est édifiant : Les bambins n'ont choisi que des produits sucrés. Même les yaourts explosent le compteur "sucre". Pour tout argument le plus jeune déclare "J'aime ça le sucre"…

Si dans cette vidéo, les produits sucrés sont simples à repérer, en réalité, il est complexe de limiter sa consommation de sucre. Pourquoi ? Tout simplement parce que les industriels de l'agro-alimentaire ajoutent des doses conséquentes de sucre à leurs produits transformés pour leur donner de la texture et du goût. Tout un arsenal d'additifs, colorants y contribue. Le sucre est un parfait exhausteur de goût. Si depuis quelques années, les industriels mettent le frein sur le sel, ils continuent à user du sucre. Ainsi, charcuterie, plats transformés, ou ketchup, comme le souligne l'étude publiée par la revue 60 millions de consommateurs, en regorgent : "Ainsi dans un flacon de ketchup Heinz de 700 g, on trouve huit tomates et 22 morceaux de sucre. Soit pour 20 g de sauce, autant de sucre que dans deux petit-beurre de la marque Lu."

Un ingrédient qui agit dans une zone de notre cerveau identique à celle qui nous rend dépendant d'une drogue et  suscite un sentiment de manque… Plus on mange sucré, plus on a envie de sucre… "Et l'industrie alimentaire de sait très bien. Plus elle ajoutera de sucre, plus vous serez dépendant à ce type d'alimentation" confirme le docteur new-yorkais Franck Lipman en 2015.

Le sucre caché déjà identifié dans les années 70

Mais ce phénomène n'a rien de neuf. Dès les années 70, les associations de consommateurs et les médecins mettaient en garde contre ces sucres cachés qui envahissaient déjà les plats préparés. Dans le magazine télévisé Aujourd'hui madame du 6 septembre 1979, on décortique ouvertement les dangers des sucres cachés.

Le professeur Marian Apfelbaum débute l'émission en déclinant l'identité des différents sucres, simple et complexe, comme l'amidon du pain… "Pendant des centaines de générations, on se nourrissait des céréales et puis les miels ou les sucres étaient une gourmandise tout à fait exceptionnelle, tout à fait rarissime, accessible un jour aux riches et aux puissants. Depuis un siècle ont commencé à apparaître les sucres et depuis 30-40 en France, il est devenu très bon marché, de sorte qu'il est devenu un aliment de tous les jours" [...] "Quant au pain, c'est "de l'eau et 80 grammes de sucres lents [...]  la teneur en sucre des céréales est très proches des 100". Dans les fruits, il y a beaucoup d'eau et l'ordre de grandeur des sucres est de 10%".

Les sucres sont-ils indispensables dans notre alimentation ? La nutritionniste Monique Astier-Dumas répond à cette question épineuse : "Indispensables? A l'extrême, on peut vivre sans sucre parce que l'organisme est capable, à partir d'autres produits de resynthétiser des sucres et de les utiliser [...] Ils sont utiles dans la mesure où on a à faire des dépenses énergétiques d'une certaine importance. Les sucres courts sont exclusivement des nutriments énergétiques et ne peuvent guère servir qu'à faire du travail… Si on ne fait pas beaucoup de travail énergétiquement, on ne se dépense pas [...] on n'a moins besoin de sucre. Surtout qu'il est loin d'être le seul nutriment utilisable. Nous avons beaucoup d'autres ressources énergétiques."

Comment expliquer ces cris d'alarme? Monique Astier-Dumas répond que la surconsommation de sucre est un phénomène récent : "Le doublement de la consommation de sucre s'est fait depuis la guerre. Il y a 60 ans en France (1929) on mangeait 5 kilos de sucre par an et par personne. Maintenant (en 1979), on en mange 40. C'est beaucoup. C'est énorme ! " (Elle parle de la saccharose).

Ghislain de Ginestel, responsable d'une union de consommateurs alerte déjà sur l'utilisation du sucre comme exhausteur de goût que "Tout un secteur de l'industrie alimentaire développe l'adjonction de sucre dans les fabrications (jambon…) où c'est effectivement très difficile de le mettre en évidence. On arrive comme à trouver des quantités de sucre impressionnantes dans des plats qui jusqu'à présent n'en contenaient pas : cassoulet, choucroute ou c'est assez extraordinaire dans les conserves de légumes !"

Olivier Lucas de Pellouan, membre du Centre d'Etudes et de Documentation du Sucre (CEDUS), financé par les planteurs de betteraves et les fabricants de sucre, relativise en expliquant qu'il s'agit "d'un petit pourcentage de sucre (1,4%)", mais le présentateur souligne que "pour un jambon de 100 kilos, ça fait un kilo". De Pellouan ne peut que confirmer…

Monique Astier-Dumas explique ensuite qu'on mettait déjà du sucre dans les saumures de jambon qui était censé aider à la maturation des jambons. "Et puis on a complètement changé de méthode de fabrication mais on a continué à mettre du sucre".

Olivier Lucas de Pellouan se défend avec l'argument suivant : "Ceci étant, tout ce qui est fait est autorisé par le législateur".

Ghislain de Ginestel lui répond que le danger vient du fait que "le consommateur lorsqu'il mange des légumes en conserves ne se doute pas qu'il ingère en fait du sucre" et que cela augmente sensiblement sa consommation de sucre sans qu'il en ait conscience : "On diminue peut-être la consommation consciente mais celle qui augmente c'est la consommation inconsciente et c'est là qu'à notre avis c'est assez grave. On lance un peu un cri d'alarme". Il demande ensuite un meilleur étiquetage des produits alimentaires, avec la quantité de sucre présent dans l'aliment. Il évoque ensuite la forte teneur en sucre des médicaments, comme les pastilles pour la gorge ou les sirops, que les enfants adorent…

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